Le travail réalisé au cours de cette thèse aborde la thématique complexe de la place des espèces de la faune sauvage dans des habitats qui sont de plus en plus modifiés par les activités humaines. Nous prenons pour modèle d’étude la population de bisons des prairies (Bison bison bison) établie dans le parc national de Prince Albert (Canada) qui utilisent les terres agricoles exploitées bordant le parc. Dans un premier temps, nous démontrons que ce sont les gains énergétiques qui guident principalement la sélection d’habitat des bisons au détriment d’autres facteurs contribuant à la valeur adaptative, tels que le risque de mortalité lié à la chasse. Les parcelles agricoles constituent alors pour cette population un piège écologique, soit un habitat qui est préféré ou également préféré à d’autres habitats disponibles pourtant de meilleure qualité. L’utilisation des parcelles se diffuse parmi la population grâce aux décisions collectives prises au sein du groupe sur la base de l’expérience passée des membres du groupe. La diminution de la taille de la population est concomitante à la diffusion de ce comportement. Nos résultats nous renseignent sur les effets négatifs que peut avoir l’utilisation des milieux anthropisés et sur comment des mécanismes adaptatifs en milieu naturel, comme l’apprentissage social, peuvent se révéler délétères dans des milieux perturbés par l’homme. Nous étudions ensuite les stratégies comportementales mises en œuvre par les bisons pour échapper aux menaces constituées, à la fois, par leur prédateur naturel (le loup gris, Canis lupus) et par les activités humaines. Les bisons réagissent à la proximité du loup gris quand ils sont dans une prairie naturelle uniquement de nuit en écourtant leur temps de résidence. Alors qu’ils sélectionnent les parcelles agricoles principalement la nuit quand les activités humaines sont au plus bas. Ces stratégies divergentes nous renseignent sur les capacités des bisons à intégrer des informations nouvelles et à ajuster leur comportement en fonction de leur expérience passée. Le déclin de la population nous indique toutefois que ce type de stratégie, certainement efficace pour maximiser le temps passé sur les parcelles agricoles tout en minimisant le risque de perturbations, reste largement insuffisant pour prémunir les bisons contre la mortalité induite par la chasse. Pour mieux comprendre les déplacements des bisons et guider la gestion de la population, nous explorons les propriétés du réseau de sentiers créés et entretenus par les bisons pour se déplacer entre les prairies naturelles. Le réseau est très redondant avec de nombreux sentiers indépendants connectant la même paire de prairies. Le nombre de sentiers et de connexions diminue en même temps que le nombre d’individus. Ces résultats nous renseignent sur la capacité de résistance du réseau aux perturbations, mais également sur l’influence de la taille de la population sur la connectivité fonctionnelle. L’utilisation des milieux anthropisés par les espèces de la faune peut également avoir des impacts sur les écosystèmes. Nous décrivons une situation souvent négligée dans le domaine de la conservation: le conflit de conservation, situation au cours de laquelle un objectif de conservation entre en conflit avec un ou plusieurs objectifs d’un autre programme. Les bisons des prairies, espèce au statut vulnérable, transportent un grand nombre de graines d’espèces de plantes non indigènes acquises sur les parcelles agricoles et qui sont potentiellement envahissantes. Ils favorisent l’installation de ces espèces en créant des conditions favorables, comme au niveau des «wallows» (zone dépourvue de végétation en son centre créée par les bisons en se roulant au sol) ou des sentiers créés au cours leurs déplacements. Les bisons en tant que vecteurs d’espèces non indigènes représentent un danger pour la restauration des prairies à fétuques, objectif de conservation prioritaire pour Parcs Canada. En conclusion, ce travail apporte des éléments de compréhension sur le comportement des animaux face à des contraintes émergentes dans les milieux anthropisés et sur les conséquences pour les animaux et les écosystèmes. Il soulève la question de la pérennité de certaines populations animales dans ces milieux anthropisés en l’absence de mesures de gestion adaptées.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/34488 |
Date | 18 April 2019 |
Creators | Sigaud, Marie |
Contributors | Fortin, Daniel |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xvi, 134 pages), application/pdf |
Coverage | Saskatchewan |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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