En 1854, J. Isai Benoit de Livernois (1830-1864) aidé de son épouse Elise L'Heureux (1827-1891) ouvrent à Québec un studio de photographie qui demeurera en opération pendant 120 ans: c'est la Maison Livernois. Une telle durée pour un atelier photographique sous un même nom est un fait unique dans les annales. L'auteur établit d'abord le caractère familial de l'entreprise en révélant chaque artiste de la lignée: J. Isai, le fondateur, J. Ernest (1851-1933), Jules (1877-1952). Il présente sommairement l'oeuvre de chaque génération inscrite dans un continuum commercial et idéologique: apprentissage, pratique, succession. L'auteur veut ensuite démontrer que la vigueur de cet atelier d'art de Québec, un atelier modèle, tient au perpétuel ajustement technique, commercial et esthétique de la pratique aux courants européens et nord-américains. Des courants qui animent la grande industrie et l'art photographique particulièrement entre 1860 et 1920, l'âge d'or des studios de photographes. L'ajustement technique se vérifie dans la séquence des procédés et des formats qui aussitôt annoncés dans les grandes capitales ou les métropoles sont immédiatement offerts par la Maison Livernois: Le daguerréotype, les supports au collodion, a la gélatine argentique, la carte de visite, le stéréogramme, le cabinet, les agrandissements de "grandeur naturelle"… Les Livernois s'inscrivent aussi dans les moyens modernes de diffusion de l'image photographique: la xylophotographie, la phototypie et le demi-ton, autant de procédés photomécaniques de reproduction qu'ils abordent rapidement dès leur apparition. Quant à l'ajustement commercial de leur atelier d'art à l'ère industrielle, il se vérifie dans le choix judicieux du lieu d'implantation des studios à la Haute-Ville de Québec, dans la conquête des marchés par une promotion planifiée, dans l'aménagement attrayant de la galerie et des ateliers, dans l'organisation du métier et du travail et dans les réalignements de commerce selon la "conjoncture" du marché photographique. Enfin l'analyse du corpus permet de déterminer l'étroite relation de la manière des Livernois au: grands maîtres de l'art photographique, du portrait, du paysage, de la vue en France, en Angleterre et aux Etats-Unis. Une liaison qui rend compte du grand talent et du sens de la beauté de ces créateurs, confirmés par l'invention, l'originalité, la maîtrise technique et artistique vérifiable dans une multitude d'oeuvres. Le point de départ d'une recherche à compléter sur un corpus de près de 200 000 oeuvres où projets et méthodes restent à inventer. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2013