Les théories récentes de la conscience incarnée (embodiment) soulignent que l'esprit est un processus incarné, impliquant le cerveau, le corps et l'environnement. Plusieurs aspects de la cognition, de l’interaction sensorimotrice avec l’environnement à la pensée abstraite et métaphorique, ont été conceptualisés dans ce paradigme. Le sommeil et le rêve, cependant, ont rarement été abordés par des chercheurs dans le domaine de la conscience incarnée. Cette dissertation vise à montrer, en s’appuyant sur la phénoménologie, la philosophie énactive et des sciences cognitives du sommeil et des rêves, que le rêve est un processus incarné de formation de sens dans le monde onirique. Ce travail comporte trois objectifs principaux : 1) de démontrer que le rêve est incarné; 2) de clarifier les liens entre les expériences corporelles et la formation onirique; et 3) de préciser si la sensibilité corporelle accrue, en tant qu’une compétence entraînable, mène à des changements globaux dans la façon dont l'information est traitée en sommeil.
Le premier objectif est une proposition inédite dans la science des rêves. Dans ce travail, j’analyse les études théoriques et empiriques sur le sujet afin de motiver la notion de l’incarnation corporelle du rêve. Je propose un cadre théorique et pratique pour la recherche en neurophénoménologie du sommeil (article I). Je montre que les rêves sont incarnés à plusieurs niveaux. Tout d'abord, de nombreux rêves contiennent des représentations du corps ou du mouvement corporel. Deuxièmement, les rêves sont vécus d’un à la première personne et ont une qualité spatiale. Troisièmement, les rêves sont structurés par l'émotion et l'affect, et sont ainsi enracinés dans le corps. Enfin, le corps du rêveur et le corps onirique ne sont pas indépendants l'un de l'autre : leur perméabilité est illustrée par les rêves intensifiés, les parasomnies (article II) et les études sur l'intégration des stimuli somato-sensoriels dans le contenu des rêves.
Le deuxième objectif est d'étudier des exemples concrets dans lesquels les sensations somatiques, ou des altérations dans la perception habituelle du corps, affectent le contenu des rêves. Je procède par une revue de littérature sur l’état actuel des connaissances empiriques sur la paralysie du sommeil, en tant qu’un phénomène illustratif de l'altération dans l'expérience corporelle en sommeil (article II). Je conclus que les expériences corporelles dans le cadre de la paralysie du sommeil (pression sur la poitrine, sensations inhabituelles, et autres) nous informent sur la manière dont le sens altéré du corps modifie la perception de l'environnement, affecte les qualités de la relation intersubjective avec le monde, et illumine les caractéristiques subjectives fondamentales du sens de l'espace. En outre, les résultats de notre étude empirique démontrent que la stimulation somatosensorielle de la cheville en Stade 1 du sommeil et en sommeil paradoxal produit une variété de changements dans le contenu des rêves.
Le troisième objectif était de tester si la formation contemplative, qui augmente la conscience corporelle, produit des changements dans l’apprentissage procédural, dans l'architecture du sommeil, dans la consolidation de la mémoire dépendante du sommeil et dans le contenu des rêves. Nous avons démontré (article III) que les méditants Vipassana et les sujets témoins avaient des patrons distincts de consolidation de la mémoire en sommeil : l'amélioration d'une tâche d’apprentissage procédural était associée à la densité des fuseaux du sommeil chez les méditants, tandis que les participants témoins avaient une relation forte entre l’amélioration de la tâche et durée du sommeil paradoxal. En outre, nous avons constaté une fréquence réduite des fuseaux du sommeil chez les méditants, ce qui suggère que la pratique de la méditation centrée sur le corps peut avoir un effet à long terme sur l’organisation et la fonction du sommeil.
Dans l'ensemble, les résultats de cette enquête permettent de conclure que le rêve est un processus incarné de formation du sens, texturé par des souvenirs et des émotions, et que le rêveur n'est pas déconnecté de leur corps ou du monde extérieur. En outre, l’entrainement à la conscience corporelle peut produire des changements globaux dans l'architecture du sommeil et dans les processus cognitifs du sommeil, y compris les rêves et la consolidation de la mémoire. Ces résultats ont des implications théoriques et pratiques pour la recherche sur les fonctions du sommeil, des rêves et le rôle du corps dans l'expérience subjective. / Recent theories of cognition have stressed that the mind is an embodied process, one involving brain, body, and environment. Many aspects of cognition, from waking sensorimotor coping with the world to other aspects of the mind, such as metaphor and abstract thought, have been explicated under this framework. Sleep and dreaming, however, have only rarely been approached by embodied mind theorists. In this dissertation, I draw on work in phenomenology, enactivism, and the cognitive science of sleep and dreaming, I aim to show that dreaming is an embodied process of sense-making in the dream world. This work has three main goals: 1) to argue that the dreaming mind is embodied; 2) to clarify the links between bodily experiences and oneiric mentation; and 3) to test whether increased bodily awareness as a trainable skill contributes to global changes in the way that the mind treats information in sleep.
The first goal is a novel proposal in dream science. In this work, I review evidence for embodied dreaming and propose a theoretical and practical framework for neurophenomenological research (Article I). I propose that dreams are embodied in a number of different ways. First, many dreams contain representations of body or bodily movement. Second, dreams are experienced from a first-person point of view, and have a spatial quality. Third, dreams are structured by emotion and affect, and thus are rooted in the body. Finally, sleeping and dreaming bodies are not independent of each other; their permeability is exemplified by intensified dreams, parasomnias (Article II), and studies of somatosensory stimuli incorporation into dream content.
The second goal is to investigate some of the concrete ways in which somatic sensations or alterations in habitual perception of the physical body affect dream content. I review the current state of knowledge on sleep paralysis as an illustration of sleep-dependent alteration in bodily experience (Article II), and conclude that bodily experiences in sleep paralysis (pressure on chest, unusual sensations, and others) provide information about the myriad ways an altered sense of the body changes one’s perception of the environment, affects qualities of one’s intersubjective relationship with the world, and provides insight into the fundamental subjective features of the sense of space. Additionally, results of our empirical study show that somatosensory ankle stimulation at sleep onset and during REM sleep produces a variety of changes in dream content.
The third goal is to study whether contemplative training, which has been shown to increase bodily self-awareness, produces changes in procedural learning, sleep architecture, sleep-dependent memory consolidation and dream content. We showed (Article III) that Vipassana meditators and controls had distinct patterns of sleep-dependent memory consolidation: improvement on a procedural learning task was associated with sleep spindle density in meditators, while control participants had a strong relationship between improvement on the task and REM sleep duration. Additionally, we found a reduced sleep spindle frequency in meditators, suggesting that body-based meditation practice may have long-term effects on sleep organisation and function.
Overall, the results of this inquiry point to the conclusion that dreaming is an embodied process of sense-making, textured by memories and affect, and that the dreamer is not disconnected from their body or the outside world. Furthermore, training in bodily awareness may produce global changes in sleep architecture and sleep cognition, including dreaming and memory consolidation. These results have theoretical and practical implications for research on functions of sleep, dreams and the role of the body in subjective experience.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/20637 |
Date | 11 1900 |
Creators | Solomonova, Elizaveta |
Contributors | Nielsen, Tore André, Sha, Xin Wei |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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