Les modèles actuels de perception de la parole suggèrent un couplage étroit entre les rythmes cérébraux, caractérisés par les oscillations neuronales, et le rythme de la parole, permettant de segmenter le flux verbal continu en unités linguistiques pertinentes pour la reconnaissance. En particulier, les modulations lentes d’amplitude de l’enveloppe temporelle de la parole, véhiculant l’information syllabique et prosodique, sont capables d’« entrainer » les oscillations corticales auditives dans la bande de fréquence thêta (4-7 Hz), échantillonnant le signal verbal en unités syllabiques. L’information temporelle qui caractérise la parole joue un rôle fondamental dans l’acquisition et le développement du langage ; un déficit de traitement des indices rythmiques de la parole a d’ailleurs été décrit dans les troubles développementaux du langage. L’objectif de ce travail de thèse était de mieux comprendre les processus neurocognitifs sous-tendant la perception du rythme de la parole naturelle chez l’enfant présentant un développement langagier typique ou atypique (dysphasie) dans trois études. Une première étude en magnétoencéphalographie (MEG) a permis de dévoiler la dynamique corticale oscillatoire chez des enfants francophones neurotypiques (8-13 ans) lors de l’écoute de phrases naturellement produites à un débit normal ou rapide. Nos résultats suggèrent l’existence de deux phénomènes d’« entrainment » des oscillations sur l’enveloppe temporelle de la parole à débit normal, l’un dans la bande thêta au sein des régions auditives droites, l’autre dans une bande centrée sur le débit syllabique moyen des stimuli dans les régions temporales antérieures gauches. Dans la condition de parole rapide, une synchronisation cortico-acoustique a été mise en évidence dans la bande thêta au sein des régions (pré)motrices gauches, reflétant le rôle de la voie dorsale d’intégration sensori-motrice dans les conditions d’écoute difficiles mais aussi dans le développement du langage oral. Les deux études suivantes ont été réalisées chez des enfants présentant une dysphasie expressive (8-13 ans) afin de tester l’hypothèse d’un trouble de traitement du rythme syllabique chez ces enfants, potentiellement sous-tendu par une dynamique corticale oscillatoire atypique. Dans une étude comportementale, nous avons évalué les capacités des enfants dysphasiques à décoder de la parole naturellement produite à débit normal ou rapide, ou accélérée artificiellement. Nous avons montré des performances réduites chez ces enfants, en regard d’enfants neurotypiques, pour traiter des phrases accélérées naturellement et artificiellement, suggérant un déficit d’extraction du rythme de la parole lorsque la fréquence des modulations de l’enveloppe temporelle augmente. Une étude en MEG, identique à celle réalisée chez les enfants neurotypiques, nous a permis d’apporter de premiers éléments en faveur de cette interprétation en révélant un traitement cortical atypique de l’information syllabique dans la dysphasie, qui pourrait rendre compte des troubles phonologiques et morpho-syntaxiques souvent décrits dans ce trouble neuro-développemental. Une synchronisation réduite des oscillations thêta du cortex auditif a ainsi été mise en évidence chez les enfants dysphasiques par rapport à leurs pairs lors de la perception de parole à débit normal. L’absence d’alignement de l’activité oscillatoire des régions prémotrices sur l’enveloppe temporelle des phrases à débit rapide nous a en outre conduit à émettre l’hypothèse d’un dysfonctionnement de la voie dorsale chez ces enfants. Dans l’ensemble, ce travail de thèse fournit donc, pour la première fois à notre connaissance, des preuves expérimentales (i) de la synchronisation entre rythmes corticaux et rythme de la parole naturelle chez les enfants à développement langagier typique et (ii) d’une dynamique oscillatoire atypique lors de la perception de parole à débit normal et rapide chez les enfants dysphasiques. / Current models of speech perception suggest a close correspondence between brain rhythms, characterized by neuronal oscillations, and speech rhythm, which would allow the brain to parse the incoming speech signal into relevant linguistic units for decoding. Slow amplitude modulations in speech temporal envelope, which convey syllabic and prosodic information, have been shown to entrain oscillatory activity of auditory cortex in the theta frequency band (4-7 Hz), sampling the acoustic signal into syllable-sized units. Temporal information in speech is a foundation for oral language acquisition and development; accordingly, deficits in processing speech rhythmic cues have been described in developmental language disorders. This thesis sought to throw light on the neurocognitive processes underlying the perception of natural speech in children with typical and atypical language development (Specific Language Impairment – SLI – or Developmental Language Disorder – DLD) in three experimental studies. In a first magnetoencephalography (MEG) study, we unraveled the oscillatory dynamics in a group of French-speaking typically-developing children aged 8 to 13 years old during listening to naturally-produced sentences either at a normal or fast rate. Our results suggested two types of entrainment of cortical oscillations on the temporal envelope of normal rate speech: the first one occurred in the theta band in right auditory cortex whereas the second one was found in a frequency band centered on the mean syllabic rate of our stimuli in left anterior temporal regions. As to the fast rate condition, we showed cortico-acoustic coupling in the theta band in left (pre)motor areas, reflecting the role of the sensorimotor dorsal pathway in challenging listening conditions as well as in language development. In two other studies, we tested the hypothesis of an impairment to process speech syllabic rhythm, potentially underpinned by atypical oscillatory cortical dynamics, in children with developmental language disorders mainly at the expressive level. In a behavioral study, we examined how French-speaking children with expressive DLD (8-13 years old) processed speech naturally produced at a normal or fast rate, or artificially accelerated. Our results showed poorer performance to decode fast sentences, either accelerated naturally or artificially, in these children as compared to their typically-developing peers, which suggests a deficit in extracting speech syllabic information with increased modulation frequency in the amplitude envelope. The last study, identical to the first one in MEG conducted in typically-developing children, provided the first piece of evidence in favor of this interpretation by showing atypical cortical processing of syllabic information in children with DLD, which may account for the phonological and morpho-syntactic deficits frequently described in this developmental disorder. Reduced alignment of theta oscillatory activity in auditory cortex to normal rate speech has indeed been evidenced in children with DLD as compared to typically-developing children. Lack of synchronization of oscillations in left (pre)motor regions to amplitude envelope of fast rate sentences was also observed, which we interpreted as potential dysfunction of the dorsal stream in this population. To the best of our knowledge, the findings obtained in this thesis therefore provide first experimental evidence for (i) coupling between brain rhythms and rhythm of naturally produced speech in typically-developing children and (ii) atypical oscillatory cortical dynamics underlying normal and fast rate speech in children with developmental language disorders.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017LYSE2139 |
Date | 15 December 2017 |
Creators | Guiraud, Hélène |
Contributors | Lyon, Jerbi, Karim, Boulenger, Véronique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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