Dans le domaine musical, l'époque contemporaine se caractérise par la dissémination de la scène, la démultiplication des genres musicaux et l’omniprésence des techniques audionumériques dans les processus de fabrication et de diffusion des enregistrements, reproductibles à l'infini par un nombre toujours croissant d'utilisateurs de matériel informatique. Nous choisissons d'extraire d'un tel contexte les pratiques improvisées d'inspiration libre usant d'une lutherie électronique. Comment les artistes parviennent-ils à se repérer dans un environnement aussi fluctuant et problématique, puis à transmettre leur savoir musical ? Pour sortir de la compilation des données temporellement circonscrites, nous tâcherons de comprendre ce qui est en train de se passer au sein des pratiques improvisées contemporaines dans une localité précise. Le cadre théorique, hérité du jazz, montrera qu'il existe au XXème siècle un lien entre l'enregistrement sonore et l'improvisation à travers trois types d'instrumentation : mécanique, analogique et numérique. À l'aide de deux exemples historiques, nous essayerons de comprendre comment un improvisateur apprend à jouer du clavier tout en étant confronté, dans le même temps, à un dispositif technique de production et de reproduction sonore. La méthode introduira ensuite l'enquête de terrain effectuée à Montréal en 2013-2014 dans l'atelier de six musiciens amateurs. Les monographies mettront en évidence les filiations et la mémoire sonore de chaque artiste, constitutives d'un imaginaire musical l'autorisant à performer le moment venu. Les pratiques improvisées étudiées ne représentent aucun genre ni aucune tradition musicale identifiable, car elles s'inspirent indifféremment des musiques expérimentales, de l'électroacoustique, de l'improvisation libre, du free jazz et du rock. En revanche, elles demeurent indissociables du contexte qui les a vu naître, celui de la musique actuelle au Québec et de la topographie montréalaise. Grâce au concept d'« audiotactilité », ces pratiques seront analysées du point de vue des usages que les artistes font des circuits électroniques, c'est-à-dire le rapport physique à la matérialité des outils et des sons produits par le biais de l'ouïe et de la fonction haptique. L'improvisation procède-t-elle d'une construction réfléchie, telle une architecture ou une ingénierie, et l'électronique influence-t-il l'élaboration du discours improvisé ? Existe-il une structure sous-jacente dans l'élaboration d'un discours improvisé utilisant des outils électroniques en adéquation avec un processus musical vivant ? Par le réemploi de morceaux préexistants et par la pratique du sampling, l'improvisation peut être pensée comme un processus hypertextuel. Ainsi, nous verrons si les techniques numériques se placent dans la continuité de l'enregistrement mécanique et analogique ou si elles constituent un élément de rupture. / In the field of music, our contemporary age is characterised by a scattered scene, an increasing number of musical genres and ubiquitous audio-digital techniques used in the process of production as well as in the broadcasting of recordings, themselves infinitely reproducible by an ever-growing number of computer-users. In the midst of this constellation we have chosen to highlight the art of free improvisation using electronic stringed-instruments. How do artists manage to find their way in such a fluctuating and problematical environment, and then convey their musical know-how? Rather than compiling data limited in time, we will attempt to understand what is being happening among contemporary improvisation in a specific context.The theoretical framework, inherited from jazz, points to a connection in the 20th century between recording and improvisation and operates on three levels: mechanical, analogue and digital. With the aid of two historical examples we try to understand how an improviser learns to play the keyboard while being at the same time confronted with a technical device of sound production and reproduction. The methodology / approach then presents a field investigation carried out in Montreal in 2013-2014 during a workshop involving six musicians. The monographs highlight the origins and sound memory of each artist which make up his musical individuality and allow him to perform when required. The improvised sessions under investigation do not represent a genre or identifiable musical tradition, as they derive indiscriminately from experimental music, electro-acoustics, free improvisation, free jazz and rock. However they cannot be dissociated from the context in which they emerged, i.e. the modern music scene in Quebec and the wider Montreal environment.Thanks to the concept of "audio-tactility", these practices are analysed focussing on how the artists use electronic circuits, i.e. what is the connexion between the material aspect of the devices and the sounds produced by listening and haptics. Does the improvisation stem from a mental construct, a building plan or engineered map and do the electronics have a bearing on the elaboration of the improvised discourse? Is there an underlying structure in the elaboration of an improvised discourse using electronic devices in combination with a live musical process? By feeding preexisting pieces through a sampler, improvisation can be thought of as a hypertext process. In this way we can observe whether digital techniques are an extension of mechanical and analogue recording techniques or whether indeed they break with them.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017EHES0080 |
Date | 05 July 2017 |
Creators | Lavergne, Grégoire |
Contributors | Paris, EHESS, Université de Montréal, Chemillier, Marc, Traube, Caroline |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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