Les métaux toxiques associés à la minéralisation et à l'exploitation minière sont des cibles de choix pour les études environnementales. Le thallium, pourtant un métal toxique par excellence, n'a pas retenu beaucoup d'attention à cet effet, sans doute à cause de la rareté relative des dépôts de ce métal.
L'objet de cette étude est l'accumulation naturelle du thallium en association avec les minéralisations de type Hg-Tl-(Au) dans la région de Lanmuchang, dans le sud-ouest de la province de Guizhou en Chine, dans la perspective géo environnementale d'une étude de cas sur les dangers du thallium. Plus précisément, cette étude vise à mettre en lumière les manifestations du thallium, ses processus de transfert et ses impacts environnementaux, en référence à la fois aux processus naturels et aux activités humaines. Dans ce sens, on a examiné la distribution et la dispersion du thallium, de même que celles du mercure et de l'arsenic, dans le substratum rocheux, les minerais sulfurés, le charbon, les sols, les sédiments, les eaux souterraines et de surface, la végétation et les produits agricoles.
Cette étude montre que la région de Lanmuchang est géologiquement propice à l'accumulation du thallium, du mercure et de l'arsenic. On y note une présence importante de minéraux sulfurés tels que la lorandite, le cinabre, le réalgar, l'orpiment et la pyrite, qui agissent comme les hôtes principaux de Tl, Hg et As dans le roc et les minerais. Le thallium se présente soit comme substitution isomorphique dans la structure de minéraux sulfurés des minerais de mercure et d'arsenic, et dans les charbons, ou comme un minéral purement de thallium, la lorandite.
Les accumulations de Tl, Hg et As se caractérisent par de fortes concentrations de Tl, Hg et As dans le roc, les minerais, les sols, les sédiments, les eaux de surfaces ou souterraines, de même que dans diverses plantes. La concentration de thallium dans les minerais sulfurés varie de 33 à 35000 ppm, de 12 à 46 ppm dans les charbons, de 33 à 490 ppm dans les roches hôtes, de 25 à 1100 ppm dans les minéraux secondaires, et de 6 à 330 ppm dans les affleurements de roches hôtes. Dans les sols des zones minéralisées, la concentration de thallium varie de 53 à 282 ppm; dans les dépôts alluviaux ou les sols de fondation, elle varie de 21 à 100 ppm; dans les matériaux soliflués, elle se situe entre 40 et 46 ppm; dans les sols vierges, on observe des valeurs entre 2.2 et 29 ppm. Des valeurs élevées de concentration en thallium ont été observées dans les sédiments du lit d'un cours d'eau, allant de 10 à 3700 ppm. La concentration en thallium est également élevée dans l'eau souterraine profonde provenant de la zone minéralisée en thallium (13.4-1102 Llg/l), diminuant progressivement aux valeurs normales (0.005 (Ltg/1) avec l'éloignement de cette zone. La concentration de thallium dans les cours d'eau varie de 0.3 à 33 jxg/1, avec des valeurs remarquablement élevées en aval d'une décharge d'eau souterraine non identifiée. Dans les divers légumes et céréales comestibles, le contenu de thallium varie de 0.21 à 494 ppm (poids à sec). L'absorption de thallium est plus importante pour les légumes que pour les céréales, et la concentration maximale en thallium est atteinte dans le chou vert.
La dissémination du thallium, de même que celle du mercure et de l'arsenic, dans l'écosystème spécifique à Lanmuchang est contrôlée par la minéralisation originelle des sulfures de Tl-Hg-As, par la topographie et l'hydro-géomorphologie propres au territoire, et par les perturbations de l'activité humaine. On observe de fortes concentrations de thallium dans les zones minières et minéralisées. En dehors de ces zones, les concentrations diminuent graduellement, pour s'établir à un niveau normal. Le thallium en provenance du substratum rocheux s'accumule dans le sol et les sédiments, et il est dispersé par les eaux du bassin versant de Lanmuchang.
On s'est servi de l'identification des sources naturelles et de la définition des niveaux géochimiques de base des métaux toxiques pour faire la part des choses entre d'une part, la contribution relative des activités minières passées et actuelles, et d'autre part, celle des processus naturels. Des concentrations géochimiques de base élevées dans les roches de surface et dans les sols indiquent que l'érosion naturelle ou lessivage de ces roches et de ces sols, en association avec la zone minéralisée en Tl et les activités minières, sont des facteurs déterminants de l'accumulation élevée de thallium dans les terres arables et sa concentration élevée dans le système aquatique.
Le transfert du thallium dans les terres arables dépend des types de culture. La concentration de thallium dans les éléments comestibles des récoltes s'établit comme suit en ordre décroissant: chou vert > chili > chou chinois > riz > maïs. La concentration la plus élevée, 494 ppm en mesure à sec, s'observe pour le chou vert. Le contenu en Tl est beaucoup plus élevé que celui de Hg et As dans les récoltes, cet écart semblant être favorisé par la substitution de K+ par Tl+, ces deux ions ayant à peu près le même rayon.
L'assimilation du Tl dans le corps humain se fait principalement par le biais de la chaîne alimentaire, les vecteurs d'assimilation dermiques et respiratoires étant moins importants. Étant donné la concentration élevée de Tl dans les récoltes, la principale assimilation de thallium dans la chaîne alimentaire est la consommation de produits agricoles provenant de sols locaux contaminés. La consommation quotidienne de Tl par le biais de produits contaminés localement est estimée à 2.7 mg en moyenne, ce qui est 60 fois plus élevées que celle de régions sans thallium. Par ailleurs, le niveau de Tl dans l'eau potable est inférieur à la norme de nocivité, et ne pose donc pas de risque pour la santé dans les présentes conditions. Hg et As n'ont pas de rôle significatif à jouer sur la santé de la population dans la région de Lanmuchang.
Les conditions socio-économiques de cette région amplifient l'impact environnemental du thallium sur l'écosystème. La déficience nutritionnelle, plutôt que le facteur climatique, combinée avec une exposition aux concentrations élevées de Tl dans les sols et les récoltes, peut bien avoir causé la thalloxicose des années 60 et 70.
Il est nécessaire que l'on prenne conscience des dangers du thallium, ce qui, avec l'introduction de mitigation par étapes faciles à appliquer, va conduire à une réduction de la dispersion de ce métal et des problèmes conséquents. On devrait tenir compte des résultats de cette étude dans l'élaboration des plans de développement de cette région. C'est un problème complexe que de trouver un remède dans un contexte géo environnemental tel que celui de Lanmuchang, mais on devrait développer des initiatives telles que l'introduction de plantes hyperaccumulantes de Tl, afin de réduire la concentration de thallium dans l'environnement, de même que le remplacement de la culture d'aliments comme le chou vert qui a une forte tendance à accumuler le thallium.
Cette étude non seulement apporte une meilleure compréhension des processus de dispersion du thallium, mais elle souligne également la nécessité d'entreprendre des études dans des régions susceptibles d'être affectées par le thallium, et d'étudier les effets sur la santé humaine d'une exposition prolongée au Tl.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.879 |
Date | January 2001 |
Creators | Xiao, Tangfu |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://constellation.uqac.ca/879/ |
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