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Mémoire de l'esclavage en Haïti : entrecroisement des mémoires et enjeux de la patrimonialisation

La problématique de la mémoire de l’esclavage a peu retenu l’attention des chercheurs haïtiens bien qu’Haïti soit le premier pays où des esclaves africains aient pu se libérer du joug de l’esclavage transatlantique. Les travaux de synthèse existant sur le sujet sont incomplets et tiennent peu en compte des mémoires de ce passé comme étant des patrimoines. Cette thèse vise à combler cette lacune et à mieux comprendre l’entrecroisement et les enjeux des mémoires de l’esclavage en Haïti aujourd’hui. Appuyée par une large gamme de sources orales et écrites, notre étude révèle une double tendance mémorielle très contrastée et caractérisée, d’une part, par une amnésie lacunaire de l’esclavage et de ses conséquences sociales (pauvreté, question de couleur, exclusion sociale) et, d’autre part, par une hypermnésie des faits historiques (guerre d’indépendance, révoltes et libération des esclaves). Les perceptions des Haïtiens sont partagées sur les éléments tangibles et immatériels présents dans l’espace public et social et s’inscrivent au cœur de nombreuses controverses qui façonnent une typologie de mémoire plurielle: mémoire prestigieuse, mémoire traumatisante, mémoire de culpabilité, mémoire de victimisation, mémoire de revendications et mémoire consensuelle. Des pratiques cultuelles comme le vodou forment même l’apothéose d’une mémoire occulte liée à ce passé. Cet ensemble mémoriel permet aussi de dévoiler des enjeux : historiques et mnémoniques, culturels et religieux, sociaux et politiques, et économiques de la patrimonialisation. Force nous est de conclure que les conséquences de l’esclavage sont très complexes. Il est difficile d’en maîtriser la profondeur et la portée. La figure mémorielle de l’esclavage est un iceberg, on n’en voit que le sommet. Toute la base n’est pas encore exposée. Elle reste refoulée et submergée par les eaux de l’oubli. Cette thèse permet de mettre en lumière le rôle des mémoires multiples dans la construction des éléments de l’identité haïtienne qui hésite entre une reconnaissance ou une ignorance de la descendance d’esclave et une appropriation de la descendance d’homme libre. À travers cette mémoire embrouillée, Haïti nous apprend que le patrimoine valorisé outre les volets du « vivre-ensemble » et du « tourisme » souvent évoqués, est aussi un outil de revendication, de combat perpétuel, de questionnement sur les inégalités sociales et de résistance. Cette thèse nous enseigne aussi que la patrimonialisation des mémoires de l’esclavage dans la société haïtienne d’aujourd’hui doit accommoder le traumatisme des douleurs subies, la fierté d’avoir triomphé de cette ignominie et les conséquences de ce passé. / Although the study of the memories of slavery has still attracted little attention among scholars in Haïti, the first country to be freed from the jaws of transatlantic slavery. Existing synthesis work on the subject are incomplete and take little these memories into account as being of heritage. The present thesis aims to fill this gap and to better our understanding of the situation, the entanglement and the stakes of the memories of slavery in Haiti today. Drawing from a large variety of oral and written sources, the study reveals a two parallel currents of thought characterized by, on the one hand, a lacunar amnesia of slavery and its social consequences (poverty, problem of color, social exclusion), and, on the other hand, by a hypermnesia of glorious historical events (war of independence, slave revolts and liberation). The perceptions of Haitians are divided around the tangible and intangible elements present in public and social space and these divergent views remain at the heart of numerous controversies which shape a wide range of memories: prestigious memory, traumatizing memory, memory of guilt, memory of victimization, memory of reclamation, and consensual memory. Religious practices such as voodoo form the very apotheosis of a memorial occultism connected to this past. All of these memories shed light on the main issues -historic and mnemonic, cultural and religious, social and political, and economic - of the processes of heritage making in Haiti today. The consequences of slavery are very profond and complex. It is difficult to fully appreciate their full depth. Because the memory of slavery is like an iceberg, we only perceive the summit: the base is submerged and hidden under water of forgetfulness. This thesis throws light on the role of these multiple memories in the construction of Haitian identity, torn between recognition and non-recognition of the ancestry of slavery and the appropriation of the ancestry of a free man. Through its memories of slavery, Haiti teaches us that valorizing heritage - beyond the oft-mentioned aspects of “living together” and tourism - is also a tool for making demands, for perpetual combat, for questioning social inequalities, and for resistance. This thesis also teaches us that the heritage status of the memories of slavery in Haitian society today must accommodate the trauma suffered pain, the pride of having triumphed over this tragedy and the consequences of

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/26648
Date23 April 2018
CreatorsAugustin, Jean Ronald
ContributorsTurgeon, Laurier
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xvi, 527 pages), application/pdf
CoverageHaïti
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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