Le désastre est l’événement singulier, paradoxal dans sa définition même, qui rompt l’espace et le temps, fussent-ils ceux de la narration, de l’histoire ou de l’Histoire. S’il est central dans l’œuvre d’Auster, c’est très rarement comme thème sur lequel Auster écrirait ou comme grands événements historiques dont il rendrait compte, mais plutôt comme une stratégie narrative déployée dans son écriture, comme un noyau autour duquel se construit l’univers thématique de ses romans et les questionnements philosophiques qui les accompagnent, et comme impulsion rythmique qui démarre l’écriture et lui sert de pouls. Le temps Austerien est marqué par l’effacement ou l’étirement du présent face à un futur manaçant, le contraste entre routinier et improbable, la récurrence et la compulsion – tous traces du désastre. Le désastre s’imprime dans l’espace – de la chambre, du livre, du corps, points focaux des romans d’Auster – mais peut aussi anéantir l’espace lui-même, transformant la narration en expérience du vide, du rien et du nulle-part. Les expériences philosophiques auxquelles sont confrontés les personnages Austeriens, se perdre, se dissocier et se recomposer, se remémorer, témoigner sont autant de réactions au désastre, esthétisant l’expérience-limite. C’est dans cette richesse qu’Auster se distingue de ses contemporains postmodernistes : plutôt que de rendre compte d’un monde et d’une expérience du monde fragmentés, et plutôt que de laisser transparaître la fragmentation dans son écriture, Auster relie, reconstruit, recoud via le plus solide des fils narratifs. Auster n’écrit pas le désastre, mais à travers, ou en dépit, du désastre. / Paradoxical in its very definition, disaster is the singular event which ruptures time and space – of narration, of the story, or of history. While disaster is central to Paul Auster’s work, it rarely appears as a theme for writing, or as historical events to recount, to represent. Instead, disaster is central as a narrative strategy deployed in Auster’s texts – as the core notion which underlies all philosophical questioning and tropes present in his writing, as the rhythmic impulse which provokes his writing and maintains its fluidity. The Austerian time is characterized by the disappearance or the stretching of the present in the face of a threatening future, by the contrast between the ordinary and the unlikely, and by recurrence and compulsion – all of which are signs of the disaster. Disaster is etched in space – of the room, of the book, of the body, which are the focal points of Auster’s novels – but may also destroy the very fabric of space, yielding in its wake, narratives of emptiness, nothingness and nowhere. The philosophical experiences of Auster’s characters – losing, dissociating and recomposing themselves, remembering or witnessing – are those of the disaster, and wind up aestheticizing limit-experience. It is through this narratological fertility of disaster that Auster sets himself apart from other American postmodernist writers: instead of merely recounting disaster, of letting it fragment his discourse, he is actively engaged in reconstructing and restitching with the strongest of narrative threads. Auster does not simply write (about) the disaster – he writes through, or in spite of, disaster.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014PEST0009 |
Date | 01 December 2014 |
Creators | Deshmukh, Priyanka |
Contributors | Paris Est, Northwestern university, Alfandary, Isabelle |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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