Return to search

L’illusion des signaux pénaux : l’effet tendancieux de l’impunité différentielle

Réalisé sous la co-direction de Pierre Tremblay / En utilisant une approche économique du crime, cette thèse s’intéresse à la capacité des délinquants à minimiser leurs risques d’arrestation ou de condamnation et à l’impact de cette adaptation différentielle sur la manière dont on devrait interpréter le profil du délinquant qu’offrent les statistiques policières ou correctionnelles. Les études qui ont utilisé cette approche ont surtout insisté sur les coûts pénaux, mais omettent de prendre en considération les bénéfices que procurent les crimes aux délinquants et leur vulnérabilité différentielle aux risques, pourtant essentiels à la validation de cette approche. En considérant les expériences pénales comme un signal d’information entre les délinquants et les acteurs du système de justice criminelle, ceux-ci devront interpréter ce signal avec du bruit : l’évitement pénal. Cette distorsion du signal induit chez les policiers, les juges ou les agents correctionnels l’image trompeuse du délinquant inefficace.
Notre première analyse, basée sur une méthode d’estimation des populations, évalue l’intensité de cette distorsion à travers les différentes étapes du système pénal (arrestation, condamnation, incarcération). Ce bruit ne se distribue pas de façon aléatoire, mais est influencé par les caractéristiques des délinquants. Les délinquants les moins vulnérables à la détection se révèlent plus expérimentés dans la réalisation de leurs délits : plus âgés, plus mobiles, plus spécialisés.
Notre deuxième analyse s’est intéressée à l’effet de l’évitement pénal sur notre interprétation de la récidive. Les données de délinquance autorévélée d’un échantillon de détenus, mises en parallèle avec les données pénales, ont permis d’estimer la capacité individuelle d’évitement pénal. Lorsqu’on prend en considération cette disposition, les antécédents pénaux deviennent un indicateur des échecs auxquels les délinquants font face durant leur trajectoire délinquante plutôt que de la poursuite même de cette trajectoire, créant l’illusion de l’efficacité de sa prédiction par les antécédents pénaux. L’intensité des coûts pénaux antérieurs réduit la probabilité de la poursuite de la carrière. Les bénéfices soutirés des activités criminelles augmentent cette probabilité, alors que les opportunités d’emplois conventionnels la réduisent.
Notre troisième analyse reprend une stratégie d’estimation des populations qui combine une variante adaptée aux déplacements urbains des délinquants et procure une perspective plus macrosociologique à nos observations des chapitres précédents parce qu’elle étudie l’évolution des populations délinquantes de différents groupes ethniques en fonction de la surveillance policière à laquelle ils font face. Nos résultats indiquent que, pour les délits dont le signalement est principalement proactif, un surplus de surveillance d’un groupe induit une baisse de surveillance auprès des autres groupes. Il en résulte que l’effet préventif obtenu dans le premier cas est annulé par un effet incitatif dans le second cas, celui-ci étant suffisant pour observer une augmentation générale de la population délinquante. Cet effet Harcourt vient corriger l’illusion de l’efficacité du profilage criminel ou des interventions policières ciblées.
En conclusion, on constate qu’en se basant seulement sur des données pénales, on entretient l’illusion de l’efficacité pénale. Le bruit causé par l’évitement pénal ou l’impunité différentielle des délinquants a des répercussions importantes sur notre compréhension du comportement adaptatif des délinquants. / Using an economic approach to crime, this thesis focuses on offenders’ ability to minimize their risks of arrest or conviction and on the effect of this differential adaptation on the way we should interpret offenders’ profile based on police and correctional statistics. Studies using the approach mostly insisted on penal costs, but overlooked the benefits that offenders gain from crime and their differential vulnerability to risks, essential to its interpretation. Considering penal experiences as an information signal between offenders and criminal justice system officials, both parties would need to interpret this signal with a serious amount of noise: penal avoidance. This signal distortion induced to police officers, judge or correctional officers a misleading depiction of inefficient offenders.
Our first analysis, based on a population estimates method, assess the intensity of this distortion through the different steps of the penal system (arrest, conviction, incarceration). This noise is not randomly distributed, but influenced by offenders’ characteristics. Offenders who are less prone to detection are be more experienced in the achievement of their offences: older, more geographically mobile, more specialized.
Our second analysis looked at the effect of penal avoidance on our interpretation of recidivism. Self-reported offending data from an inmate sample, in conjunction with penal data, allowed us to assess individual penal avoidance ability. When taking into consideration penal avoidance, past penal experiences appear to be an indicator of failure faced by offenders during their criminal career rather than its true continuation, creating the illusion of the efficient prediction of recidivism using past penal experiences. The intensity of past penal costs reduces the probability of the continuation of the criminal career. The benefits of crime increase this probability while legitimate opportunities reduce it.
Our third analysis, also using a population estimates methods combined to a variation adapted for offenders’ urban mobility, gives a macro perspective to our past observations and allowed us to examine the evolution of offenders populations from different ethnic groups in function of the intensity of police surveillance they each are subject to. Our results suggest that, for offenses with more proactive reporting, an increased surveillance of one group results in the decreased surveillance of other groups. The preventive effect on the first group is then cancelled by an incentive effect on the second. This effect alone suffices to increase the total criminal population. This Harcourt effect corrects the illusion of criminal profiling or targeted strategies efficiency.
In conclusion, we observe that relying solely on penal data to assess offenders behaviours maintain an illusion of penal efficiency. The noise caused by offenders’ penal avoidance or differential impunity influences our understanding of offenders’ adaptive behaviors.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/12325
Date03 1900
CreatorsCharette, Yanick
ContributorsMorselli, Carlo
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

Page generated in 0.0029 seconds