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La ruse dans les contes d'animaux et dans le Roman de Renart

« Médiévistes et folkloristes ont plus d'une fois entrepris l'examen minutieux des contes du loup et du renard de tradition orale et du Roman de Renart. Chaque fois ils oeuvraient dans le but de corroborer ou de réfuter la thèse de l'antériorité de l'une ou de l'autre tradition. Nous n'entrons pas dans cette polémique toujours prête à se ranimer. Notre étude comparative des contes oraux et du Roman de Renart s'aventure dans une autre voie, peut-être parallèle à la précédente, mais s'appuyant sur une méthodologie toute différente. Elle se fonde principalement sur les observations suivantes. Les contes d'animaux de la tradition orale n'appartiennent pas à un seul genre mais à plusieurs. Nous pouvons réitérer la même affirmation au sujet des branches médiévales. Cette complexité à l'intérieur des deux traditions respectives, écrite et orale, se renforce par la complexité des rapports séculaires entre la tradition orale et la tradition écrite. Or la fréquentation de ce double corpus nous ouvre la possibilité de comprendre ce foisonnement de formes pour des thèmes en fait limités et restreints. La ruse, à la fois thème et élément de structuration des contes de renard, véritable vecteur des récits tant oraux qu'récrits, régit la pluralité et la diversité des messages par les transformations successives des structures narratives dans lesquelles elle s'incarne. La ruse, en fait, devient elle-même principe de transformation. Notre travail s'articule en deux parties majeures. La première, étape particulièrement méthodologique, s'attache à la reconnaissance des structures narratives, aux transformations des formes et des thèmes. La seconde explore, par les jeux associatifs de l'imagination créatrice et des mentalités, les relations que nouent entre eux les récits fictifs d'une tradition, les coutumes, les croyances et l'organisation politico-religieuse de la société qui transmet et élabore ces récits d'animaux. L'étude du conte populaire est inséparable de l'histoire des études folkloriques. Un va-et-vient incessant de la matière brute (les contes oraux tels que recueillis) à la matière critique (les différentes approches méthodologiques) s'impose à qui veut enrichir et nuancer ses réflexions. Un examen attentif des approches méthodologiques des cent dernières années nous révèle les complémentarités des différentes méthodes, leurs points de convergence malgré souvent des oppositions extérieures fortement proclamées par des nominations empiriques : école historico-géographique, fonctionnalisme, structuralisme. Cette "enquête méthodologique" met en lumière la nécessité de ne pas choisir "une" méthode, mais plutôt de les confronter les unes aux autres, en dialogue sur un même corpus, car chaque école marque une phase logique de l'analyse du récit. A partir d'un discussion serrée de Structural models in folklore d'Elli Köngäs-Maranda et Pierre Maranda, nous proposons de "nouveaux modèles" qui tiennent compte des actions de tous les personnages à la fois et qui permettent d'observer le principe de transformation à l'oeuvre dans le récit. Ces modèles posent une fonction "dominer" entre deux forces en conflit. Le dynamisme du récit génère trois modalités possibles du procès dominer dans les rapports de ces deux forces et, conséquemment, donne lieu à trois genres différents : la domination ponctuelle d'une force sur l'autre caractérise la fable (modèle 2); l'accentuation du conflit sans résolution possible dans les limites du récit crée le genre très particulier des récits du loup et du renard souvent appelés "chaînes de contes d'animaux" (modèle 3) ; et, enfin, lorsque les deux forces en conflit ne se dominent plus l'une l'autre mais se transforment en une nouvelle valeur, nous avons un dépassement. Ce cas s'actualise surtout dans les branches médiévales ou la guerre du loup et du renard est médiatisée par les procédures judiciaires ou par le pardon religieux (modèle 4.). Chacun des trois groupes structuraux oriente le message et l'interprétation de la ruse de manière bien précise. Cependant ces récits n'acquièrent tout leur sens qu'une fois mis en relation avec l'ensemble des récits de chaque tradition et situés dans leur contexte socio-culturel. Nous pouvons en ce sens parler d'intertextualité entre les branches médiévales et les autres oeuvres littéraires des XlIe-XIVe siècles d'une part, entre les contes du loup et du renard, les contes merveilleux, les contes facétieux, les coutumes, les croyances populaires qui circulent dans la tradition orale d'autre part. Des liens étroits se tissent entre ces récits fictifs et l'organisation de la société. Si les contes d'animaux s'enracinent dans l'infrastructure de la pensée humaine et puisent leur vérité dans les rapports concrets et imaginatifs entre l'homme et l'animal dans la vie quotidienne, par ailleurs l'observation empirique et le symbolisme préparent l'anthropomorphisme et nous entraînent dans une réflexion sur la ruse religieuse et sur la ruse politique, qui régissent bien souvent les sociétés humaines. »--Pages i-ii

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/53696
Date17 May 2024
CreatorsGuilbert, Lucille, Guilbert, Lucille
ContributorsKöngäs-Maranda, Elli Kaija
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Formatviii, 396 feuillets, application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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