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Les dimensions silencieuses de l'acceptabilité sociale en contexte autochtone

Fortin, Julie 13 December 2023 (has links)
Cette thèse propose une analyse des dimensions silencieuses de l'acceptabilité sociale en contexte autochtone, qui peuvent limiter la capacité de délibération et de négociation des communautés. Du point de vue de l'industrie, la notion de « licence sociale pour opérer » sert à légitimer les projets en mettant de l'avant des valeurs de dialogue et de consensus. Or, malgré les avancées importantes qui découlent de l'adoption de normes internationales en matière de responsabilité sociale, le respect des engagements fait parfois défaut, particulièrement dans le cas des compagnies d'exploration juniors. En effet, la précarité de ces compagnies, le fait qu'elles soient moins scrutées que leurs homologues bien établies et leur besoin d'obtenir rapidement le soutien de la population pour convaincre les investisseurs, causent une pression importante sur les communautés locales et placent ces-dernières dans une position de vulnérabilité, surtout si elles disposent de ressources limitées. Par ailleurs, le partage de bénéfices avec les communautés et le financement d'infrastructures, en palliant les lacunes de l'État, engendrent une relation de dépendance économique et contribuent à la détérioration du tissu social des communautés. Enfin, malgré la promotion du dialogue, tant par l'État que par l'industrie, les membres des communautés qui veulent participer aux négociations doivent adopter le discours corporatif, une exigence qui a pour effet d'exclure certains thèmes et individus des discussions, tels que les femmes, les jeunes et les personnes ayant un mode de vie plus traditionnel. Dans le champ des relations publiques, malgré la prolifération de modèles théoriques axés sur le dialogue, aucun d'entre eux ne permet de bien saisir les relations de pouvoir asymétriques entre les acteurs impliqués dans ces processus de façon réaliste et empirique, du point de vue des publics. Notre recherche vise à combler cette lacune, en proposant trois idéaux-types relationnels qui caractérisent les rapports entre les communautés autochtones et les compagnies minières. De façon plus précise, l'objectif général de cette thèse consiste à comprendre comment, dans le cadre des projets miniers en phase d'exploration, la capacité de négociation et de délibération des communautés autochtones est influencée par les relations de pouvoir entre les acteurs, les perceptions du projet, les émotions qu'il engendre, de même que ses impacts sur la cohésion sociale. Ces éléments sont caractérisés comme des dimensions silencieuses de l'acceptabilité sociale en contexte autochtone. Cette recherche adopte la posture épistémologique du pragmatisme critique, inspiré de la philosophie sociale de Dewey. Cette posture vise d'une part à mettre en relief les relations de pouvoir qui limitent la capacité d'expression et d'émancipation des individus, et d'autre part à restituer leur expérience vécue, afin de nourrir la réflexion critique et de soutenir leur capacité démocratique. Dans cette optique, notre perspective théorique se déploie sur trois axes. Le premier, ancré dans les approches socioculturelles en relations publiques, nous permet d'analyser les « registres silencieux » du pouvoir déployés par l'industrie minière pour assurer sa légitimité, notamment les campagnes de lobbyisme et les programmes de responsabilité sociale. Le deuxième axe nous permet de faire une analyse sociohistorique en abordant les politiques coloniales au Canada, de même que les stratégies d'adaptation, de résistance et de résilience mises en place par les Autochtones. Enfin, le troisième axe, davantage ancré en psychologie sociale et en anthropologie, porte sur les émotions, la façon dont elles sont influencées par la culture et par les bouleversements environnementaux, de même que sur leurs différentes modalités d'expression en contexte autochtone. Dans une perspective de décolonisation de la recherche, notre cadre théorique mobilise les travaux de nombreux chercheurs autochtones dans des disciplines variées telles que la psychologie, le travail social, l'anthropologie, les études autochtones, les sciences de l'environnement et la géographie culturelle. Cette thèse s'appuie sur deux études de cas, soit la communauté crie de Nemaska et le village inuit d'Aupaluk. En collaboration avec les organisations locales, les données ont été recueillies à l'aide d'entretiens semi-dirigés, d'observation participante, d'un sondage, d'un groupe de discussion et d'analyses documentaires. Une analyse typologique nous a permis d'inscrire les données recueillies dans le contexte historique, structurel et social plus large desquelles elles sont issues et d'identifier trois idéaux-types de rapports entre les compagnies minières et les communautés autochtones : l'union forcée, le bienfaiteur et la reprise de contrôle. Ces trois idéaux-types relationnels viennent combler un manque dans la littérature sur l'acceptabilité sociale et sur les approches dialogiques en relations publiques et présentent