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Fantasme de calvitie

Cet essai s'inscrit comme exigence partielle accompagnant l'exposition de ma recherche sur l'alopécie. La calvitie a été, pourrait-on, dire le leitmotiv pour une installation qui a été présentée à la galerie Langage Plus d'Alma. Cette installation était constituée de trois ?uvres. Chacune de ces ?uvres traitait de la perte de cheveux et proposait des manèges mécaniques, des aliments et des mécanismes interactifs. Un de ces mécanismes interactifs avait pour complice un détecteur de mouvements qui permettait d'actionner les machines. Ces machines présentées dans l'obscurité, généraient leur propre éclairage. L'une d'elles était assise sur un rail noir et fixé au plafond à l'aide de câbles d'acier. Placé à 2 mètres 50 du sol, cet engin nommé Méduse, se déplaçait lentement, entraînant un voile d'un jaune verdoyant. Méduse était munie de tiges d'acier en forme de tentacules, aux extrémités se trouvaient de petits paniers. Ces paniers étaient, pour leur part, éclairés individuellement par un halogène. L'éclairage des paniers nous permettait de voir leur texture, d'aspect velu et de couleur verdâtre, proche de celle du gazon. Au-dessus de l'?uvre on retrouvait un plafond garni de poils. Ces poils noirs, en silicone, de 2 cm de diamètre et de 20 cm de long étaient des répliques grossières d'un cheveu. Munis de ventouses collées à leur extrémité ils étaient fixés au plafond, à l'intérieur de la circonférence du rail. Avec le temps, ces poils tomberont chacun leur tour et termineront leur course sur le sol ou dans un des paniers capteurs.

À proximité de Méduse on retrouvait un tapis constitué de boules de barbe à papa. Ces dernières sont montées sur des bâtons de carton. Le tout était placé dans des sacs de plastiques transparents. Au nombre de quatre cent, elles étaient disposées à égale distance au sol. Au-dessus des barbes à papa, s'activait un objet lumineux. Cette machine auto luminescente avait une forme sphérique et pour orbite, un rayon lumineux rouge. Ce rayon se dessinait autour de l'objet, créant ainsi un anneau de lumière. Témoin de ce manège de lumière, les visiteurs présents pouvaient cueillir une barbe à papa et la déguster sur place.

Ces deux installations occupaient l'espace de la salle, alors que la troisième logeait dans un autre espace. Un petit lieu pas plus grand qu'un placard où l'on trouvait deux jattes fixées au mur. De l'intérieur de la jatte nous pouvions sentir une vibration en plaçant une main sur la forme arrondie, une vibration proche de celle du rasoir électrique. À la gauche de ces contenants, un objet, constitué d'un ressort qui supportait une petite touffe de cheveux colorés. Cet objet était activé par un interrupteur et lorsqu'une personne appuyait dessus, la houppe rose laissait se détacher quelques poils qui allaient choir au sol de la galerie.

L'exposition Fantasme de Calvitie, pouvait s'interpréter comme une pièce de théâtre où les poils et les manèges mécaniques en étaient les acteurs. Mon intention était de construire un monde fantasmagorique, une image du « moi » chauve, sans atout séducteur, confronté à la perte. La conceptualisation de la calvitie dans ma recherche/création laissait place à un questionnement sur la valeur que j'accorde à la pilosité en général. Cet essai, sur un mode anecdotique, racontait et raconte toujours des histoires où cette mythologie moderne traite du cheveu. C'est en quelque sorte la problématique vécue ou anticipée du phénomène de la calvitie. Les mythes, les histoires et la rumeur sur les comportements des gens, ont contribués à nourrir une métaphore celle de la perte et a enrichi l'aspect poïétique de cette recherche. Alors, statuer sur la valeur du poil et la place qu'il tient dans notre société devenait un exercice à la fois titanesque et ludique.

En ce qui a trait à l'allégorie de la perte, elle fût inspirée par la théorie freudienne. Comme pour la phase anale, la personne souffrant de calvitie désire tout retenir et ce, malgré l'inexorable sort qu'est la perte de l'objet. La personne au prise avec la calvitie n'a pas d'emprise sur sa maladie et vit l'angoisse de la perte. Une angoisse qui enclenche un mécanisme de défense psychique. D'un point de vue psychanalytique, l'angoisse de la calvitie peut aussi être en lien avec celle de la castration. Ainsi, la personne qui perd ses cheveux peut ressentir l'angoisse de perdre ses atouts séducteurs, mais semble-t-il que tout cela soit normal et que c'est à la testostérone que l'on devrait s'en prendre.

Donc, ce projet de recherche artistique aura permis une prise de conscience des processus psychologiques entourant la perte, mais revenons à l'art. Cette installation demeure liée à mes travaux antérieurs par la notion d'irréalité. Assis, dans ma pratique artistique je suis généralement intéressé par l'idée de séduction. Je désire reproduire les métaphores d'une situation, d'un instant dans une vie : le quotidien d'une personne. Par la séduction, je veux capter l'attention du spectateur et lui faire vivre des sensations. Ainsi, ce mémoire-création est influencé par la thématique de la séduction à la fois dans le contenu (la calvitie ou la perte d'un atout séducteur) et dans ma démarche artistique (?uvre interactive, matériaux identifiables, sortie de notre quotidiens : fruits de notre société).

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.786
Date January 2003
CreatorsDulude, Marc
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed
Formatapplication/pdf
Relationhttp://constellation.uqac.ca/786/

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