Cette recherche visait à mieux comprendre les difficultés émotionnelles (DÉ) chez les intervenants (anxiété, dépression, burnout, etc.) en protection de l’enfance au Québec, ainsi que d’explorer les conséquences sur leurs relations professionnelles (avec l’enfant et la famille suivie, les collègues de travail et les gestionnaires) au moment où ils vivent ce type de difficultés. La recherche se situe dans une volonté d’introduire l’expérience subjective et le savoir expérientiel des intervenants en protection de l’enfance, à l'explication du phénomène des difficultés émotionnelles au travail qui avait, à ce jour, essentiellement été étudié dans une perspective psychologique et psychiatrique. Afin de mettre en lumière l’ensemble des facteurs impliqués dans l’augmentation ou la diminution des DÉ se dégageant de l’expérience sensible des sujets, nous avons développé un cadre conceptuel liant les théorisations de la sociologie clinique et de la sociologie interactionniste des émotions. Ce cadre conceptuel permet de prendre en considération les contextes conjoncturels et organisationnels, de même que le travail émotionnel des intervenants, dans l’analyse du portrait des difficultés émotionnelles vécues. Au niveau méthodologique, nous avons mené une recherche de type qualitatif, par le biais d’entretiens semi-dirigés à l’intérieur d’un CISSS et d’un CIUSSS de deux régions administratives distincts. La population cible de cette recherche était composée de trente et un (31) intervenants psychosociaux (travailleurs sociaux, criminologues, psychoéducateurs et bachelier en psychologie) oeuvrant dans les services de la protection de l’enfance. Nos résultats montrent que selon les participants, il existe trois (3) facteurs de protection liés au cadre de l’emploi (le mandat de l’organisation, la diversité du travail, les relations avec les collègues de travail). Les participants identifient également trois (3) facteurs conjoncturels, dix-neuf (19) facteurs organisationnels et quatre (4) facteurs individuels en cause dans leurs difficultés émotionnelles. Ainsi, deux de ces catégories sont structurelles et donc de sources extérieures à la personne. Cibler uniquement les facteurs individuels des DÉ limite donc les possibilités de transformer la tendance. Notamment, les participants ont identifié que la récente réforme du réseau de la santé et des services sociaux et les fusions à l’intérieur des CISSS et des CIUSSS ont eu des conséquences importantes sur l’organisation du travail et les modalités de pratique au sein des organisations en protection de l’enfance. Nos résultats présentent également les impacts fonctionnels des DÉ au niveau des relations professionnelles des intervenants. Ainsi, l’ensemble des participants note des conséquences délétères dans leurs relations avec les enfants et les familles suivis (diminution de l’intensité des suivis et des rencontres, actualisation de relations blessantes, diminution de l’aide et de l’empathie, diminution de la qualité du travail et des capacités objectives et analytiques). Selon 90% des participants, les DÉ ont des effets considérables dans les relations avec les gestionnaires (colère et frustration, méfiance, évitement et perte de confiance). Pour 68% d’entre eux, il existe aussi des impacts au niveau des relations avec les collègues de travail (isolement et retrait, effet boule de neige sur les collègues, diminution de la collaboration et de l’entraide). En somme, le projet de recherche permet d’associer directement la protection des intervenants à celles des enfants sous leur responsabilité. Il permet également de montrer que le travail émotionnel que doit produire l’intervenant, selon les exigences des institutions impliquées (employeur, institutions académiques et les ordres professionnels), est au cœur de toutes les relations professionnelles. La recherche permet de cibler les conditions favorables à l’exécution de ce travail émotionnel qui agit comme filtre protecteur dans les relations professionnelles. La recherche permet également de poursuivre le développement de la typologie du travail émotionnel. / This research aimed to better understand the emotional difficulties (depression, anxiety, burnout, etc.) of Quebec’s child welfare clinicians and to explore the impact of these difficulties on their professional relationships (with the children and their families, colleagues and managers). By highlighting their subjective experience and experiential knowledge, the research allows to explain the emotional difficulties in a work context outside of the dominant psychiatric and psychological perspective. A sociological framework based on the concept of emotional labor as well as the clinical sociology theories of work was developed. This conceptual perspective shed’s light and articulates the contextual, organizational and individual factors that impact emotional difficulties experienced by clinicians in a child welfare setting. The research methodology is qualitative, based on semi-directed interviews at the CISSS and a CIUSSS from two different administrative geographic regions in the Québec province. The population sample is composed of thirty-one psychosocial clinicians (Professional Social Workers, Criminologists, Psychoeducators and Bachelor Professional Psychologists) working in child welfare organizations. The research results demonstrate that there are three (3) main protection factors at work (organizational mandate, work diversity, peers relations). Furthermore, the following factors were identified as impacting their emotional difficulties; three (3) contextual factors, nineteen (19) organizational factors and four (4) individual factors. From these categories two of them are structural as therefore external to individual control. As a result, targeting individual factors to explain clinicians emotional difficulties restricts the possibility of modifying their situation. Specifically, participants identified that the latest health care reform including the CISSS and CIUSSS service structure changes led to significant consequences that deeply affected their work organization and their clinical practice in the context of child welfare context. Also, the results show clinical functional impacts on their professional relationships. Negative impacts on their relationships with families and children were reported by all clinicians (decrease of intensity in service delivery, hurtful relationships with clients, lack of empathy and helpful relationship, decrease of work quality and objective and analytical abilities of clinicians). For 90% of the participants, emotional difficulties had negative impact on their relationships with their managers (anger, frustration, trustfulness, avoidance and lack of confidence) and 68% with their colleagues (isolation and withdrawal, negative emotional contamination, decrease in collaboration and lack of mutual aid). Overall, this research demonstrates the importance of protecting clinicians in a children protection mandate. Also, it shows that the emotional work that clinicians must produce, according to the requirements of the institutions involved (employer, academia and professional orders) is at the of all professional relationships in a child welfare context. This research allows in this regard to highlight the favorable conditions of emotional work, which can act as a protective filter in child welfare services. The research also allows, finally, to extend the typology of emotional work.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/40076 |
Date | 10 February 2024 |
Creators | Le Pain, Isabelle |
Contributors | Namian, Dahlia, Larose-Hébert, Katharine |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xv, 283 pages), application/pdf |
Coverage | Québec (Province) -- Québec, Région de. |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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