Les mutualismes, interactions interspécifiques où chaque partenaire retire un bénéfice net de leur association, sont centraux dans l’origine et l’organisation de la biodiversité. Bien que globalement bénéfiques pour chacun des partenaires, ces interactions n’enlèvent rien à l’égoïsme inhérent de chaque espèce pour sa survie et sa reproduction, générant des conflits d’intérêts entre les espèces. Ainsi, comprendre les processus écologiques et évolutifs qui maintiennent le caractère mutualiste d’interactions entre plusieurs espèces est primordial dans la compréhension du maintien de la biodiversité. Néanmoins, le corpus scientifique s’est jusqu'à présent surtout concentré sur des paires d’espèces en interaction. Or, ces avancées scientifiques restent partielles car la plupart de ces interactions s’englobent dans un contexte communautaire. C’est dans ce cadre conceptuel que se place mon travail de thèse. Alors que la diversité structurelle des mutualismes de protection entre plantes et fourmis en ont fait un modèle d’étude clé dans la compréhension des mutualismes, j’ai concentré mes recherches sur l’intégration d’un troisième partenaire fongique pour comprendre ses conséquences sur les résultantes écologiques et évolutives de ces mutualismes tripartites. Je me suis tout d’abord intéressé à définir la relation qui lie de façon mutualiste le champignon aux deux autres partenaires et à établir les conflits d’intérêts émanant de ces différentes interactions pour comprendre quels facteurs permettaient de les réguler. Ainsi, la relation qui lie le champignon aux fourmis peut être qualifiée d’agriculture. Les fourmis protègent, nourrissent et disséminent le champignon et celui-ci, via ses propriétés structurales, permet l’élaboration de galeries servant de piège pour capturer des proies. Ce phénomène crée cependant un conflit d’allocation de la force ouvrière des fourmis et nuit directement aux bénéfices de la plante par une diminution de l’intensité des patrouilles sur ses feuilles, diminuant consécutivement sa protection et sa fitness. Néanmoins, le rôle du champignon dans les transferts de nutriments entre les fourmis et la plante, ainsi que certaines réponses évolutives de la plante permettent de réguler ces conflits, stabilisant les bénéfices nets de chaque partenaire dans ce mutualisme tripartite. Puis, je me suis concentré à comprendre comment certains facteurs évolutifs pouvaient moduler cette résultante écologique. La prise en compte du caractère multipartite d’un mutualisme change radicalement la vision de l’évolution des mutualismes jusqu’alors étudiée entre paires d’espèces. Alors que le corpus scientifique s’accorde à dire que la spécialisation entre espèce par coévolution renforce la stabilité et les bénéfices perçus par chaque partenaire, le contexte multipartite semble altérer ces prédictions. Au contraire la spécialisation multipartite peut être dans certains cas un moteur d’instabilité et de baisse des bénéfices. Enfin cette thèse permet de faire le lien entre deux concepts qui s’opposent : la coévolution diffuse et la coévolution par paire. Je montre ainsi que la coévolution peut intervenir sur plus de deux espèces à la fois, mais qu’elle peut quand même entrainer une spécialisation multispécifique. Finalement, au contraire des prédictions de la coévolution diffuse, cette thèse montre que plusieurs pressions de sélection contrastées émanant de différentes espèces envers un seul trait d’une troisième espèce peuvent promouvoir la spécialisation multi-spécifique. / Mutualisms, defined as interspecific interactions where each partner receives net benefices from their interactions, are central to the organization of earth biodiversity. Although globally beneficial for each partner, such interactions do not modify the inherent selfishness of species for their survival and reproduction, generating conflicts of interests between species. Thus understanding the ecological and the evolutionary processes maintaining positive outcomes in mutualisms is fundamental to understand how mutualisms shape earth biodiversity. However, scientific research on mutualisms has most of the time focused on interaction between pairs of species. Such knowledge is thus partial as mutualisms are embraced in a community context. My doctoral thesis takes place in this conceptual framework. I focused my research on the integration of a third fungal partner in protective interactions between ants and plants to evaluate its consequences on the ecological and evolutionary outcomes of such mutualisms, taken as multispecies interactions. I first focused my researches in defining the mutualistic interaction linking the fungal partner with its two other associates and in revealing any conflict of interests and their regulation that may emerge from such tripartite interactions. The interactions between the ants and the fungi can be qualified as a case of non-food fungiculture. The ants protect, provide food and disseminate the fungus, and the latter, thanks to its structural properties, allows the elaboration of galleries used that are then used as trap to capture preys. This phenomenon creates a conflict of interest in the allocation of the worker force, altering host plant benefits through a decrease of worker patrolling activity and consequently leaves protection and thus fitness. However, the role of the fungus in the nutrient transfers between ants and plants added to evolutionary responses from the plant allows regulating this conflict, stabilizing the net benefits towards the plant. Then I have concentrated my researches in understanding how evolutionary factors would modulate the ecological outcomes of such interactions. Taking into account the multispecific character of mutualisms changes radically the vision on the evolution of mutualisms when pair of species are considered. While it is widely accepted that specialization of mutualist species through coevolution reinforce the stability of the interaction and the net benefit of each partner, the multispecific context seems to deviate these predictions. Conversely, I show that specialization between three mutualistic partners can drive instability and decrease of benefits. Finally, the results of this thesis join the gap between two previously opposed concepts: diffuse coevolution and pairwise coevolution. I show that coevolution can happen between more than two species simultaneously and that it can drive mutlispecific specialization. Opposed to the diffuse coevolution, I show that contrasting selective pressures on a same trait from different partner can promote specialization of species.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013AGUY0622 |
Date | 08 July 2013 |
Creators | Lauth, Jérémie |
Contributors | Antilles-Guyane, Orivel, Jérôme |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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