L’accroissement sensible des références au principe lex specialis dans le discours des acteurs du droit international, notamment depuis la fin du XXe siècle, a contribué à le faire apparaître comme un concept incontournable. Pourtant, la question de son contenu fait toujours débat dans les travaux de la doctrine comme dans la pratique de ces acteurs. Une dualité des perceptions de la fonction du principe lex specialis existe en effet dans leurs discours où il est entendu soit comme un principe d’articulation de règles concurrentes soit comme un principe de solution de conflit entre règles incompatibles. Cette dualité n’est pas surprenante : elle prend sa source dans des genèses historiquement différentes et conceptuellement antagonistes de chacune de ces fonctions. Celle de solution de conflit procède pourtant dès l’origine d’une incohérence conceptuelle puisque deux règles contradictoires n’entretiennent en fait pas de relation de généralité et de spécialité. Elle n’est au demeurant pas transposable dans l’ordre juridique international moderne car le fait qu’un de ses sujets puisse ne pas se conformer à une obligation qui lui incombe en raison de l’existence d’une autre obligation contradictoire avec celle-ci, et ce licitement, est irréconciliable avec le principe axiomatique pacta sunt servanda. Par contraste, sa fonction d’articulation constitue un outil pour l’interprète au service de l’affirmation de la cohérence et de l’unité du droit qu’il applique. Dans le contexte contemporain d’interrogation sur la fragmentation du droit international, il n’est donc pas étonnant que ce soit cette fonction que les acteurs mettent majoritairement en œuvre de nos jours. / The significant increase in references to the lex specialis principle by international actors, especially since the end of the twentieth century, has made it appear as an unavoidable concept. However, the question of its content is still debated by scholars and in practice. A duality of perceptions of the function of the lex specialis principle exists. Indeed, it is understood either as a principle of articulation of competing rules or as a principle of solution of conflict between contradictory rules. That duality is not surprising: each of these functions derives from historically different and conceptually antagonistic genesis. But the solution of conflict function proceeds from the outset of a conceptual incoherence since two contradictory rules have no relation of generality and specialty. Moreover, it can not be transposed into the modern international legal order because the fact that one of its subjects may lawfully not comply with one of its obligation due to the existence of another obligation contradictory to it is irreconcilable with the axiomatic principle pacta sunt servanda. By contrast, its articulation function constitutes a tool for the interpreter to affirm the coherence and unity of the law it applies. In relation to the contemporary concerns about fragmentation of international law, it is not surprising that this is the function most of its actors implement today.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017PA100188 |
Date | 14 June 2017 |
Creators | Lamour, Marianne |
Contributors | Paris 10, Thouvenin, Jean-Marc |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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