Dans ce mémoire, nous tentons de cerner l'esthétique formelle et thématique de L'Idiot de Dostoïevski, que nous appelons la « polyphonie agnostique ». La polyphonie de Bakhtine, en elle-même, s'est révélée inapte à tenir compte de la dimension sacrée du roman, considérée tel un discours idéologique parmi d'autres, selon un principe d'équipollence. Si la polyphonie est ouverte à la multiplicité des voix dans le texte, elle en néglige néanmoins le tragique, soit la crise du sacré orthodoxe marquant la fin du XIXe siècle en Russie. À l'opposé, Ivanov donne un plein sens à cette crise spirituelle, sans toutefois insister suffisamment sur l'aspect formel (désacralisant) de l'écriture dostoïevskienne. Tels sont les deux pôles qui divisent généralement les critiques littéraires: la polyphonie formelle versus le monologisme thématique. Dans l'esprit de concilier ces deux interprétations, nous avons remanié le concept de polyphonie de façon à ce qu'il puisse reconnaître la possibilité de Dieu dans le roman, c'est-à-dire la réalité potentielle du sacré (Bataille). Ainsi, L'Idiot illustre un ensemble de mondes possibles, à l'intérieur duquel le personnage et le lecteur sont appelés à choisir entre les perspectives du regard chosifiant (profane/extérieur) et de la parole réconciliatrice (sacrée/intérieure), soit deux systèmes de représentation en lutte pour s'approprier l'essence du personnage principal -le prince Mychkine -déchiré entre la modernité d'une image et la tradition d'une parole, entre la figure de don Quichotte et celle du Christ. L'esthétique de L'Idiot exprime une tension, jusqu'au point de rupture, entre la polyphonie relativiste et le monologisme orthodoxe. Dans le but de respecter autant la nouveauté formelle, mise en lumière par Bakhtine, que l'enjeu thématique du roman, le
« tragique » d'Ivanov, la solution qui s'est imposée a été de fondre ensemble la polyphonie bakhtinienne et le perspectivisme de Deleuze et Guattari, ce qui a donné naissance à la polyphonie agnostique. La contingence des valeurs, telle que conçue par les deux philosophes, nous autorise à interpréter les « idées/valeurs » comme des mondes virtuels au seuil de leur actualisation. Sous cet éclairage, la potentialité générale des idées respecte la diversité formelle de la polyphonie, tandis que l'actualisation inégale des Vérités alimente la tragédie. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Dostoïevski, L'Idiot, Polyphonie, Regard, Parole.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.892 |
Date | January 2007 |
Creators | Mousseau, Benjamin |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, PeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/892/ |
Page generated in 0.002 seconds