L’œuvre de Samuel Beckett (1906-1989) est traversée de diverses figures du spectateur. Le terme de spectateur désigne le regardeur et le témoin oculaire d’un événement, et s’emploie souvent depuis l’Antiquité, avec une connotation négative soulignant la passivité. Penser « le » spectateur ne vise pas directement les spectateurs effectifs : c’est une manière de reconsidérer cette entité perceptive au niveau de l’idée. « Le » spectateur interroge sur la corrélation entre la position passive et la perceptivité. L’étude ici présentée, au travers de ce spectateur idéal, cherche à mettre au jour la manière dont il soutient, par sa force négative et perceptive, la créativité de Beckett. Il est indéniable que la philosophie rationaliste du XVIIe siècle, notamment celle d’Arnold Geulincx (1624-1669) influe sur la genèse des figures du spectateur beckettiennes. Elles apparaissent d’abord dans le roman, évoluent ensuite dans le théâtre et l’art audiovisuel, et finissent par engendrer les proses poétiques ultérieures pleines d’imagination perceptive. Tout en déjouant adroitement l’intention du philosophe, Beckett reconstitue l’ordre de l’univers fictif selon l’irrationnel, et ce geste donne naissance à une nouvelle forme d’écriture qui se libère des présupposés philosophiques et des conventions littéraires. Chez Beckett, la passivité n’est pas le contraire de l’activité ou la négation de l’acte, mais elle est la capacité à sentir et à percevoir les choses, de façon tout à fait originale et productive. Par leur passivité même, les figures du spectateur beckettiennes agissent sur le contenu, voire la forme même de l’œuvre. / The work of Samuel Beckett (1906-1989) is featured by various figures of “the” spectator. The term of spectator refers the viewer and the eyewitness of an event, and is often used since ancient times, with a negative connotation highlighting passivity. Thinking “the” spectator does not mean directly actual audience in the theatre, but it is a way to reconsider this perceptive entity at the level of the idea. “The” spectator questions the correlation between the passive position and perceptiveness. Through this ideal spectator, our study will try to clarify how it supports, by its negative and perceptive power, creativity of Beckett. It is undeniable that the rationalist philosophy of the seventeenth century, particularly Arnold Geulincx (1624-1669), influences the genesis of Beckettian figures of “the” spectator. They first appear in the novel, then develop in the theatre and audiovisual art, and at last, generate the later poetic prose full of perceptive imagination. By outmaneuvering ingeniously the intention of the philosopher, Beckett reconstructs the order of the fictional world according to the irrational, and this brings about a new form of writing that is free from philosophical presuppositions and literary conventions. In Beckett’s work, the passivity is not the opposite of the activity or the negation of the act, but it is the ability to feel and perceive things, in a way absolutely original and productive. Owing to their very passivity, the figures of “the” spectator act on the content and the shape of the work.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015PA040063 |
Date | 23 June 2015 |
Creators | Miyawaki, Eri |
Contributors | Paris 4, Guénoun, Denis |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | English |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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