Vers 1775, une forme particulière de syphilis, connue sous le nom de mal de la Baie Saint-Paul, se répand dans la majorité des paroisses canadiennes. Sa progression suscite, au début des années 1780, beaucoup d'appréhension parmi les élites de la colonie. De plus, sa nature même associée à un mode de traitement basé sur la distribution de soins à tous les gens qui vivent sous le même toit qu'un malade amplifient cette peur et portent bien des contemporains à exagérer l'ampleur du "funeste mal". En réalité, cette maladie toucherait, en 1785, environ 1% de la population soit 1000 à 2000 personnes. La mortalité causée par le mal de la Baie Saint-Paul serait peu importante. Malgré la relative efficacité des remèdes mercuriaux, cette maladie existe pendant plus d'un quart de siècle. Plusieurs raisons expliquent ce paradoxe. Tout d'abord, le Canada est mal préparé à affronter cette maladie. Aucun organisme n'est en place pour coordonner la lutte contre le mal de la Baie Saint-Paul. Les hôpitaux n'ont pas les moyens d'intervenir et, de plus, leurs règlements leur interdisent d'admettre les syphilitiques. De son côté, le corps médical est hétérogène, mal distribué et surtout manque d'organisation et de cohésion. En second lieu, l'intervention gouvernementale remporte peu de succès. Elle débute en 1775 par l'envoi de chirurgiens militaires dans certaines paroisses. Le contexte de guerre, les fonctions civiles et militaires des gouverneurs Carleton et Haldimand, la bonne réputation des chirurgiens militaires et le faible coût de ce plan incitent à ce genre d'intervention. L'arrivée au pouvoir, en 1784, du lieutenant-gouverneur Hamilton, aux fonctions exclusivement civiles, amène des chambardements importants. Cette deuxième phase est plutôt axée sur l'utilisation du docteur Bowman et du clergé. Elle se termine en 1787 et donne des résultats ambigus. Bien qu'un certain nombre de malades ait été guéri, le plan de Bowman n'a que peu d'effet sur l'évolution de cette maladie. Les attitudes passives voire négatives de la population et un manque de compétence médicale d'un clergé pourtant généralement zélé ont grandement contribué à miner les efforts du docteur. Les résultats ambigus et les coûts élevés de l'intervention gouvernementale suscitent des réactions au niveau politique. Le "French Party" vise, en attaquant Bowman, à dénigrer l'administration de Hamilton, favorable au "British Party". A long terme le mal de la Baie Saint-Paul n'a guère de conséquence si ce n'est qu'il suscite une volonté de réformer le corps de santé. L'élite médicale britannique, excluse surtout durant la deuxième phase de l'intervention gouvernementale, cherche à renforcer son influence tout en visant à préciser et à hausser les normes de la pratique médicale. La loi médicale de 1788, jalon important dans le processus de professionnalisation du corps de santé canadien, résulte en grande partie de ces efforts. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2013
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/28998 |
Date | 25 April 2018 |
Creators | Lessard, Rénald |
Contributors | Bernier, Jacques |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | mémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise |
Format | xx, 116 f., application/pdf |
Coverage | Québec (Province), 18e siècle |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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