La maladie d’Alzheimer est largement connue du grand public comme une destruction mnésique amenant peu à peu vers un délitement irréversible de l’appareil neuronal. La majorité des recherches actuelles investigue principalement les stades précoces à modérés de la pathologie. En revanche, lorsque le déclin s’accentue irrémédiablement, présentant alors une perte de l’ensemble des capacités, nous pouvons nous demander ce qui peut encore témoigner d’une possible subjectivité. C’est à ce moment que l’intérêt des chercheurs envers ces malades prend principalement fin. En effet, les personnes ne peuvent alors plus s’alimenter par elles-mêmes, ne sont plus en capacité de subvenir à leurs propres besoins les plus vitaux. Ce qui donne à penser que le cerveau ne sait seulement plus que faire fonctionner le cœur et le système respiratoire. D’autant plus que cet ultime palier se caractérise notamment par une perte apparente de tout langage. Lorsque tout souvenir, savoir et connaissance semblent avoir déserté, sur quelles ressources l’« aidant » peut encore prendre appui ? À ce stade, comment continuer de soutenir une personne sans ne prendre soin que d’un corps ? Car si toute subjectivité donne le sentiment d’être anéantie, le risque peut être grand de dépersonnaliser l’accompagnement. La question de la persistance d’une vie psychique peut alors se poser avec une perspicace acuité. Toutefois, peut-on dire pour autant que cet état se caractérise par une mort psychique ? Les doutes ne peuvent que se confirmer lorsque l’on assiste chez certaines personnes à des manifestations déconcertantes, par exemple, qu’elles soient sous la forme des gestes intrigants, sous l’intonation de cris stridents voire de rires impromptus. Celles-ci ne peuvent venir que dérouter tout professionnel et révéler un sentiment proche d’un constat d’échec. Peut-on y entendre des comportements idiopathiques, témoins uniquement d’un dérèglement cérébral ? Alors comment continuer d’investir ces personnes ? Dans une visée résolument clinique et phénoménologique, quatre accompagnements d’inspiration psychanalytique vont nous permettre de dégager des axes de possibles réponses face à ces différentes interrogations. Notre investigation, pouvant se prolonger chez certaines personnes jusqu’à environ deux ans, se réalise par le biais de séances individuelles. Si les comportements de ces personnes peuvent nous dérouter ce n’est pas tant sur l’incompréhension qu’elles génèrent mais au contraire par les ressources parfois insoupçonnées qu’elles mobilisent. Sous quelles formes un langage peut persister ou parfois être recréé ? Que vient-il révéler de leur vécu psychique ? En quoi ces résultats viennent profondément questionner les cadres actuels pour ces personnes ? Une analyse du contre-transfert mettra à nu ce que peut provoquer un tel accompagnement et esquisser, en perspective, un travail autour du négatif auprès de ceux qui les rencontrent. / Alzheimer's disease is widely known by the general public as a destructive mnesic syndrome evolving little by little into irreversible neuronal deterioration. The majority of current research investigates the early to the moderate stages of the disease. However, when the cognitive decline becomes irreparable, demonstrating a loss of all mental and physical capacities, we may wonder what could bear witness to the patient's possible subjectivity. It is at this point that researchers' interest in patients tends to wane. Indeed, these patients cannot feed themselves anymore, and are no longer capable of meeting their most vital personal needs. This leads us to believe that the brain is only running the heart and respiratory systems, especially as this ultimate stage is characterized by a visible loss of any language. When memory and knowledge seem to have parted, what resources can the "care-giver" lean on? At this stage, how can one continue to care for a patient without focusing merely on the body? With a seeming lack of any glimpse of subjectivity, the risk of the companion's depersonalization can be great. The question of the persistance of the patient's psychical life can thus be posed. Without evidence of its peristance, could we say that this state is characterized by a psychical death? Our doubts can only be confirmed when we attend to certain patients' disconcerting appearances, for example, as they make intriguing gestures, the peculiar intonation of screams, or even of impromptu laughter. These behaviors can confuse professionals and trigger feelings of failure. Must we understand this idiopathic behavior as mere expressions of cerebral disorder? If this is so, how could one continue to emotionally invest in these patients? With a resolutely clinical and phenomenological approach, four psychoanalytically inspired case studies provide us with some possible answers to these various questions. Our investigation, lasting up to approximately two years with certain patients, was carried out by means of individual sessions. If these patients' behavior destabilizes us, it is not so much due to the incomprehension that it generates, but on the contrary, to the sometimes unsuspected resources that they mobilize. In what ways can language persist or sometimes be recreated? What does this reveal of the subject's psychical real-life experience? In what ways do these results profoundly question the current care framework for these patients? An analysis of counter-transference will reveal what can induce such an accompaniment and sketch out "the work of the negative" with those who meet them.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017USPCC026 |
Date | 10 July 2017 |
Creators | Brossard, Frédéric |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Caron, Rosa |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Collection, Image |
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