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L’image de Rome dans le journal de voyage de Benjamin Pâquet et les collections du Séminaire de Québec entre 1860 et 1900 : définir une culture visuelle par la représentation.

Au cours de son histoire, le Séminaire de Québec acquiert des œuvres d’art par voie d’achats, de dons ou d’importants legs des collections personnelles des prêtres qui en sont des membres agrégés. Qu’elles soient des objets de consultation personnelle, de collections d’étude pour l’Université Laval – institution d’enseignement fondée par le Séminaire en 1852 – ou des éléments de décor des espaces communs, certaines images se démarquent par le sujet qu’elles représentent et appellent une réflexion sur les valeurs qu’elles peuvent constituer au sein de l’institution. La forte représentativité de Rome dans les collections d’estampes s’est imposée comme un questionnement au vu de la démultiplication des objets. Ce constat est également contemporain de l’accroissement de la circulation des prêtres vers la Ville éternelle au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Les récits de voyages de ces derniers permettent de situer les perceptions qu’ils ont de Rome, de ses monuments, ses musées, ses églises, sa religiosité et ses mœurs. De ces récits, générateurs d’images mentales, se démarque le journal de voyage de l’archevêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, tenu en 1819-1820, un document qui permet d’assoir des hypothèses sur la préparation du voyage des prêtres à Rome au XIXe siècle. Tout aussi pertinent, celui de l’abbé Benjamin Pâquet, rédigé entre 1863 et 1866 durant ses études de doctorat en théologie au Collège romain, est une source à partir de laquelle des faits concrets guident la définition de la visualité de Rome, comprise comme un ensemble urbain et un lieu idéal et mythique. À partir des descriptions des expériences sensorielles que les prêtres voyageurs font des lieux et des objets, les images physiques représentant Rome conservées au Séminaire et à l’Université prennent de la valeur et du sens. La concordance des objets et des commentaires génère un corpus représentatif d’une visualité de Rome et du Vatican au Séminaire et à l’Université durant la période ciblée. À ce titre, des œuvres graphiques de monuments romains par Giuseppe Vasi ou Giovanni Battista Piranesi, des portraits de prélats de la curie romaine et du pape par le peintre Vincenzo Pasqualoni et des albums de gravures ou de photographies souvenirs, participent à créer un ensemble de références pour l’institution dont la portée visuelle et culturelle repose sur des faits et une phénoménologie du sensible. L’entretien de rapports diplomatiques entre le Saint-Siège et les membres de l’institution est une constance qui ressort à l’analyse des sources textuelles. À la même époque que le voyage de l’abbé Pâquet, le pape poursuit l’application de stratégies pour consolider son autorité morale et symbolique, alors que son autorité temporelle est affaiblie par les bouleversements politiques en Italie. Ces stratégies se caractérisent, entre autres, par des décrets dogmatiques, le financement de chantiers archéologiques, la restauration de monuments, des commandes artistiques et des rééditions d’estampes à Rome, lesquelles ont influencé le développement de la bibliothèque et des collections du Séminaire. Pour analyser ces modes de correspondance à la fois physique (objets), symbolique (images), spirituel et politique, nous avons fait appel aux règles du monde commun domestique définies par Luc Boltanski et Laurent Thévenot (1991) qui se caractérisent par le respect et la reconnaissance de l’autorité et de la filiation. Celles-ci permettent de comprendre le fonctionnement de la vie en commun auprès d’une micro-société comme le Séminaire; des règles qui influencent également le système de valeurs de celle-ci. Un arrimage intellectuel sur les valeurs idéologiques, humanistes et artistiques, promues par le Saint-Siège explique les formes que peuvent prendre la présence du pape et d’œuvres célèbres du Vatican dans l’imaginaire du Séminaire. La culture visuelle de Rome et du Vatican, dans les collections de l’institution, se trouve ainsi définie par la présence de l’autorité papale garante des humanités classiques, qui s’incarne à travers des actions et des esthétiques valorisant le patrimoine romain antique christianisé, l’historicisme, le purisme et le raphaélisme. / Throughout its history, Séminaire de Québec acquired works of art by way of purchases, donations, and legacies from the personal collections of priests who are members of the religious community of the institution. Whether these were objects of personal consultation, study collections for Université Laval — founded by the Séminaire in 1852 — or decorative artifacts in common spaces, some images stand out for the subject they represent and call for a reflection on the values that they can constitute within the institution.The strong representatives of Rome in the collection of prints imposes a questioning on the multiplication of objects on the same subject. This observation is also contemporary to the increase of the long-stay of priests in the Eternal City during the second half of the 19th century. Their travel reports allow them to state their perceptions of Rome, its monuments, its museums, its churches, its religiosity and its customs. From these stories, themselves generators of mental images, stands out the travel diary of the Archbishop of Quebec, Mgr. Joseph-Octave Plessis. Written in 1819-1820, this document allows to formulate hypotheses on the preparation of the journey of priests in Rome in the 19th century. Equally relevant, the travel diary of Abbot Benjamin Pâquet, written between 1863 and 1866 during his doctoral studies in theology at the Roman College, is a source from which concrete facts guide the definition of the visuality of Rome, understood as a urban ensemble and as an ideal and mythical place. From the descriptions of the sensory experiences that traveling priests make of places and objects, the physical images representing Rome kept at the Séminaire and at the Université acquire value and meaning. Concordance of objects and comments generates a corpus representative of a visualization of Rome and the Vatican at the Séminaire and at the Université during the targeted period. As such, graphic works of Roman monuments by Giuseppe Vasi or Giovanni Battista Piranesi, portraits of prelates of the Roman curia and of the Pope by the painter Vincenzo Pasqualoni, and albums of prints or souvenir photographs, create a set of references for the institution whose visual and cultural significance is based on facts and on a phenomenology of the sensitive experience. The fostering of diplomatic relations between the Holy See and the members of the Séminaire is a constancy that emerges from the analysis of textual sources. Around the same time of Abbot Pâquet’s journey, the Pope continued to apply strategies to consolidate his moral and symbolic authority, while his temporal authority was weakened by political upheavals in Italy. These strategies were characterized, among other things, by dogmatic decrees, the funding of archaeological sites, the restoration of monuments, artistic commissions, and reissues of prints in Rome, which influenced the development of the library and of the collections of Séminaire de Québec. To analyze these modes of correspondence which are both physical (objects), symbolic (images), spiritual and political, we have used the rules of the “common domestic world” defined by Luc Boltanski and Laurent Thévenot (1991) which are characterized by respect and recognition of authority and filiation. These make possible to understand the functioning of a life in common within a micro-society, like at the Séminaire; rules also influence its system of values. An intellectual link with the ideological, humanist and artistic values promoted by the Holy See explains the forms that the presence of the Pope and famous Vatican works can take in the imagination of the priests of the Séminaire. The visual culture of Rome and the Vatican, in the collections of the institution, is thus defined by the presence of a papal authority, guardian of the classical humanities, which is embodied through actions and aesthetics valuing Christianized ancient Roman heritage, historicism, purism and Raphael ism.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/68544
Date10 February 2024
CreatorsGiguère, Vincent
ContributorsPrioul, Didier
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xxvi, 449 pages), application/pdf
CoverageQuébec (Province) -- Québec
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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