L’étude du thème de la nourriture conduit à analyser trois fonctions de l’alimentation dans l’œuvre de Cohen. La première, indissociable du cadre de la diégèse, concerne le cérémonial inhérent à la mise en scène des repas. Selon qu’ils se déroulent dans le milieu occidental ou au sein du groupe des Valeureux, ces moments de consommation débouchent rapidement sur une caractérisation des personnages et sur une mise à jour des liens socio-culturels qui les unissent ou les séparent. Partager un déjeuner ne constitue donc pas un simple geste de convivialité. C’est une action qui peut tendre vers la spiritualité d’une communion ou consacrer la rupture irrémédiable avec autrui. Mais c’est lorsque l’on quitte la table pour s’intéresser aux faits alimentaires ponctuels, multiples dans l’œuvre, que la nourriture de Cohen devient riche de significations. Constituant un réseau de signes symboliques qui affleurent dans les textes, l’alimentation correspond à une nouvelle forme de langage qui exprime les obsessions les plus intimes. Mère, religion, amour, réflexion sur le temps et sur l’absurdité de la vie, tous les domaines s’évaluent à l’aune de la nourriture : celle du passé et des souvenirs — tour à tour regrettée ou indésirable — celle du présent qui oscille entre le plaisir de l’instant et une lassitude existentielle, celle d’un futur incertain, qui ne garantit qu’une promesse de désillusions. De cet univers aux sombres perspectives émerge pourtant une figure de « vainqueur éternel », celle de Mangeclous. Le personnage burlesque est, en effet, celui qui a le dernier mot. Capable de sublimer l’art de la cuisine, il élabore une poétique aux accents parodiques qui se joue de la farce de l’existence. C’est en passant par la création de cet ogre mythique que l’auteur confère au champ alimentaire son unique et véritable richesse. / Focusing on the theme of food in Albert Cohen’s works allows us to identify three basic functions for food. The first function, which cannot be dissociated from the diegesis, has to do with the ceremony inherent in the staging of meals. Whether they take place in a Western setting or within the group of the Valeureux, these episodes of consumption often lead to a characterization of the protagonists and a presentation of the sociocultural links that both unite and separate them. Sharing a meal is much more than just enjoying a moment of conviviality. It can as easily result in a spiritual communion as in an irreversible break with someone else. Yet, food takes on a deeper meaning when studied in its multiple punctual manifestations rather than within the context of meals. Coalescing into a network of symbolic signs, food offers a new form of language through which the most intimate obsessions can be expressed.Motherhood, religion, love, time or the absurdity of life are so many themes that can be analyzed through the motif of food – be it the food of the past (either desired or scorned), the food of the present, which both provides a brief moment of pleasure and occasions an existential ennui, or the food of an uncertain future, mostly synonymous with a feeling of disillusionment. Out of this universe of somber prospects,however, emerges the figure of Mangeclous, the “eternal victor.” Indeed the last word belongs to this burlesque character. In his ability to transcend the art of cooking, Mangeclous conjures up a poetics with parodic overtones that mocks the masquerade of existence. It is only in creating this mythical ogre that Cohen manages to imbue the motif of food with its true richness.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013PA030100 |
Date | 14 October 2013 |
Creators | Ruimi, Claudine |
Contributors | Paris 3, Schaffner, Alain |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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