En cette année internationale de la femme, l'intérêt d'une étude de l'évolution du travail féminin au Québec n'a pas besoin de longue justification, d'autant plus qu'il n'existe aucune étude globale de ce phénomène, pourtant indispensable à la compréhension et à la juste évaluation des transformations de la société québécoise. C'est d'abord par le biais d'une recherche sur les "Mutations récentes de la société québécoise", menée à l'Institut Supérieur des Sciences humaines de l'Université Laval et à laquelle nous avons participé à titre d'assistante de recherche, que notre intérêt pour le sujet s'est manifesté. Cet intérêt s'est par la suite nourri au courant historiographique encore très jeune au Québec qui tente de lever le voile sur l'histoire des travailleurs. Notre recherche a donc un double objectif; d'une part, ajouter une facette a l'analyse de l'évolution de la société québécoise et d'autre part, jeter un premier coup de sonde dans l'histoire d'une catégorie de plus en plus importante parmi les travailleurs québécois. La période que nous avons choisi d'étudier, qui s'échelonne du second conflit mondial au début de la présente décennie, ne marque pas, loin de là, le commencement du phénomène du travail de la femme au Québec. La société rurale traditionnelle du siècle dernier, dont l'organisation économique de base était la famille, laissait en effet une large part au travail de la femme. Le tissage, la confection, la cuisine, le blanchissage, le jardinage et certains travaux aux champs étaient autant d'activités presque exclusivement prises en charge par les femmes à l'intérieur de la cellule autarcique familiale. La responsabilité de l'enseignement, du soin aux malades et des services sociaux revenait de plus aux femmes dont les services n'étaient pas entièrement absorbés par la famille. Le travail de la femme restait cependant presque toujours bénévole et échappait ainsi au calcul statistique de la population active . L'industrialisation est venue transformer profondément la structure du travail féminin en envahissant progressivement les domaines qu'il monopolisait. Le développement de l'industrie textile ou de l'alimentation projetait ainsi hors du foyer la fabrication de produits autrefois réservés à l'artisanat familial; même sur la ferme, la machine commençait à remplacer l'homme. L'urbanisation, corollaire de l'industrialisation, devait également concourrir à la transformation du travail féminin, par l'accroissement des services créant une foule d'emplois rémunérés convenant aux femmes. En quittant l'autarcie rurale, la famille québécoise voyait s'accroître ses besoins en biens de consommation et en services et les jeunes filles étaient ainsi progressivement forcées de participer aux revenus de la famille par un travail rémunéré hors du foyer. Du milieu du siècle dernier au début du XXe siècle, l'industrialisation et l'urbanisation entraînent ainsi les femmes sur le marché du travail rémunéré en dehors de la famille. Au recensement de 1901, 15% des femmes de 10 ans et plus font déjà partie de la population active, constituant un peu plus du dixième de la main-d'oeu2 vre totale au Québec . Cette participation des femmes à la maind'oeuvre s'accroît à un rhythme accéléré jusqu'à la crise économique qui entraîne un ralentissement momentané du taux de croissance de cette participation; en effet, entre 1911 et 1921, l'augmentation de la main-d'oeuvre féminine est de 39.09% et entre 1921 et 1931 elle atteint 46.71%, taux de croissance exceptionnel qui ne sera dépassé que dans la décennie 1961-1971; dans la décennie de la crise, 3 l'augmentation de la main-d'oeuvre féminine n'atteint que 29.11% . Ce ralentissement, dû au chômage généralisé et aux campagnes virulentes contre le travail des femmes, prend fin avec la seconde guerre mondiale qui provoque une nouvelle augmentation de la participation des femmes à la main-d'oeuvre. Les trois décennies qui constituent le cadre chronologique de notre recherche voient le phénomène du travail de la femme prendre de l'ampleur et surtout se transformer profondément par l'entrée des femmes mariées sur le marché du travail. Cette nouvelle ampleur du phénomène et les transformations qu'il connaît entre 1940 et 1970 devaient conduire et le monde du travail et la société globale à réviser ses positions et à s'adapter progressivement à la réalité du travail de la femme. L'optique générale que nous avons choisi de prendre pour la conduite de notre recherche en est une de synthèse plutôt que d'analyse détaillée. Cette synthèse ne s'appuie sur aucun modèle théorique défini, comme le modèle marxiste; il s'agit plutôt d'une analyse factuelle de la situation qui vise à respecter la méthode historique, soit la représentation d'une réalité passée dans son déroulement et sa complexité. Il