En nature, le comportement des animaux peut être perturbé par une infection parasitaire. Comme les parasites ont souvent des cycles de vie complexes, la modification comportementale d’un animal parasité est généralement considérée comme une adaptation du parasite qui faciliterait sa propagation à son hôte final. Il est cependant nécessaire d’étudier les mécanismes moléculaires sous-tendant les changements comportementaux d’un animal parasité afin de comprendre comment ces perturbations comportementales évoluent. Une approche robuste pour déterminer si les variations comportementales sont induites par une « manipulation » adaptative pour le parasite (ou si elles sont le résultat d’autres mécanismes) consiste à faire le lien entre l’établissement du parasite sur/dans son hôte et les modifications comportementales reportées chez l’hôte. Un tel lien peut être établi par les sécrétions du parasite, qui représentent une source prometteuse de « facteurs de manipulation » ayant le potentiel d’agir sur le comportement de l’hôte, même lorsque le parasite est éloigné du cerveau de l’hôte. Le système épinoche à trois épines-Schistocephalus solidus est idéal pour étudier l’interaction entre un hôte vertébré et un parasite logé dans la cavité abdominale de son hôte. L’impact de l’infection par ce cestode sur la morphologie, la physiologie et le comportement du poisson a largement été documenté dans le passé. Mais jusqu’à maintenant, nous ne disposons d’aucune information sur les mécanismes moléculaires dont disposent le ver pour interagir avec son hôte. L’objectif de ma thèse de doctorat était d’étudier l’interaction moléculaire entre un hôte vertébré, l’épinoche à trois épines, et son parasite non cérébral, Schistocephalus solidus. Dans un premier temps, pour étudier l’interaction entre un hôte et son parasite, il faut être capable de suivre le parasite tout au long de son développement au sein de l’hôte. Nous avons donc développé et validé une méthode non létale pour détecter S. solidus dans la cavité abdominale de l’épinoche, même lorsque le ou les vers sont peu développés et qu’aucun indice visuel ne permet de suspecter l’infection. La méthode est basée sur la détection par PCR en temps réel de l’ADN environnemental de S. solidus dans les fluides de la cavité iii abdominale de l’épinoche. Dans un second temps, l’étude des interactions hôteparasite requiert l’acquisition de connaissances sur le protéome du parasite (c’està- dire les protéines exprimées dans ses tissus) car la protéomique permet d’identifier à une large échelle les protéines qui pourraient être responsables des changements phénotypiques de l’hôte. Nous avons décrit le protéome de S. solidus en terme de composition et de fonction en utilisant une approche de protéomique à haut débit (LC-MS/MS). Nous avons mis en évidence que les tissus du cestode incluaient des protéines impliquées dans des voies neuronales et la perception sensorielle, ainsi que des protéines spécifiques au ver, qui sont de bons « facteurs de manipulation » candidats pour expliquer les changements de comportements de l’épinoche. Dans un troisième temps, il est nécessaire d’étudier les sécrétions de S. solidus pour obtenir de nouvelles pistes sur les mécanismes moléculaires d’interaction hôte-parasite. Nous avons décrit en terme de composition et de fonction la partie protéique du sécrétome de S. solidus (c’est-à-dire les protéines libérées par le ver dans son environnement externe) en utilisant une approche à haut débit similaire à celle utilisée pour le protéome total. Nous avons trouvé que le sécrétome de S. solidus incluait un total de 25 protéines non détectées dans le protéome et impliquées dans la signalisation cellulaire, dans des fonctions neurales et immunitaires. Ce sont donc d’excellents « facteurs de manipulation » candidats. Nous avons complété notre étude par une approche fonctionnelle en injectant des sécrétions de S. solidus à deux populations d’épinoches non parasitées. Les injections n’ont pas permis de recréer le comportement typique des épinoches parasitées chez des poissons non infectés. Nos résultats suggèrent néanmoins que les sécrétions affectent un comportement relié à la témérité. Les résultats de ma thèse montrent que S. solidus, parasite non cérébral, pourrait « manipuler » en partie le comportement de son hôte vertébré, notamment grâce aux molécules incluses dans ses tissus et ses sécrétions. Cependant, les causes des changements de comportements de l’épinoche parasitée par S. solidus sont probablement multifactorielles. Ma thèse souligne l’importance de l’utilisation combinée d’analyses moléculaires à haut débit et d’approches fonctionnelles pour mieux comprendre la diversité des