La présente recherche est de type exploratoire et porte sur la mise en forme juridique de l’expertise psychiatrique quant à la traitabilité des « délinquants dangereux ». Les observations sont menées en contexte canadien et couvrent quatre provinces, soit l’Alberta, le Québec, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse de 2008 à 2012.
La recherche est basée sur deux apports théoriques : l’avènement de la « nouvelle pénologie » et la théorie des systèmes autopoïétiques de Niklas Luhmann. La « traitabilité » est ainsi conçue comme un médium de communication auquel se réfèrent les systèmes psychiatrique et juridique pour construire, respectivement, leur propre conception de la traitabilité.
Nos analyses démontrent que, du point de vue psychiatrique, la « traitabilité » renvoie, comme mise en forme principale, à la capacité de changement chez le délinquant. Pour les experts, le médium est ainsi investi pour promouvoir un idéal réhabilitatif et transformatif de l’individu : la forte majorité des délinquants sont, à différents niveaux, considérés traitables. Apparaît dans ce cadre une distinction entre le désir déviant et sa transposition en comportements déviants. Si le désir déviant ne peut pas être changé, le comportement, lui, peut être altéré ou refoulé par l’entremise de l’intervention thérapeutique. Pour les experts, la présence du désir ne représente pas un problème en soi si celui-ci ne débouche pas sur des actes concrets.
Dans le contexte de la détermination de la peine, ces communications psychiatriques sont récupérées et réinvesties par le système juridique. Les principes réhabilitatifs promus par les experts cèdent la place à de nouveaux sens et à de nouvelles significations proprement juridiques. Ces dernières puisent leur essence principalement dans la neutralisation et la protection de la société, moins dans la capacité de changement du délinquant.
Si la « traitabilité » dans son sens réhabilitatif est fortement représentée dans le discours des experts, le même médium ainsi que ces mises en forme psychiatriques sont investis tout autrement dans le système juridique. Pour ce système, dans l’ordre des priorités, le changement individuel apparaît secondaire par rapport à la protection de la société, vue comme prioritaire. La neutralisation de l’individu, notamment par son incarcération, se présente alors comme la meilleure protection. Le risque de récidive est non seulement neutralisé, mais la responsabilité du traitement en détention est en même temps transférée sur le délinquant. Le système, ainsi, s’autodécrit comme protégeant la société contre le crime. D’un point de vue sociologique, on remarque en même temps que ce faisant, le système se ‘’protège’’ lui-même contre la critique qui voudrait lui imputer la responsabilité de la non réhabilitation.
Identifer | oai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/32193 |
Date | January 2015 |
Creators | Euchi, Haythem |
Contributors | Dubé, Richard |
Publisher | Université d'Ottawa / University of Ottawa |
Source Sets | Université d’Ottawa |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thesis |
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