La forêt boréale constitue l'un des plus vastes écosystèmes forestiers de la planète, correspondant presqu'au tiers de toutes les forêts du monde et occupant plus de la moitié du Canada. Au Québec, elle constitue le principal domaine de végétation, recouvrant près du tiers de la superficie, soit quelque 560 000 kilomètres carrés dont plus de 75% est occupé par des espèces résineuses telles l'épinette noire et blanche, le sapin baumier, le pin gris. Les régimes de perturbations naturelles font partie intégrante des processus écologiques régissant la dynamique forestière en milieu boréal. Outre les feux de forêt qui affectent chaque année des superficies importantes de forêt, les épidémies d'insectes perturbent périodiquement de larges massifs forestiers agissant également sur la création de mosaïques forestières complexes en termes d'âge, de composition et de structure. Dans la partie sud-est de la forêt boréale, la tordeuse des bourgeons de l'épinette (TBE) est le principal insecte ravageur s'attaquant, de façon récurrente, aux peuplements de sapin et d'épinette. Les épidémies n'ont commencé à être documentées qu'à partir du 20e siècle au Québec et c'est aussi ce siècle qui est le mieux représenté par les données dendrochronologiques. L'historique des épidémies du 19e siècle est basé sur des données de moins en moins nombreuses, et au-delà du 19e siècle, les sources d'informations s'estompent rapidement.
Afin de bien comprendre et caractériser le régime de perturbation lié aux épidémies de TBE, il est essentiel de déterminer la variabilité naturelle associée à ces épidémies sur le plan spatial et temporel. Cette connaissance est d'autant plus importante dans un contexte où l'aménagement forestier écosystémique basé sur l'émulation des processus naturels est suggéré comme une approche alternative à la foresterie actuelle. L'objectif général de cette thèse est d'évaluer le potentiel d'utilisation des isotopes stables dans les cernes de croissance pour reconstituer les épidémies de la TBE au cours des derniers millénaires. L'utilisation des isotopes stables pourrait permettre de reconstituer la dynamique des épidémies de tordeuse des bourgeons de l'épinette en forêt boréale au Québec, dans le secteur des Monts-Valin situé environ 100 km au nord de la ville de Chicoutimi, Saguenay. Afin de reconstituer le plus précisément possible les périodes de défoliation liées à la tordeuse, l'approche multi-indicateurs basée sur la largeur des cernes de croissance d'arbres vivants et subfossiles, de même que leur composition isotopique en carbone et en oxygène a été utilisée. L'approche isotopique basée sur la réponse physiologique des arbres face à un changement environnemental a été introduite afin de préciser l'interprétation dendrochronologique des courbes de croissance des arbres subfossiles puisque dans ce contexte, les méthodes traditionnellement utilisées pour identifier les épidémies de TBE, comme la comparaison de courbes d'espèce hôtes et non hôtes, n'étaient pas praticables.
Les isotopes stables étant utilisés pour la première fois dans ce type d'étude, les résultats escomptés sont basés sur des considérations théoriques. La fiabilité de l'utilisation des ratios isotopiques de carbone et d'oxygène des anneaux de croissance comme aide à l'identification d'épidémies connues de TBE a été vérifiée sur des individus matures de deux espèces de conifères hôtes, le sapin baumier et l'épinette noire. Le signal isotopique observé chez ces espèces a été comparé à celui du pin gris, une espèce non affectée par la TBE. Un signal isotopique, sous la forme d'un enrichissement en 13C de la cellulose des anneaux de croissance formés pendant les années épidémiques par rapport à ceux formés lors d'années endémiques, a été observé chez les espèces hôtes de la TBE. Aucune variation du ratio isotopique de carbone n'a été décelée lors de la même période chez le pin gris qui n'est pas affecté par l'insecte. Par contre, aucune variation spécifique aux périodes de défoliation n'a été observée dans les ratios isotopiques d'oxygène chez les espèces hôtes par rapport aux non hôtes.
Les aspects physiologiques liés à la défoliation ont été examinés à l'aide d'un dispositif expérimental incluant différents niveaux de défoliation artificielle sur de jeunes sapins baumiers a été répété durant quatre saisons de croissance. L'objectif visait à déterminer les facteurs qui limitent l'interprétation des variations de la composition isotopique en carbone et en oxygène des cernes de croissance (Ô13C et Ô18O, respectivement) sous l'effet de la défoliation. L'effet de la défoliation sur la composition isotopique en carbone et oxygène des cernes de croissance a pu être reproduit artificiellement. Toutefois, aucune relation positive entre le Ô13C de la cellulose du cerne et l'assimilation en CO2 n'a pu être mise en évidence. L'hypothèse liant l'augmentation du taux d'assimilation du CO2 lors de la photosynthèse à l'enrichissement en 13C de la cellulose des cernes de croissance a donc été rejetée. Un mécanisme post-carboxylation semble plutôt à envisager. L'utilisation des réserves enrichies en 13C pour la formation des parois cellulaires dans les anneaux de croissance est l'hypothèse retenue mais reste à vérifier. Similairement aux arbres matures, aucun effet significatif de la défoliation sur les ratios isotopiques d'oxygène n'a été observé. La conductance stomatique est aussi demeurée insensible au traitement de défoliation.
L'application aux subfossiles d'arbres de la méthode d'identification des épidémies de tordeuse des bourgeons de l'épinette à l'aide des isotopes stables, de même que la reconstitution des épidémies passées à partir de ce matériel, ont été finalement été abordé. Les résultats isotopiques obtenus n'ont pas permis de confirmer le lien entre les réductions de croissance observées et les épidémies de TBE. Malgré tout, les résultats suggèrent que les périodes épidémiques sévères au cours de l'Holocène ont été des événements rares en comparaison avec le XXe siècle. Malgré un travail intensif d'excavation de plus de 500 pièces de bois dans trois différentes tourbières, très peu d'arbres excavés ont pu être interdatés. Moins de 10% des arbres du genre Picea ont été utilisés pour la construction de chronologies, les variations de croissance interannuelles étant trop faibles pour permettre l'interdatation de la plupart des séries. Une chronologie flottante à partir de cette espèce arborescente couvrant 364 ans a tout de même été établie et datée au radiocarbone vers 5.1 ka BP, une période où la fréquence de feux de forêt réduite aurait permis la mise en place d'une structure forestière propice aux épidémies. Sur la période de 180 ans analysée à l'aide des méthodes dendrochronologiques et isotopiques, seulement deux épisodes épidémiques potentielles auraient eu un impact suffisant pour être enregistré dans les anneaux de croissance des arbres. Les résultats obtenus suggèrent un moins grand impact des dans le passé par rapport au XIXième et XXième siècles.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.255 |
Date | January 2010 |
Creators | Simard, Sonia |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://constellation.uqac.ca/255/ |
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