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Le rapport entre le droit administratif et la Charte canadienne des droits et libertés : plaidoyer pour un modèle unifié du contrôle judiciaire

L'objectif de cette thèse est de structurer une conception cohérente du contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires dans le domaine des droits fondamentaux. De manière spécifique, nous visons à démontrer que la distinction entre le contrôle constitutionnel lorsque la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte ») se trouve mobilisée et le contrôle judiciaire de l'action administrative ne se justifie pas. Au contraire, il nous semble possible de réconcilier les deux types de contrôle judiciaire. Notre démonstration repose sur l'étude, en parallèle, des deux types de contrôle judiciaire. Grâce à une analyse de plus de 60 ans de jurisprudence, particulièrement celle de la Cour suprême du Canada, ainsi qu'avec l'examen de la doctrine qui s'y rattache, nous exposerons d'abord que les critères de légitimité du contrôle judiciaire en droit constitutionnel et en droit administratif se sont modifiés au fil du temps. En ce qui concerne le droit administratif, l'État moderne s'est développé en étant plus interventionniste. Pour des raisons d'efficacité et d'expertise, l'expansion de l'État-providence nécessite une imposante bureaucratie pour mettre en œuvre les politiques législatives que souhaitent établir les gouvernements. Bien que les décisions administratives suscitent de plus en plus l'intervention des tribunaux judiciaires, graduellement, les cours de justice reconnaissent la légitimité de l'Administration publique dans l'élaboration du droit dans leur propre sphère de compétence. Les juges laissent ainsi une marge de manœuvre à l'Administration publique. En outre, l'apparition du principe de la retenue judiciaire dans la jurisprudence se base, entre autres, sur l'expertise et l'expérience des membres des organismes et des tribunaux administratifs, ce qui les place dans une position privilégiée pour rendre des décisions qui s'alignent avec les objectifs législatifs. Dans le domaine du droit constitutionnel, la jurisprudence se développe en prenant appui sur la priorité normative des droits et libertés enchâssés dans la Charte. La marge de manœuvre de l'État se rétrécit puisque, dorénavant, il doit respecter les droits fondamentaux dans l'exercice de ses pouvoirs. Le pouvoir judiciaire conserve la mainmise sur l'interprétation de la Charte et des limites que peut apporter l'État aux droits et libertés constitutionnellement protégés. Au fil des développements de la jurisprudence, l'analyse de la Cour suprême devient cependant plus contextuelle en allouant une marge d'appréciation à l'État sur les moyens pris pour atteindre un objectif gouvernemental malgré qu'il empiète sur les droits et libertés. Les deux types de contrôle judiciaire laissent ainsi une marge de manœuvre à l'État et, dans les deux cas, le degré d'intensité de la révision judiciaire s'adapte aux différents contextes. Toutefois, pour plusieurs auteurs et juges, il demeure impératif de distinguer les deux types de contrôle judiciaire puisque la norme empreinte de déférence - celle de la décision raisonnable - utilisée en droit administratif n'accorde pas un poids suffisant aux droits et libertés dans l'analyse. Comme la retenue judiciaire constitue un obstacle aux garanties que confère la Charte, les cours de justice se retranchent vers le contrôle constitutionnel puisque cette approche leur permet de maintenir leur emprise sur la Charte et sur son interprétation afin de préserver la primauté du droit. Nous démontrerons que, bien définie, la déférence n'équivaut pas à une diminution des protections qu'attribue la Charte. L'appel à la norme de la décision raisonnable pour examiner les décisions discrétionnaires qui semblent restreindre un droit ou une liberté préserve le rôle constitutionnel des cours de justice tout en reconnaissant une légitimité à l'Administration publique dans l'élaboration du droit en matière de droits fondamentaux. Cependant, la réconciliation des deux types de contrôle judiciaire n'est possible qu'en acceptant, à titre de composante de la primauté du droit, une culture de justification des pouvoirs publics.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/145343
Date17 June 2024
CreatorsSenécal, Sébastien
ContributorsSamson, Mélanie, Cartier, Geneviève
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeCOAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (ix, 421 pages), application/pdf
CoverageCanada, Canada.
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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