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La délocalisation et son impact sur les employés transférés: une étude de cas dans le secteur des services

Les transformations économiques visant la création d’un marché mondial unique, le progrès technologique et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée dans les pays à bas salaire amènent les dirigeants des entreprises à réexaminer l’organisation et la localisation de leurs capacités productives de façon à en accroître la flexibilité qui est, selon plusieurs, seule garante de la pérennité de l’organisation (Atkinson, 1987; Patry, 1994; Purcell et Purcell, 1998; Kennedy 2002; Kallaberg, Reynolds, Marsden, 2003; Berger, 2006). Une stratégie déployée par les entreprises pour parvenir à cette fin est la délocalisation (Kennedy, 2002; Amiti et Wei, 2004; Barthélemy, 2004; Trudeau et Martin, 2006; Olsen, 2006). La technologie, l’ouverture des marchés et l’accès à des bassins nouveaux de main-d’œuvre qualifiée rendent possible une fragmentation de la chaîne de production bien plus grande qu’auparavant, et chaque maillon de cette chaîne fait l’objet d’un choix de localisation optimale (Hertveldt et al., 2005). Dans ces conditions, toutes les activités qui ne requièrent aucune interaction complexe ou physique entre collègues ou entre un employé et un client, sont sujettes à être transférées chez un sous-traitant, ici ou à l’étranger (Farrell, 2005).

La plupart des recherches traitant de l’impartition et des délocalisations se concentrent essentiellement sur les motivations patronales d’y recourir (Lauzon-Duguay, 2005) ou encore sur les cas de réussites ou d’échecs des entreprises ayant implanté une stratégie de cette nature (Logan, Faught et Ganster, 2004). Toutefois, les impacts sur les employés de telles pratiques ont rarement été considérés systématiquement dans les recherches (Benson, 1998; Kessler, Coyle-Shapiro et Purcell, 1999; Logan et al., 2004). Les aspects humains doivent pourtant être considérés sérieusement, car ils sont à même d’être une cause d’échec ou de réussite de ces processus. La gestion des facteurs humains entourant le processus de délocalisation semble jouer un rôle dans l’impact de l’impartition sur les employés. Ainsi, selon Kessler et al. (1999), la façon dont les employés perçoivent la délocalisation serait influencée par trois facteurs : la manière dont ils étaient gérés par leur ancien employeur (context), ce que leur offre leur nouvel employeur (pull factor) et la façon dont ils sont traités suite au transfert (landing).

La recherche vise à comprendre l’impact de la délocalisation d’activités d’une entreprise sur les employés ayant été transférés au fournisseur. De façon plus précise, nous souhaitons comprendre les effets que peut entraîner la délocalisation d’une entreprise « source » (celle qui cède les activités et les employés) à une entreprise « destination » (celle qui reprend les activités cédées et la main-d’œuvre) sur les employés transférés lors de ce processus au niveau de leur qualité de vie au travail et de leurs conditions de travail. Plusieurs questions se posent. Qu’est-ce qu’un transfert réussi du point de vue des employés? Les conditions de travail ou la qualité de vie au travail sont-elles affectées? À quel point les aspects humains influencent-t-ils les effets de la délocalisation sur les employés? Comment gérer un tel transfert de façon optimale du point de vue du nouvel employeur?

Le modèle d’analyse est composé de quatre variables. La première variable dépendante (VD1) de notre modèle correspond à la qualité de vie au travail des employés transférés. La seconde variable dépendante (VD2) correspond aux conditions de travail des employés transférés. La troisième variable, la variable indépendante (VI) renvoie à la délocalisation d’activités qui comporte deux dimensions soit (1) la décision de délocalisation et (2) le processus d’implantation. La quatrième variable, la variable modératrice (VM) est les aspects humains qui sont examinés selon trois dimensions soit (1) le contexte dans l’entreprise « source » (Context), (2) l’attrait du nouvel employeur (pull factor) et (3) la réalité chez le nouvel employeur (landing).

Trois hypothèses de recherche découlent de notre modèle d’analyse. Les deux premières sont à l’effet que la délocalisation entraîne une détérioration de la qualité de vie au travail (H1) et des conditions de travail (H2). La troisième hypothèse énonce que les aspects humains ont un effet modérateur sur l’impact de la délocalisation sur les employés transférés (H3).

La recherche consiste en une étude de cas auprès d’une institution financière (entreprise « source ») qui a délocalisé ses activités technologiques à une firme experte en technologies de l’information (entreprise « destination »). Onze entrevues semi-dirigées ont été réalisées avec des acteurs-clés (employés transférés et gestionnaires des deux entreprises).
Les résultats de la recherche indiquent que la délocalisation a de façon générale un impact négatif sur les employés transférés. Par contre, cette affirmation n’est pas généralisable à tous les indicateurs étudiés de la qualité de vie au travail et des conditions de travail. Les résultats mettent en évidence des conséquences négatives en ce qui a trait à la motivation intrinsèque au travail, à l’engagement organisationnel ainsi qu’à la satisfaction en lien avec l’aspect relationnel du travail.

La délocalisation a également entraîné une détérioration des conditions de travail des employés transférés soit au niveau de la sécurité d’emploi, du contenu et de l’évaluation des tâches, de la santé et sécurité au travail et de la durée du travail. Mais, d’après les propos des personnes interviewées, les conséquences les plus importantes sont sans aucun doute au niveau du salaire et des avantages sociaux.

Les conséquences de la délocalisation s’avèrent par contre positives lorsqu’il est question de l’accomplissement professionnel et de la satisfaction de l’aspect technique du travail. Au niveau de la confiance interpersonnelle au travail, l’organisation du travail, la formation professionnelle ainsi que les conditions physiques de l’emploi, les effets ne semblent pas significatifs d’après les propos recueillis lors des entrevues.

