Les sociétés africaines ont fait l'objet de beaucoup d'études mais il y a un sujet qui n'a pas été assez étudié : leur dynamique linguistique. Dans un pays comme le Mali, de nombreuses langues sont en circulation, la langue officielle française côtoie les langues locales et nationales. Le bilinguisme n'y est donc pas chose rare et les enjeux linguistiques sont nombreux. De plus, très peu d'études ont porté simultanément sur la langue parlée dans les couples linguistiquement exogames de même que sur les facteurs qui poussent à l'entrée en union mixte. Qu'en est-il alors des transferts linguistiques dans les mariages interlinguistiques à Bamako, capitale du Mali? En nous inspirant des travaux de Saussure, de Bourdieu et de Calvet, nous nous penchons sur les processus qui semblent mener au choix et à l'usage d'une langue. En effet, dans le contexte bamakois comme dans tout autre environnement plurilingue, le choix de la langue de communication ne se fait pas toujours de manière « consciente » mais plutôt par souci pratique : c'est alors souvent la langue véhiculaire du milieu qui est en usage. La lecture de ces auteurs met en évidence la place de la langue mais aussi les enjeux liés à son choix et à son usage. Sa maîtrise offre à l'individu l'aisance nécessaire pour lui permettre de s'exprimer dans toutes les situations, le pouvoir de se faire écouter et de se faire obéir. Nous sommes dès lors en présence de rapports de force intrinsèques aux usages de la langue. Tous ces éléments seront aussi appliqués au contexte bamakois pour lequel nous analysons le tableau linguistique, les modèles familiaux et matrimoniaux ainsi que leur évolution. À partir de l'exploitation des données des recensements du Mali de 1987 et de 1998, ce travail de recherche a trois objectifs. Tout d'abord, nous regardons les tendances linguistiques à Bamako pour ensuite examiner les comportements des différentes communautés linguistiques du Mali face au mariage interlinguistique. Enfin, cette présente étude a cherché à mettre en lumière les principaux facteurs qui peuvent intervenir dans l'entrée en union linguistiquement mixte. Effectivement, le bambara est la langue la plus répandue à Bamako mais la capitale se trouve tout de même confrontée à un fort plurilinguisme, ce qui conduit à quelques transferts linguistiques qui profitent au bambara. IV La prédominance du bambara joue ainsi un rôle dans le comportement des hommes et des femmes locuteurs du bambara face au mariage interlinguistique. Ces derniers sont en effet les moins concernés par le mariage mixte, non pas parce que ce groupe linguistique est trop conservateur, mais plutôt parce que la socialisation des individus se fait de plus en plus dans cette langue. Les membres des autres communautés linguistiques se voient donc plus enclins à l'exogamie linguistique. Les autres variables étudiées concernant l'union mixte à Bamako se sont révélées tout aussi intéressantes. Le sexe, le lieu de naissance, le groupe d'âge, le niveau d'éducation et le secteur professionnel ont tous un impact plus ou moins déterminant sur les chances d'accès au marché matrimonial interlinguistique à Bamako. L'étude nous montre par exemple que les natifs de Bamako semblent être ceux qui s'engagent le plus dans les unions interlinguistiques, que le groupe linguistique a un impact qui diffère selon le sexe de l'individu, nous faisant voir par là que les hommes sont les plus touchés par l'exogamie linguistique. De même, le niveau d'instruction est déterminant, peu importe le sexe étudié, tandis que le secteur professionnel a un effet mitigé, tantôt négatif tantôt positif. L'étude parallèle des deux bases de données brutes de 1987 et de 1998 a, quant à elle, permis de dégager l'effet du facteur temps. En effet, les déterminants proches du mariage interlinguistique varient d'un recensement à un autre. Il faut noter que le temps est en mesure d'agir en faveur de la mixité matrimoniale en stimulant l'effet conjugué de plusieurs facteurs dont l'affaiblissement du pouvoir de contrôle d'un groupe sur les comportements matrimoniaux des plus jeunes.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/22980 |
Date | 18 April 2018 |
Creators | Dia, Fatou |
Contributors | Marcoux, Richard |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | mémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise |
Format | 139, xxvii p., application/pdf |
Coverage | Mali |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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