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L'innovation technologique comme processus d'apprentissage industriel : analyse de la Formation et de la diffusion des connaissances dans le cas des hauts fourneaux à injection en France et au Japon

Une série de travaux en économie et en sciences de gestion ont montré que le développement technologique tend à suivre des cycles composés de deux étapes principales (Abernathy, 1978 ; David, 1992 ; Foray, 1989, Utterback et Suarez, 1993 ; Metcalfe et Miles, 1994). Dans un premier temps, les acteurs de l'industrie tendent à explorer une diversité de pistes technologiques. Cette étape se traduit par la création d'une forte variété technologique selon une logique d'exploration du spectre des possibles (Foray, 1996). Dans un second temps, le marché technologique tend à converger vers un ou quelques technologies et design dominants. Cela correspond à une logique de sélection et d'optimisation technologique visant à exploiter les effets cumulatifs liés aux rendements croissants. <br /><br />Partant de ces modèles cycliques, la question centrale que nous nous posons dans cette thèse consiste alors à interroger les phénomènes cognitifs soutenant la dynamique d'apprentissage industriel qui les fonde. Les observations portées sur les cycles technologiques et les phénomènes de convergence supposent en effet, outre le fait que les firmes génèrent de nouvelles connaissances sur une famille de technologies en émergence, ce qui leur permet la création et l'approfondissement d'une série de voies technologiques possibles, mais de plus, que ces apprentissages manifestent une forte coordination, une capitalisation collective de connaissances, expliquant la convergence technologique. Comment, dans une situation de création de technologie nouvelle, caractérisée par un état d'ignorance et d'incertitude généralisés, les firmes parviennent-elles à produire les nouveaux savoirs et les nouvelles compétences nécessaire à leur maîtrise ? Par quels mécanismes ces savoirs se transforment-ils en savoir commun, collectif, et se propagent-ils dans l'ensemble de l'économie faisant du même coup basculer la technologie du domaine de l'inconnu, au domaine du sens commun ? Quels sont, enfin, les mécanismes de coordination inter-firme permettant la capitalisation des connaissances et leur approfondissement, autorisant la mise en place d'étapes d'exploration puis d'exploitation collective des possibles technologiques ? Autant de points qui font largement écho à des questions centrales et classiques de la dynamique industrielle, liées aux stratégies de coopération et de spécialisation des firmes autour de bases de connaissances technologiques collectives. <br /><br />Pour tenter d'apporter des éléments de réponse à ces questions complexes, nous avons choisi de développer, dans l'esprit de l'étude menée par Abernathy sur l'automobile américaine, une étude qualitative, avec à la fois, un spectre suffisamment large pour intégrer l'ensemble du cycle de développement d'une technologie nouvelle, et un niveau de détail permettant d'observer les phénomènes cognitifs micro-économique au fondement de la formation et de la diffusion des connaissances. Le cas étudié a porté sur la technologie des hauts fourneaux à injection de charbon, dont les premiers pas hésitants ont vu le jour dans les années 1960, et qui est devenue, au tournant des années 1990, une technologie dominante largement répandue sur la plupart des grands hauts fourneaux du monde. Ce cas s'est révélé être un bon support pour l'analyse de l'apprentissage industriel. En effet, si le développement technologique a bel et bien suivi une logique cyclique en deux étapes, celui-ci a été secoué de débats et de controverses facilitant le repérage de points de vue et de connaissances hétérogènes et en partie contradictoires détenues par les entreprises sidérurgiques. Avant d'atteindre un certain consensus permettant la stabilisation de la technologie et la mise en place d'investissements cumulatifs, les firmes sont passées par l'élaboration progressive d'une théorisation collective de la technologie leur permettant de nouer ensemble les savoirs fragmentés et parcellaires dont l'une ou l'autre était porteuse. <br /><br />Les résultats de l'analyse montrent ainsi que dans des conditions où l'apprentissage doit s'effectuer sur la base d'une expérience limitée -ce que March a décrit comme 'learning from sample of one or fewer' (March et Alii, 1991)- les firmes tendent à développer des zones de connaissances fragmentées liées à leurs impératifs 'locaux' et à des exigences pratiques. Le rôle d'institutions intermédiaires privées, les associations techniques et professionnelles, apparaît alors fondamental dans la mise en ordre, l'organisation, et l'élaboration d'un savoir commun dont dépend, en bonne part, la mise en place de rendements croissants et l'approfondissement de la division du travail au niveau industriel.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00120897
Date27 March 1999
CreatorsJolivet, Eric
PublisherUniversité de la Méditerranée - Aix-Marseille II
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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