Enfin, les résultats mettent en évidence l’effet modérateur significatif des aspects humains sur les conséquences de la délocalisation pour les employés transférés. L’entreprise « source » a tenté d’amoindrir l’impact de la délocalisation, mais ce ne fut pas suffisant. Comme les employés étaient fortement attachés à l’entreprise « source » et qu’ils ne désiraient pas la quitter pour une entreprise avec une culture d’entreprise différente qui leur paraissait peu attrayante, ces dimensions des aspects humains ont en fait contribué à amplifier les impacts négatifs de la délocalisation, particulièrement sur la qualité de vie au travail des employés transférés.

Mots clés : (1) délocalisation, (2) impartition, (3) transfert d’employés, (4) qualité de vie au travail, (5) conditions de travail, (6) technologies de l’information, (7) entreprise, (8) gestion des ressources humaines. / Economic transformations aimed at creating a unique international market, technology innovations and the availability of a highly-skilled workforce in low-wage countries urge company managers to reassess their organization and the location of their production capacities. This, in turn, increases flexibility, the only guarantee to ensure the survival of the organization (Atkinson, 1987; Patry, 1994; Purcell et Purcell, 1998; Kennedy, 2002; Kallaberg, Reynolds, Marsden, 2003 and Berger, 2006). One strategy displayed by organizations in order to remain competitive is outsourcing (Kennedy, 2002; Amiti and Wei, 2004; Barthélemy, 2004; Trudeau and Martin, 2006; Olsen, 2006). Technology, globalization and access to a new pool of highly skilled worforce make production fragmentation easier than it had been in past years and each link of the chain production attracts great amounts of attention to an optimum localization option (Hertveldt et al., 2005). In these conditions, all activities requiring no complex physical interaction between colleagues or between an employee and a customer are prone to be transferred to a subcontractor, be it here or abroad (Farrell, 2005).

Most researches about outsourcing essentially concentrate on managerial motives to resort to it (Lauzon-Duguay, 2005) or on organizations’ successes or failures when trying to establish a strategy of that nature (Logan, Faught and Ganster, 2004). Nonetheless, potential impacts of outsourcing employees have rarely been considered in previous researches (Benson, 1998; Kessler, Coyle-Shapiro and Purcell, 1999 and Logan et al., 2004). However, human aspects must also be considered seriously because it could be the cause of success or failure of such a process. The human aspects surrounding the outsourcing process seem to play a role in the impact of outsourcing on employees. Thus, according to Kessler et al. (1999), three general factors would influence how employees perceive outsourcing: the way employees feel they were treated by their former employer (context), the degree of attractiveness of their new employment (pull factor) and the reality of employee experiences following the change in employer (landing).

This research aims at understanding the impact of an organization’s decision to contract out a number of its activities on the employees who are therefore transferred to the subcontractor. More precisely, we want to understand what consequences the outsourcing of an organization named “Source” (the one who gives the activities and the employees) to an organization named “Destination” (the one who takes over the given activities and the workforce) can be found on the transferred employees when looking at their quality of life at work and at their working conditions. Many questions arise at this level. What is a successful transfer from the employees’ point of view? Are quality of life at work and working conditions impacted? To what level do the human aspects have an influence on the impact of the outsourcing of employees? What would be the best possible way to manage that kind of relocation from the employer’s point of view?

The analysis model is composed of four variables. The first dependent variable (DV1) of our model relates to the quality of life at work of transferred employees. The second dependent variable (DV2) refers to the working conditions of transferred employees. The third variable, the independent variable (IV) relates back to the outsourcing of activities which contains two dimensions: (1) the decision of outsourcing and (2) the implementation process. The fourth variable, the moderator variable (MV), is the management of the human aspects that are considered on a three-dimensional basis: (1) context, (2) pull factor and (3) landing.

Three research hypotheses result from our analysis model. The first two relate to the fact that outsourcing leads to a deterioration in the quality of life at work (H1) and of the working conditions (H2). The third hypothesis states that the management of the human aspects moderates the impact of employees who are contracted out (H3).

This research consists of a case study conducted on a financial institution (Source) which outsourced its technology activities to an expert in IT organization (Destination). Eleven open-ended interviews were conducted with the key-players (transferred employees and managers from both organizations).

Results show that outsourcing generally has a negative impact on transferred employees. On the other hand, it is not possible to generalize this assertion on all indicators. Results highlight the negative consequences found in intrinsic job motivation, organizational commitment as well as job satisfaction linked to its relational aspect.

Outsourcing has also led to deterioration in working conditions of transferred employees when it comes to the level of job security, tasks content and evaluation, health and safety at work as well as the duration of work. But, from the employees point of view, the most significant consequences are related to the salary and the fringe benefits.

The consequences of contracting out are, however, positive when it comes to professional accomplishment and job satisfaction linked to its technical aspect. As for interpersonal trust at work, work coordination, professional training and work location, there seems to have no significant consequences, according to what employees said when interviewed.

Finally, results highlight the significant moderator effect of the human factors on the impact of outsourcing on the transferred employees. The financial institution (Source) tried to decrease the impact of outsourcing, but it was not sufficient. Employees were strongly attached to their first employer and did not want to leave it for another organization holding a different company culture that did not appeal to them. That is why the management of the human aspects contributed to amplifying the negative impacts of outsourcing, especially the ones related to the quality of life at work of transferred employees.

Key words: (1) outsourcing, (2) transferred employees, (3) quality of life at work, (4) working conditions, (5) Information technologies (IT), (6) organization, (7) human resources management.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/3210
Date07 1900
CreatorsMorneau, Brigitte
ContributorsJalette, Patrice
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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