Return to search

Le symbole et l'inquiétante provocation de la Chose : lecture lacanienne de Pelléas et Mélisande

Les divers éléments constituant le texte et la textualité relèvent, d'abord, d'un questionnement à focalisation élargie sur la représentation langagière, mais aussi sur le sens et la référence, dans le cadre plus vaste d'une réflexion sur la compréhension, la connaissance et le savoir. En posant cette réflexion par la voie d'une interrogation sur la structure du symbole comme nous le ferons ici, c'est nécessairement d'abord une certaine vision de ce phénomène et de son essence que nous exposerons. Nous nous interrogerons donc, dans le cadre du présent mémoire, sur la nature du symbole littéraire, cet élément auquel nous refusons l'assimilation à une représentation-signe qui serait «mise pour» un référé, en relais, en adjuvance. C'est le Pelléas et Mélisande (1892) de Maurice Maeterlinck qui sera l'objet moteur de notre démarche. C'est cette ?uvre qui nous a amenée à poser autrement ? autrement que le font très généralement les études littéraires, tout au moins ? le problème du symbole et de son fonctionnement. Bien sûr, il n'est pas exclu que le symbole soit, dans une antécédence matérielle et perceptuelle, d'abord et aussi de l'ordre du signe, mais d'un signe surdéterminé et débordé par les exigences du symbole: c'est précisément ce qui fait une partie de l'ambivalence de ce dernier et qui crée aussi son intérêt. C'est pareillement ce qui permet de le qualifier, après Bachelard, à la fois de «force de concentration» et de «force de polémique».

Maeterlinck, avec Pelléas, a offert à la littérature du XIXe siècle un imaginaire neuf. Sans relief et sans grandes envolées lyriques, son texte donne à lire une sorte d'alchimie de la mort et de l'amour qui, toutefois, ne relève pas que de l'intrigue mais du cumul de tensions convergentes nées de la vaine tentative d'énoncer l'indicible. Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans le présent travail, c'est de démontrer comment, dans son premier théâtre et parallèlement dans ses essais et sa poésie, il a instauré un mode phénoménologique qui ne relève plus uniquement du code langagier coutumier, mais qui n'est pas non plus exactement celui du symbolisme comme esthétique littéraire. Selon nous, chez Maeterlinck, le symbole n'est pas un donné, un outil évocatoire employé par l'auteur dans le but d'une représentation indirecte; il s'agirait plutôt d'une dynamique, d'une règle de motilité qui déterminerait la mise en réseau des signes qui, eux, occuperaient une certaine fonction désignative. Ce dont il est question ici, c'est d'un élément générateur de sémiosis et non d'un simple trope. Le symbole régissant la pièce constitue un scheme perceptuel brouillant la légitimité de la quête du sens et projetant le sujet-lecteur vers un forage ontologique incontournable. Il constitue en somme un processus de mise en forme ne relevant plus de la mimésis mais en restant tout de même tributaire. En cela, le symbole maeterlinckien se fait l'équivalent de la Chose telle que la conçoit Jacques Lacan, c'est-à-dire un «principe régulateur» et un «point d'énigme», vide autour duquel s'installe et s'organise «le façonnement du signifiant», scheme circulaire où le manque se multiplie à l'infini à travers les diverses manifestations du symbolique, qui n'est plus la loi de l'Autre mais celle de la Chose abolissant le Nom-du-Père dans un fantasme de recouvrement.

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.1262
Date January 1994
CreatorsAuclair, Marie
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed
Formatapplication/pdf
Relationhttp://constellation.uqac.ca/1262/

Page generated in 0.0026 seconds