En Amérique Latine, au XIXe siècle, la pratique de la traduction doit se comprendre dans un contexte post-colonial de construction de littératures nationales. Les sociologues de la traduction et la théorie des polysystèmes ont mis en évidence la façon dont la traduction participe à enrichir le répertoire littéraire d’une culture-cible en permettant l’accumulation de capital symbolique. Nos recherches se concentrent sur les pratiques et les trajectoires de quatorze poètes-traducteurs latino-américains, peu étudiés, ou en voie récente de réévaluation critique : Ignacio Mariscal, Rafael Pombo, Miguel Antonio Caro, Antonio Sellén, Antonio José Restrepo, Raimundo Correia, Rosendo Villalobos, Leopoldo Díaz, Ismael Enrique Arciniegas, Balbino Dávalos, Enrique González Martínez, Guillermo Valencia, Eduardo Díez de Medina et Álvaro Reis. Ceux-ci s’inscrivent dans le romantisme latino-américain, le modernismo hispano-américain et le parnasianismo brésilien. Tous traduisent tout au long de leur vie : des poètes classiques (Horace) mais aussi de plus en plus des poètes modernes, européens et américains (Hugo, Heredia, Longfellow…) ; des auteurs considérés comme majeurs (Baudelaire, Goethe, Poe) et d’autres aujourd’hui oubliés (Prudhomme, Richepin, Rollinat…). Ce dialogue poétique établi avec des figures internationales prestigieuses leur permet à la fois d’illustrer des langues en refondation depuis les indépendances, mais aussi d’expérimenter des mètres, des thèmes et des tonalités inédits. Nos auteurs publient leurs traductions dans des revues, ce qui est une pratique courante, mais surtout dans des recueils, ce qui est plus rare. Notre corpus met donc en valeur deux types de recueil, qui n’ont pas reçu de définition générique ferme : une forme mixte, composée de poésies originales et de poésies traduites, et une forme composée uniquement de traductions. Ces deux modèles ont des points communs avec les recueils poétiques originaux, les anthologies d’écrivain ou les anthologies de littérature étrangère, sans correspondre tout à fait à aucun d’entre eux. La singularité de nos recueils consiste en l’unité et l’identité du sujet qui sélectionne, traduit et réordonne les textes étrangers au sein de son livre. Nous envisageons donc le poète-traducteur latino-américain à partir de la figure du collectionneur, qui décontextualise des textes étrangers, les recontextualise dans une nouvelle série – le livre – , lui permettant de projeter et de construire son autorité poétique. Nos auteurs étant par ailleurs tous impliqués dans la vie politique de leur temps (ils sont députés, juges, voire président), nous démontrerons que le recueil de traducteur peut participer à la construction de projets politiques, et qu’il existe aussi bien un usage libéral de la poésie étrangère qu’un usage conservateur. / In 19th century Latin America, the practice of translation must be understood in a post-colonial context of the construction of national literatures. Sociology of translation and polysystem theory have highlighted how translation contributes to enriching the literary repertoire of a recipient culture by allowing the accumulation of symbolic capital. Our research focuses on the practices and trajectories of fourteen Latin American poet-translators who have been relatively under-studied or are in the process of recent critical re-evaluation: Ignacio Mariscal, Rafael Pombo, Miguel Antonio Caro, Antonio Sellén, Antonio José Restrepo, Raimundo Correia, Rosendo Villalobos, Leopoldo Díaz, Ismael Enrique Arciniegas, Balbino Dávalos, Enrique González Martínez, Guillermo Valencia, Eduardo Díez de Medina and Álvaro Reis. These poet-translators collectively belong to the movements of Latin American Romanticism, Spanish-speaking American Modernism, and Brazilian Parnassianism. Each of them produced poetry translations: classical poets (such as Horace) but also increasingly European and American Modern poets (Hugo, Heredia, Longfellow...); authors considered canonical (Baudelaire, Goethe, Poe), and others largely forgotten (Prudhomme, Richepin, Rollinat...). The poetic dialogue established with prestigious international figures allowed these poet-translators to legitimize their national languages following the Latin American independence era, and also enabled them to experiment with new meters, themes and tonalities. Our authors published their translations in journals, which was a common practice; but especially in poetry collections, which was less common. Our corpus therefore highlights two types of volumes which have not been formally defined and classified: a hybrid form, composed of original and translated poems; and a form composed solely of translations. These two forms have commonalities with poetry volumes in the original language, writer's anthologies, or foreign literature anthologies, but do not correspond entirely to any of them. The uniqueness of our poetry volumes consists in the unity and identity of the subject who selects, translates and reorders foreign texts within his book. We therefore consider the Latin American poet-translator from the figure of the collector, who decontextualizes foreign texts and recontextualizes them in a new series — the book — allowing him to project and build his poetic authority. As our authors were all involved in the political sphere (as deputies, judges, even presidents), we will demonstrate that the collections of translators can contribute to the construction of political projects, and that there is both a liberal use of foreign poetry as well as a conservative use.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2019BOR30018 |
Date | 13 June 2019 |
Creators | Serrurier, Cécile |
Contributors | Bordeaux 3, Poulin, Isabelle |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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