1 |
Les expériences d'intégration au travail et le rapport au travail des enseignantes du préscolaire et du primaireBilodeau, Karine 01 March 2024 (has links)
L'intégration au travail en enseignement préscolaire et primaire représente un défi majeur pour la population et les institutions alors que plusieurs notent des difficultés importantes se traduisant par des taux de décrochage alarmants. L'appréhension de ce phénomène demeure complexe et nécessite une approche heuristique multifacette. La recension des écrits a été effectuée sous trois angles spécifiques interdépendants : 1) les défis et enjeux de l'intégration au travail du personnel enseignant à la lumière des réformes de l'éducation au Québec et des transformations du travail provenant de la nouvelle gestion publique; 2) les dynamiques identitaires dans l'éducation au préscolaire et en enseignement au primaire; 3) les spécificités du travail des femmes en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire. Ce travail de recension a notamment permis de soulever la nécessité d'approfondir les connaissances concernant les expériences subjectives de travail des femmes en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire, qui plus est, à la lumière des nouvelles formes d'organisation du travail ainsi que des technologies de l'information et de la communication. L'objectif de ce projet de thèse vise à mieux comprendre les expériences subjectives des femmes dans leur intégration au travail et leur rapport au travail (domestique et salarié). Trois objectifs de recherche spécifiques ont été formulés : 1) décrire et analyser les expériences marquantes du travail et de l'intégration au travail en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire; 2) décrire et analyser les expériences qui ont influencé leur parcours scolaire et professionnel, la valeur accordée aux diverses sphères de vie, voire leur interdépendance, ainsi que les conditions qui influencent leur articulation; 3) cerner les modes d'échanges ainsi que les dynamiques relationnelles et analyser ce qu'elles engagent du côté de la reconnaissance et de la construction identitaire. La posture théorique se trouve à la croisée de trois perspectives différentes : la théorie critique du travail vivant issue du champ de la psychodynamique du travail, les perspectives féministes (la sociologie des rapports sociaux de sexe, courant matérialiste français) et la perspective des parcours de vie telle qu'utilisée dans les sciences de l'orientation. Ce cadre permet de prendre en compte les expériences subjectives de travail (salarié et domestique) des femmes en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire. La posture épistémologique de cette recherche se situe dans une perspective constructiviste interprétative-critique. La méthodologie s'inscrit dans une recherche narrative s'appuyant sur quatre stratégies de collecte de données : (1) vingt-cinq entretiens individuels et deux entretiens de groupe auprès de participantes volontaires ont été menés auprès d'enseignantes du préscolaire et du primaire; (2) une méthode d'inspiration « photovoix » a ensuite permis de collecter soixante-quinze photos prises et commentées par les participantes permettant de rendre visibles des expériences et enjeux vécus au travail; (3) seize captures d'écran d'échanges numériques (Messenger, réseaux sociaux, courriels) ont ensuite permis de rendre visibles certains échanges quotidiens informels avec la famille ou les collègues. Ce recueil de données a été effectué dans un processus de va-et-vient entre la collecte de données et les analyses du matériau s'échelonnant sur une période d'un an. Ce corpus a été analysé en s'appuyant sur les stratégies de l'examen phénoménologique des matériaux et des catégories conceptualisantes, et ce, afin d'entrer en contact avec le sens des expériences subjectives vécues par les participantes. À la suite de la collecte, du traitement et des analyses des matériaux, sur base volontaire, deux entretiens de groupes incluant cinq participantes chacun ont été réalisés par l'intermédiaire de l'application ZOOM. Ces entretiens de groupe ont contribué à peaufiner le processus de théorisation. Ces étapes ont permis de construire un processus de théorisation répondant au but et aux objectifs spécifiques de cette recherche. Les résultats et les discussions abordent trois facettes de l'intégration au travail d'enseignement et du rapport au travail des enseignantes du préscolaire et du primaire. Dans un premier temps, ils montrent que l'entrée en enseignement préscolaire et primaire s'inscrit à même de nombreuses expériences hétérogènes marquées par la précarité et le hasard, notamment un processus d'insertion en emploi long et complexe. Parmi ces expériences se trouvent les difficultés de l'inclusion pour tous qualifiée de « sauvage » ainsi que la centralité du lien affectif à l'élève, le travail de care et la fusion/confusion des rôles mères-enseignante. Dans ce contexte, il s'agit pour plusieurs de survivre à la précarisation du travail. Dans un deuxième temps, les résultats montrent qu'à cela s'ajoutent les expériences des femmes, notamment le « choix » de l'enseignement préscolaire et primaire, la division sexuelle du travail domestique, le cycle de la maternité et l'organisation du travail qu'il amène. Dans un troisième temps, les résultats montrent que l'évolution des espaces d'échange ou de délibération entre collègues, tant formels qu'informels, en présentiel ou en ligne, ainsi que l'instrumentalisation à des fins managériales du contenu des échanges entre collègues soulèvent de multiples enjeux. Ce travail de thèse a également permis de rendre visible et de mieux comprendre les spécificités de l'articulation des temps de travail pour les enseignantes du préscolaire et du primaire et soulève la nécessité de s'éloigner d'une conceptualisation basée sur une division binaire et étanche du temps investi dans chacune des sphères de vie. De plus, il révèle des tensions alors que le lien affectif à l'élève est à la fois désiré et valorisé par les enseignantes, mais aussi obligatoire, inscrivant implicitement le travail invisible de care à même la