s'agit avant tout pour nous de dresser un tableau des principaux aspects de l'évolution du travail de la femme au Québec depuis la seconde guerre mondiale. Cette évolution peut être abordée selon trois aspects: l'aspect statistique, l'aspect professionnel et l'aspect social. Par le biais des statistiques, nous pouvons retracer l'évolution quantitative de la participation féminine à la main-d'oeuvre et de sa répartition selon les grandes divisions professionnelles et les caractéristiques personnelles des travailleuses (âge, état civil, scolarité). Les recensements décennaux du Canada constituent la principale source de ce tableau statistique. Nous aurions pu utiliser d'autres données statistiques, beaucoup plus détaillées, comme celles fournies par le ministère du Travail, mais le caractère global de notre recherche nous a incitée à mettre de côté les données trop spécifiques, d'ailleurs souvent difficiles à comparer d'une année ou d'une décennie à l’autre. Le second aspect étudié est celui des conditions de travail des femmes depuis 1940, aspect que nous avons précédemment qualifié de professionnel. Il s'agit avant tout ici de faire ressortir les principaux aspects des conditions de travail qui ont soulevé le plus de revendications tout au long de la période et de tracer l'évolution qualitative de celles-ci. Les revendications syndicales, exprimées dans les procès-verbaux, les mémoires et les journaux de la C.T.C.C. - C.S.N. et de la F.T.Q., et les revendications des mouvements ouvriers, J.O.C. et L.O.C, exprimées dans leurs journaux respectifs ou dans la presse écrite, constituent une première source pour l'étude des conditions de travail. La Gazette du Travail, organe officiel du ministère fédéral du Travail, fournit pour sa part de nombreuses données et études sur les conditions de travail telles que perçues par le gouvernement. L'étude d'un certain nombre de conventions collectives régies par décret permet de vérifier et de compléter l'analyse de l'aspect professionnel du travail féminin. Enfin, les mesures gouvernementales telles qu'enquêtes et législations complètent la base documentaire notre documentation; ainsi nous n'avons pas cru essentiel d'analyser les positions de tous les syndicats, à cause de l'orientation souvent trop spécifique de certains, comme la C.E.Q. L'aspect social de l'évolution du travail de la femme au Québec tente pour sa part de retracer l'attitude de la société face à ce phénomène. A cause de la difficulté de cerner la société d'une façon globale, nous avons privilégié certains groupes sociaux pour l'analyse de leur attitude face au travail féminin; les gouvernements, les syndicats et mouvements ouvriers, l'Eglise et les mouvements religieux, les élites nationalistes et intellectuelles sont ainsi les principaux porte-parole de la société retenus pour l'étude de l'aspect social du travail de la femme. L'opinion publique telle que véhiculée par les journaux et revues vient compléter notre découpage de la société. Ici plus que partout ailleurs dans notre recherche, il était impossible de songer à récupérer de façon exhaustive les prises de position et les opinions de tous les groupes intéressés. Outre les sources utilisées dans les chapitres antérieurs, les périodiques, les études et thèses et enfin, l'ensemble des mémoires québécois soumis à la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada servent d'assise documentaire à ce tableau de l'évolution de l'attitude de la société québécoise face au travail de la femme. Un autre aspect important de l'évolution du travail féminin au Québec a été délibérément mis de côté, du moins en tant que chapitre distinct; il s'agit du syndicalisme féminin. La raison en est fort simple; une thèse de maîtrise en Relations 4 industrielles présentée à l'Université Laval en 1968 et l'étude 5 encore plus récente de Mona-Josée Gagnon font le tour du problème de la place de la femme dans le syndicalisme et de l'attitude du monde syndical face à la participation des femmes au monde du travail. L'aspect syndical n'est donc pas étudié comme tel mais plutôt par le biais des aspects professionnel et social. Le plan du travail reprend un à un les trois aspects retenus et la division à l'intérieur de chacun des chapitres est thématique dans les deux premiers et chronologique dans le dernier. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2012
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/17667 |
Date | 11 April 2018 |
Creators | Gosselin, Francine Barry |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | mémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise |
Format | xiii, 123 f., application/pdf |
Coverage | Québec (Province) |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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