Au Québec, la zone de la forêt boréale, qui se distingue par de grandes superficies de peuplements de conifères, se caractérise par un aménagement forestier important. Parmi les quatre espèces de pins qui se retrouvent naturellement au Québec, le pin gris {Pinus banksiana Lamb.) présente la plus importante valeur économique en raison de son abondance et de sa distribution sur un vaste territoire. La régénération naturelle du pin gris est assurée par une banque de graine aérienne, enfermée dans des cônes sérotineux qui s'ouvrent lors du passage d'un feu de forêt. Après une coupe forestière, la régénération préétablie est insuffisante dans la majorité des peuplements, ce qui implique un recours accru à la plantation pour assurer le renouvellement des pinèdes exploitées. Les plants utilisés sont produits dans des récipients à paroi rigide qui induisent des déformations importantes du système racinaire et qui affectent plus de 95% des plants de pins gris. D'un autre côté, jusqu'à 30% des individus plantés arborent une tige sinueuse qui réduit la qualité du bois. Les études comparatives entre des peuplements dont l'origine diffère restent rares pour le pin gris, rendant difficile la compréhension globale des déformations racinaires et de la sinuosité des tiges sur le développement des arbres. Enfin, les études qui portent sur l'impact de la plantation considèrent le plus souvent la performance des plants (volume, accroissement annuel) et elles tiennent rarement compte de la qualité du bois. Pour les racines, lorsqu'elles sont étudiées, les observations portent surtout sur l'allocation de la biomasse et les ratios entre les structures aériennes et souterraines. L'objectif de cette recherche consiste à caractériser la croissance et le développement des structures aériennes et souterraines des pins gris, par une approche novatrice, à savoir l'architecture des plantes. Cette méthode est rarement utilisée au Québec, et le pin gris n'a fait l'objet d'aucune étude portant sur son architecture. Il s'agit d'une approche multi échelle qui prend en considération l'ensemble des structures d'un arbre, dont elle décrit leur nature et leur organisation relative dans l'arbre. Les objectifs secondaires sont: 1 ) de caractériser l'architecture de l'axe principal (la tige) du pin gris; 2) de comparer les variables utilisées pour l'analyse architecturale entre des pins gris naturels et plantés et présentant une tige droite ou sinueuse; 3) de déterminer le développement architectural, spatial et temporel des racines de pins gris plantés et naturels; 4) de caractériser comment les systèmes aériens et souterrains des pins gris s'harmonisent dans le temps et l'espace, en fonction de l'origine des peuplements. L'étude porte sur deux sites du domaine de la pessière à mousse de l'Ouest, dans la zone de la forêt boréale québécoise. La plantation date de 1987 et les individus étaient âgés de 15 ans. Le peuplement naturel s'est établi après un feu de 1983 et l'âge des arbres variait de 13 à 16 ans. Les sites ont été retenus pour minimiser les variations dues à l'âge, au climat et au sol. La tige, les branches et les racines de 40 pins gris ont été récoltées. Sur chaque site, dix individus présentaient une tige droite et dix autres, une tige sinueuse. La variabilité de la forme des tiges et la densité des peuplements ont été caractérisées. Les structures aériennes sont divisées en quatre échelles d'observation: l'arbre, les axes (tige et branches), les pousses annuelles et les unités de croissance. Les structures souterraines se divisent en trois échelles: le système racinaire, les axes et les segments. Les variables analysées diffèrent selon les structures et les échelles d'observation considérées, mais elles concernent l'une ou l'autre des données suivantes: le nombre, la longueur, le diamètre, la biomasse photosynthétique, le volume, l'évolution temporelle ou la répartition spatiale. Les pins sinueux sont moins fréquents sur le site naturel, ils se trouvent sous forte compétition (opprimés) et vont éventuellement être éliminés du peuplement avec son vieillissement. En plantation, le nombre élevé de tiges sinueuses (62%) est associé à l'origine du site. Ces tiges présentent une qualité du bois réduite et la croissance des arbres en est affectée. Le caractère polycyclique des pousses annuelles apparaît avec un retard de 3 ans sur les tiges sinueuses par rapport aux tiges droites du même site. La quantité de biomasse disponible pour la photosynthèse s'acquiert donc avec un certain retard pour les tiges sinueuses, du moins en milieu naturel, car en plantation la biomasse reste comparable entre les deux formes de tiges. L'utilisation