comportements retrouvés en nature. / In nature, animal behaviours can be disrupted after a parasitic infection. Because parasites often have complex life cycles, it was proposed that these behavioural modifications could be an adaptation of the parasite to enhance its propagation to its final host. However, it is necessary to study the molecular mechanisms underlying the behavioural changes of an infected host in order to better understand how these behavioural perturbations have evolved. A robust approach to determine if the behavioural variations are induced by an adaptive “manipulation” for the parasite (or by other mechanisms) consists in linking the establishment of the parasite on/within its host with the behavioural modifications reported in the host. Such a link can be established by the parasitic secretions, which appear to be a promising source of “manipulation factors” that have the potential to interfere with the host behaviour, even if the parasite does not have a direct access to the host brain. The threespine stickleback- Schistocephalus solidus system is ideal to study the interaction between a vertebrate host and a parasite that is located inside the abdominal cavity of its host. The effects of the infection by the cestode on the morphology, the physiology and the behaviour of the fish have been extensively described in the past. But up to now, we don’t have any information about the molecular mechanisms that could be used by the worm to interact with its host. The objective of my PhD thesis was to study the molecular interaction between a vertebrate host, the threespine stickleback, and its non-cerebral parasite, Schistocephalus solidus. First, studying host–parasite interaction requires tracking the parasite during its development in the host. We developed and validated a nonlethal method to detect S. solidus inside the abdominal cavity of the stickleback, even when the worm(s) is/are small and that no visual clues allow to suspect the infection. The method is based on the detection with a real-time PCR method of the environmental DNA of S. solidus in the fluids of the abdominal cavity of the stickleback. Second, studying host-parasite interaction requires to obtain knowledge about the parasitic proteome (i.e. all the proteins that are expressed in its tissues). Proteomics allow to identify at a large scale all the proteins that could be involved in the phenotypic changes of the host. We described the proteome of S. solidus in terms of composition and function using high throughput proteomics (LC-MS/MS). We demonstrated that the tissues of the cestode included proteins involved in neural pathways and sensory perception, and proteins highly specific to the worm, which are interesting candidate “manipulation factors” to explain the behavioural changes of the stickleback. Third, it is necessary to study the secretions of S. solidus to gain new clues about the molecular mechanisms of host-parasite interaction. We described the protein part of the secretome of S. solidus (i.e. all the proteins that are released by the worm in its external environment) in terms of composition and function using a high throughput method similar to the one used to describe the total proteome. We found that the secretome of S. solidus included a total of 25 proteins that were not detected in the proteome and that were involved in cell-cell signaling, neural and immune functions, thus representing promising candidate “manipulation factors”. We completed our study with a functional approach by injecting secretions of S. solidus in two distinct populations of non-infected sticklebacks. We were not able to re-create the behaviours of infected fish with the injections in non-infected fish. Yet, our results suggest that the secretions affect a behaviour related to boldness. The results of my PhD thesis demonstrate that S. solidus, which is a non-cerebral parasite, could “manipulate” in part the behaviour of its vertebrate host, especially with the molecules included in its tissues and secretions. However, several mechanisms may be responsible for the behavioural changes in the stickleback infected by S. solidus. My PhD thesis emphasizes the importance to use in combination high throughput molecular methods and functional approaches to better understand the diversity of behaviours in nature.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/36619 |
Date | 24 September 2019 |
Creators | Berger, Chloé |
Contributors | Aubin-Horth, Nadia |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xv, 123 pages), application/pdf, application/zip, text/plain |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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