mission de l'école québécoise. Finalement, cette thèse a permis de révéler et de comprendre les nombreux rapports sociaux de domination qui marquent ce contexte organisationnel et, plus particulièrement, de rendre visible et de comprendre la persistance de nombreux rapports sociaux de sexes. Une des retombées de cette thèse aura été d'accorder une place à la parole libre et authentique des enseignantes du préscolaire et du primaire afin qu'elles puissent mettre en mots, réfléchir, nommer, raconter et rendre visible leurs expériences subjectives de travail et, plus largement, dans leur vie, ce que trop peu de travaux ont fait dans les dernières années à propos du travail des femmes dans ce domaine. / The work integration of preschool and elementary school teachers represents a major challenge for the population and institutions, while many note significant difficulties resulting in alarming dropout rates. Understanding this phenomenon remains complex and requires a multifaceted heuristic approach. The literature review was conducted from three specific, interdependent angles: 1) the challenges and issues of integrating teachers into the workplace in light of Quebec's educational reforms and the transformations of work resulting from the new public management; 2) the dynamics of identity in preschool and elementary school teaching, and 3) the specificities of women's work in preschool and elementary school teaching. This review raises the need to deepen our knowledge of the subjective work experiences of women in preschool and elementary school teaching, especially in light of new forms of work organization and information and communication technologies. This thesis project aims to better understand the subjective experiences of women in their integration into the workplace and their relationship to work (domestic and salaried). Three specific research objectives have been formulated: 1) describe and analyze the significant experiences of work and work integration of women preschool and elementary school teachers; 2) describe and analyze the experiences that have influenced their academic and professional careers, the value accorded to the various spheres of life, and even their interdependence, as well as the conditions that influence their articulation, and 3) identify the modes of exchange as well as the relational dynamics and to analyze what they entail in terms of recognition and identity construction The epistemological posture of this research is based on an interpretive-critical constructivist perspective. The theoretical position is at the crossroads of three different perspectives: the critical theory of living work from work psychodynamics, feminist perspectives (the sociology of gender relations, French materialist current) and the perspective of life courses as used in guidance sciences. This framework makes it possible to consider the subjective experiences of women's work (salaried and domestic) in preschool and elementary school teaching. The methodology is part of a narrative research based on four data collection strategies: (1) twenty-five individual interviews were conducted with preschool and elementary school teachers; (2) a "photovoix" inspired method was then used to collect seventy-five photos taken and commented on by the participants allowing for the visibility of experiences and issues experienced at work; (3) sixteen screen captures of digital exchanges (Messenger, social networks, emails) were then used to make visible certain informal daily exchanges with family or colleagues. This data collection was carried out in a back-and-forth process between data collection and material analysis over one year. This corpus was analyzed using strategies of phenomenological material examination and conceptualizing categories to get in touch with the meaning of the participants' subjective experiences. Following the collection, processing, and analysis of the materials, on a voluntary basis, two group interviews with five participants each were conducted via the ZOOM application. These group interviews helped to refine the theorizing process. These steps helped to construct a theorizing process that met the specific purpose and objectives of this research. The results and discussions address three facets of the integration into teaching and the relationship to work of preschool and elementary school teachers. First, they show that entry into preschool and primary school teaching results from numerous heterogeneous experiences marked by precariousness and chance, including a long and complex process of employment integration. Among these experiences are the difficulties of inclusion for all, described as "wild", and the centrality of the student's affective bond, care work, and the fusion/confusion of the mother-teacher roles. In this context, for many, it is a matter of surviving the work precariousness. Second, the results show the specificities of women's experiences, in particular the "choice" of pre-school and primary education, the sexual division of domestic work, the maternity cycle and the work organization it generates. Third, the results show that the evolution of exchange spaces or deliberation between colleagues, both formal and informal, face-to-face or online, and the instrumentalization of the content of exchanges between colleagues for managerial purposes raise multiple issues. This thesis work also made it possible to make it visible and better understand the specificities of the articulation of work time for preschool and elementary school teachers. It also raises the need to move away from a conceptualization based on a binary and watertight division of time invested in each sphere of life. Moreover, it reveals tensions when the affective bond to the student is both desired and valued by the teachers and mandatory, implicitly embedding care work in the mission of the Quebec school. Finally, this thesis revealed and understood the many social relations of domination that mark this organizational context and, more specifically, made visible and understood the persistence of many social relations of gender.
|
Page generated in 0.1092 seconds