de l'énergie pour développer du bois de compression pourrait expliquer en partie la taille réduite des arbres sinueux. Au niveau des systèmes racinaires, après 15 ans de croissance, les pins gris plantés ne présentent pas de racine pivotante et les racines principales sont initiées à 97% dans les 20 premiers cm de sol. À l'opposé, en milieu naturel, tous les individus présentent un pivot, et 30% des racines principales sont initiées à plus de 20 cm de profondeur. De plus, 50% de la longueur des racines des arbres plantés se concentre sur une superficie correspondant au tiers de la surface du sol, secteur qui concorde avec la position du sillon. En milieu naturel, les racines se répartissent régulièrement tout autour des tiges. Dans la couronne des pins gris naturels, la longueur des branches est maximale dans un secteur opposé aux racines, alors qu'en plantation, les branches présentent une longueur maximale dans la même direction que les racines. Ainsi, en milieu naturel, lorsque les facteurs externes (vent, neige) agitent la couronne, les arbres auraient tendance à osciller moins que les pins plantés. Ces derniers offrent un moins bon support perpendiculairement au sillon, alors que la couronne présente la plus forte emprise aux facteurs externes dans cette direction. À ces éléments spatiaux s'ajoutent le fait que la croissance annuelle en longueur des racines latérales des arbres plantés montre un retard de cinq ans par rapport au milieu naturel, bien que la tige se développe normalement pendant cette période. Ainsi, en plantation, le développement rapide de la tige ne s'appuie pas sur un système racinaire étendu pour la période de 1 à 5 ans après la germination. Tous ces facteurs augmentent les risques de sinuosité des tiges plantées, cette sinuosité pouvant être induite, entre autre, par le vent ou la neige. L'impact de ces deux facteurs sur les arbres risque de prendre d'autant plus d'importance avec le temps, en raison de l'augmentation de la taille de la couronne (jusqu'à un certain point) avec le vieillissement des arbres. L'effet des facteurs externes se trouve encore augmenté si la stabilité de l'arbre n'est pas assurée dans toutes les directions, comme c'est le cas en plantation. La conséquence ultime d'un système racinaire déformé consiste au renversement des tiges, à laquelle s'ajoute la diminution permanente de la qualité induite par la sinuosité chez les arbres juvéniles. De plus, la densité des plantations favorise un accès plus grand à la lumière, ce qui conduit à une augmentation du nombre et du diamètre des n?uds présents sur les tiges. Hors, ces derniers diminuent la qualité du bois, tout comme la sinuosité. D'un autre côté, la faible densité des plantations favorise une croissance plus rapide des arbres. La recherche d'un équilibre entre gain en croissance et qualité du bois serait appropriée pour cette espèce, d'autant plus qu'elle est reconnue pour avoir un haut potentiel d'héritabilité des caractères génétiques. Parmi les critères qui expriment un potentiel intéressant, le polycyclisme des tiges est sans doute le prochain à prendre en compte. En effet, l'accroissement du nombre de cycles formés par année agit directement sur le gain en longueur des tiges, donc sur le volume de bois produit. Par contre, tous les cycles n'apportent pas un gain valable: certaines UC sont très courtes, bien qu'elles induisent une augmentation du nombre de branches, ce qui diminue la qualité totale du bois. Afin de produire du bois de bonne qualité, particulièrement au niveau mécanique, et en quantité suffisante pour répondre à la demande, il est nécessaire d'améliorer les techniques de production des plants et de déterminer les méthodes de préparation du sol qui présentent le moins d'incidence sur les racines, afin de diminuer les risques liés à la plantation. La réduction du temps requis pour la production des plants, l'utilisation des récipients différents de ceux employés traditionnellement, l'absence de sillons ou un scarifiage à double passage, la variation de la densité des peuplements font partis des critères qui méritent d'être analysés quant à leurs impacts sur le développement des tiges et des racines des pins gris.
Mots clés: Pinus banksiana; pin gris; architecture; sinuosité; racine; croissance; évolution spatiale; évolution temporelle; ratio aérien / souterrain; plantation; régénération naturelle; qualité du bois; branches; polycyclisme.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.440 |
Date | January 2007 |
Creators | Plourde, Annie |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://constellation.uqac.ca/440/ |
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