un portrait plus complexe et nuancé des rapports entre les communautés autochtones et l'industrie minière. Enfin, ces trois idéaux-types constituent des grilles d'analyse permettant de juger de la nature du consentement d'une communauté à l'égard d'un projet, une dimension centrale à l'acceptabilité sociale. / This thesis proposes an analysis of the silent dimensions of social acceptability in an indigenous context, which can limit the communities' capacity for deliberation and negotiation. From an industry perspective, the notion of "social license to operate" is used to legitimize projects by promoting notions of dialogue and consensus. However, despite the significant advances that have been made through the adoption of international standards on social responsibility, compliance with commitments is sometimes lacking, particularly in the case of junior exploration companies. Indeed, the precariousness of these companies, the fact that they are less scrutinized than their well-established counterparts, and their need to quickly gain public support in order to convince investors, cause significant pressure on local communities and place them in a vulnerable position, especially if they have limited resources. Furthermore, profit sharing with communities and financing of infrastructure, by compensating for the shortcomings of the state, creates a relationship of economic dependence and contributes to the deterioration of the social fabric of communities. Finally, despite the promotion of dialogue by both government and industry, community members who want to participate in the negotiations must adopt the corporate discourse, a requirement that has the effect of excluding certain issues and individuals from the discussions, such as women, youth and people with more traditional lifestyles. In the field of public relations, despite the proliferation of dialogue-based theoretical models, none of them adequately capture the asymmetrical power relations between actors in a realistic and empirical way, from the perspective of the publics. Our research aims to fill this gap by proposing three ideal-types that illustrate the relationships between Indigenous communities and mining companies. More specifically, the overall objective of this thesis is to understand how, in the context of mining projects in the exploration phase, the negotiation and deliberation capacity of indigenous communities is influenced by the power relations between actors, the perception of the project, the emotions generated, as well as the impacts of the project on social cohesion. These elements are characterized as silent dimensions of social acceptability in an indigenous context. This research is in line with the epistemological posture of critical pragmatism, inspired by Dewey's social philosophy. This posture aims on the one hand to highlight the power relations that limit the capacity of expression and emancipation of individuals, and on the other hand to restore their lived experience, with a view to nourishing critical reflection and supporting their democratic capacity. In this perspective, our theoretical perspective is deployed on three axes. The first, rooted in socio-cultural approaches to public relations, allows us to analyze the "silent registers" of power deployed by the mining industry to ensure its legitimacy, notably lobbying campaigns and social responsibility programs. The second axis allows us to make a socio-historical analysis by addressing colonial policies in Canada, as well as the strategies of adaptation, resistance and resilience put in place by Indigenous peoples. Finally, the third axis, more rooted in social psychology and anthropology, deals with emotions, how they are influenced by culture and environmental upheavals, as well as their different modes of expression in an indigenous context. From the perspective of decolonizing research, our theoretical framework mobilizes the work of many Indigenous scholars in a variety of disciplines such as psychology, social work, anthropology, Native studies, environmental sciences and cultural geography. This thesis consists of two case studies, the Cree community of Nemaska and the Inuit village of Aupaluk. In collaboration with local organizations, data was collected through semi-structured interviews, participant observation, a survey, a focus group and document analysis. A typological analysis allowed us to situate the data collected within the broader historical, structural and social context from which it emerged and to identify three ideal-types of relationships between mining companies and indigenous communities: forced union, benefactor and control shift. These three relational ideal-types fill a gap in the literature on social acceptability and dialogical approaches to public relations and present a more complex and nuanced picture of the relationships between indigenous communities and the mining industry. Finally, these three ideal-types provide analytical grids for judging the nature of a community's consent to a project, a central dimension of social acceptability.

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