Les cancers des voies aéro-digestives supérieures sont connus pour entraîner, par eux-mêmes et par leur traitement, une altération significative de la qualité de vie. Depuis le milieu des années septante, un grand nombre dauteurs ont étudié cette qualité de vie. De nombreux outils de mesure ont été fabriqués et le sujet occupe de plus en plus de place tant dans la littérature que dans les congrès scientifiques. Pourtant, jusquà présent, aucune étude importante ne sest penchée sur la perception quont les médecins de la qualité de vie de leurs malades souffrant dun cancer de la tête et du cou ainsi que sur les implications de cette « représentation» médicale. Nous proposons donc ici dessayer de pallier à ce manque et de présenter un travail sur une large population médicale.
Lensemble de la population ORL belge ainsi que 3000 médecins traitants belges ont été contactés. Chacun dentre eux a reçu un questionnaire par la poste. Ce questionnaire, totalement anonyme, formulé dans la langue maternelle de chaque médecin (français ou néerlandais) avait pour but de recueillir de manière la plus précise possible des indications sur la perception des soignants. Ces questions portaient aussi bien sur la perception générale de la qualité de vie que sur les symptômes importants et sur les différents traitements habituellement utilisés en oncologie cervico-faciale. Une étude statistique sérieuse de ces réponses nous a conduits à appréhender de manière nettement plus scientifique cette problématique. Par ailleurs, nous nous sommes attachés à comparer dans la mesure du possible cette perception médicale avec ce que le patient pense vraiment de sa propre qualité de vie (sur base de la littérature scientifique existante).
245 ORL ont répondu à létude tandis que 506 généralistes faisaient de même. Lanalyse des réponses démontre que le monde médical accorde énormément dimportance à la qualité de vie. Cette attention portée à la qualité de vie paraît plus importante que chez les patients eux-mêmes. Les médecins sont très majoritairement prêts à sacrifier le pronostic en terme de survie pour maintenir une qualité de vie quils jugeraient plus acceptable. Sur base de la littérature, ceci va à lencontre de la volonté première du malade. Une moitié des médecins répondeurs reconnaissent ne pas présenter dempathie pour leur malade cancéreux. Il transparaît que les soignants perçoivent la qualité de vie liée à un cancer des voies aéro-digestives supérieures comme étant moins bonne que pour dautres localisations néoplasiques. Probablement pour cette raison, ils pensent très majoritairement quune prise en charge psychologique est indispensable pour de tels patients. Ils pensent également de manière générale que leur façon daborder le patient peut indirectement influencer sa qualité de vie. Pour les médecins, tous les symptômes nont pas la même importance en terme de qualité de vie. La douleur joue, pour eux, un rôle prépondérant. Elle est suivie dans lordre par la respiration, lalimentation, la voix et finalement lapparence physique. Des différences interculturelles ont été retrouvées notamment pour la voix et lalimentation. Les médecins perçoivent également différemment les traitements habituellement utilisés en oncologie cervico-faciale sur base de la qualité de vie quils peuvent offrir aux patients traités. La radiothérapie est clairement mieux perçue que la chirurgie. La chimiothérapie offre la moins bonne qualité de vie post-thérapeutique aux yeux de nos confrères. Ces différences ne semblent pas sappuyer sur des éléments cliniques solides quand on se place du côté des patients (sur base de la littérature). Il est important de remarquer également que bien que le médecin traitant souhaite participer à la décision thérapeutique, il se sent sous informé quant aux cancers des voies aéro-digestives et à la qualité de vie résiduelle.
En conclusion, nous pouvons affirmer que le médecin considère la qualité de vie du malade comme un point essentiel dans sa prise en charge et est prêt à sacrifier partiellement la survie pour préserver la qualité de vie. Ceci doit ouvrir un débat éthique important et doit nous amener à une question fondamentale : « Sachant que notre représentation de soignant diffère autant de celle du patient tant du point de vue de la qualité de vie que du but principal du traitement, sommes-nous autorisés à imposer notre perception de la maladie et de ses effets dans le choix thérapeutique? ».
Par ailleurs, sur base de nos résultats, il serait judicieux que les spécialistes cervico-faciaux puissent mieux informer leurs collègues sur le cancer de la tête et du cou ainsi que sur la qualité de vie résiduelle.
Identifer | oai:union.ndltd.org:BICfB/oai:ETDULg:ULgetd-07072009-210427 |
Date | 12 October 2009 |
Creators | DEMEZ, Pierre |
Contributors | CHANTRAIN, Gilbert, CHEVALIER, Dominique, COUCKE, Philippe, MEURISSE, Michel, FILLET, Georges, LEFEBVRE , Philippe, MOREAU, Pierre |
Publisher | Universite de Liege |
Source Sets | Bibliothèque interuniversitaire de la Communauté française de Belgique |
Detected Language | French |
Type | text |
Format | application/pdf |
Source | http://bictel.ulg.ac.be/ETD-db/collection/available/ULgetd-07072009-210427/ |
Rights | unrestricted, Je certifie avoir complété et signé le contrat BICTEL/e remis par le gestionnaire facultaire. |
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