Pour saisir les contradictions de Péguy, nous proposons de partir du lieu où elles se forment : l’espace politique. Au gré des appartenances idéologiques plurielles de Péguy, nous faisons apparaître une série de « cités », ensembles collectifs à la fois concrets et imaginaires, qui reposent chaque fois sur une certaine idée, contradictoire, de l’individu. Dans la République, dans la « cité socialiste » ou anarchiste, comme ensuite dans la nation, à travers l’idée de « race », ou dans une pensée de la cité chrétienne, l’individu s’avère à la fois le principe fondateur de la cité et l’élément perturbateur qui vient empêcher sa consolidation. Par delà l’évolution du discours politique de Péguy, la même contradiction se recompose et s’aiguise, jusqu’à prendre la forme d’une aporie pratique, dans le rapport concret de Péguy à toute forme de communauté – au premier chef : aux Cahiers de la quinzaine. Cette contradiction maintenue et aggravée conduit à un régime d’écriture « mystique », marqué par la fréquence de l’oxymore et de la prétérition, figures permettant, dans le même mouvement, de dire et de taire, de maintenir la contradiction sans la dévoiler comme antithèse. C’est en particulier la question de la représentation de soi, comme individu inscrit dans une communauté, qui se trouve régie par cette écriture de la contradiction, de l’usage de la première personne grammaticale, au singulier ou au pluriel, à la pratique du pseudonyme, jusqu’au projet de Confessions de Péguy, horizon d’une écriture individuelle toujours indiquée sans être mise en œuvre, afin que soit maintenu son état nécessairement aporétique. / In order to grasp Péguy’s contradictions, we propose to start from where they appear: the political realm. In observing the course of Péguy’s diverse political affiliations, we discover in fact a series of “Cities” – aggregates of people both real and imaginary, the common denominator of which is to rest on a distinct and contradictory idea of the individual. In his Republic, in his socialist or anarchist utopias as is later the case in his ideas of the “nation”, the “race” or the Christian City, the individual appears both as the corner stone of the City and the disruptive element which prevents its strengthening. Beyond the evolution of Péguy’s political discourse, the same contradiction rebuilds and sharpens itself until it becomes a genuine aporia in Péguy’s tangible relationship with any kind of group – first and foremost within the Cahiers de la quinzaine. This persistent and “worsened” contradiction leads to a “mystical” system of writing filled with oxymorons and preteritions – such tropes allowing the writer, in a single gesture, to tell while keeping quiet and to sustain a contradiction without revealing it as an antithesis. This “writing of the contradiction” rules in particular Péguy’s self-representation as an individual included in a community, from the use of pseudonyms and of the first-person singular and plural to Péguy’s Confessions project – horizon of a true writing of the self which is always pointed out but never written, so as to preserve its aporetic nature.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014PA040156 |
Date | 29 November 2014 |
Creators | Vitry, Alexandre de |
Contributors | Paris 4, Compagnon, Antoine |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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