Aujourd’hui, les pères sont appelés à jouer un rôle plus actif et complémentaire à celui des mères auprès de leur enfant (Paquette, 2004). Or, il est reconnu que chez les pères, le trouble lié à l’utilisation d’alcool (TUA) interfère avec la parentalité (Burdzovic, Andreas et O’Farrell, 2007 ; Hussong, Cai, Curran, Flora, Chassin et Zucker, 2008 ; Vitaro, Carbonneau et Assaad, 2009). Ainsi, les enfants des pères consommant de l’alcool de manière problématique sont davantage à risque de développer différents troubles de comportement et troubles intériorisés (Vitaro et al. 2009). Cette relation peut être expliquée par différentes hypothèses. Parmi celles-ci l’absence du parent ou le défaut de son implication affective auprès de son enfant pourrait engendrer des difficultés chez ce dernier. La présente étude porte sur les liens entre la qualité de l’engagement paternel en contexte de TUA et des conséquences sur l’anxiété de l’enfant. Plus précisément, l’objectif principal vise à répertorier le nombre et la nature des symptômes anxieux présents chez des enfants âgés de 6 à 12 ans provenant de familles dont le père présente un TUA et étudier si ces symptômes sont associés à la qualité de l’engagement paternel. Cette recherche se démarque en s’intéressant plus spécifiquement à l’engagement paternel qui, comparé à l’engagement maternel, demeure un sujet relativement jeune dans la documentation scientifique. De plus, la qualité de l’engagement paternel associé à un contexte de TUA et la présence de troubles anxieux chez leurs enfants demeure un sujet peu exploré. Pour cette étude, 14 pères, ayant un TUA, ont été sélectionnés à partir des études de Pauzé, Toupin, Déry, Mercier et Joly (2004) et de Déry, Toupin, Pauzé et Verlaan (2005) et chacun d’eux avait un enfant âgé entre 6 et 11 ans. La consommation d’alcool du père, de même que les problèmes de santé mentale, ont été investigués à l’aide du Composite International Diagnostic Interview Simplified (CIDIS, Fournier, Lesage, Toupin et Cyr, 1997) alors que l’engagement parental et les autres pratiques éducatives (supervision et discipline inconstante) ont été mesurés à l’aide de la version française de l’Alabama Parenting Questionnaire (APQ, Frick, 1991). Le Diagnostic Interview Schedule for Children 2.25, (DISC 2.25, Shaffer et al., 1993; version française de Breton, Bergeron, Valla, Berthiaume, et St-George, 1998) a permis d’identifier les symptômes d’anxiété chez les enfants.
Des analyses descriptives ont d’abord été réalisées concernant les pères et les enfants. Puis, considérant le petit nombre de pères (n=14), une analyse sous forme d’études de cas présentant les 14 cellules familiales a permis d’obtenir des portraits cliniques de chaque famille dans le but de qualifier l’engagement paternel et les pratiques éducatives (supervision et discipline inconstante) en contexte de TUA, la santé mentale du père et de préciser la nature et le nombre de symptômes anxieux chez leurs enfants. Enfin, des analyses corrélationnelles exploratoires ont permis d’étudier le lien entre la qualité de l’engagement paternel en contexte de TUA et l’anxiété des enfants. Les analyses ont révélé que seulement 14,3 % des pères rapportaient un engagement parental déficitaire en contexte de TUA et que la majorité d’entre eux (92,8 %) rapportaient avoir de la difficulté avec la constance de leur discipline alors que 21,5 % indiquaient avoir des difficultés avec la supervision parentale. Plus de la moitié des pères de l’échantillon (57,1 %) présentaient également une problématique de santé mentale actuelle ou passée. Parmi les 14 enfants ciblés, près de la moitié des enfants (42,8 %) présentaient des symptômes d’anxiété selon les pères tels que la fébrilité, l’irritabilité, le trouble du sommeil, la fatigue et les difficultés de concentration. Toutefois, les études de cas n’ont pas permis d’établir de lien entre la qualité de l’engagement parental des pères ayant un TUA et les symptômes anxieux observés chez leurs enfants puisque chez les pères qui démontraient un faible engagement, les enfants ne présentaient aucun symptôme d’anxiété. De plus, bien qu’aucune corrélation n’ait été observée entre l’engagement parental et l’anxiété de l’enfant, deux corrélations se sont avérées significatives, deux corrélations négatives, une première entre l’anxiété de l’enfant et la discipline inconstante et une seconde entre les symptômes d’anxiété chez le père et la qualité de son engagement parental. Les résultats obtenus suggèrent donc une absence de lien réel entre la qualité de l’engagement des pères ayant un TUA et la présence d’anxiété chez leurs enfants. Or, l’absence de lien observé pourrait également résulter de la méthodologie utilisée, soit le père comme répondant unique. En effet, il est démontré que l’alcoolisme parental puisse influencer les mesures auto-rapportées, les parents consommateurs ne rapportent pas aisément les difficultés concernant leurs pratiques éducatives. En ce sens, les résultats doivent être interprétés à la lumière de certaines limites. D’abord, le petit échantillon (n=14) a limité les analyses statistiques possibles. Les mesures auto- rapportées par les pères et l’absence d’autres sources d’information, lors de la collecte de données, constituent des biais importants et ont pu influencer la détection de difficultés sur le plan des pratiques éducatives et des symptômes intériorisés des enfants. Les études ultérieures sur le sujet devraient donc viser un plus grand échantillon de pères permettant ainsi de mieux contrôler les variables confondantes (TUS et santé mentale). De plus, l’ajout d’un plus grand éventail de méthodes (questionnaires, entrevues, grilles d’observation) et de sources d’information (conjointe, enfant, professeur) afin d’obtenir un portrait plus exhaustif des pères et des enfants à l’étude serait tout indiqué.
Malgré l’absence de lien observé entre la qualité de l’engagement des pères ayant un TUA et les symptômes anxieux des enfants, les résultats obtenus suggèrent de porter une attention particulière aux problèmes concomitants de santé mentale du père ayant un TUA, ceux-ci pouvant avoir des répercussions sur ses pratiques éducatives, et par conséquent, sur l’enfant. De plus, pour limiter les biais des mesures auto-rapportées (désirabilité sociale, enjeux et motivations liés à la garde des enfants) chez les pères ayant un TUA, l’évaluation des pratiques éducatives devrait être multi-répondants et multi-méthodes.
Identifer | oai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/11552 |
Date | January 2017 |
Creators | Gibson, Elizabeth |
Contributors | Laventure, Myriam |
Publisher | Université de Sherbrooke |
Source Sets | Université de Sherbrooke |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Mémoire |
Rights | © Elizabeth Gibson |
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