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La translocation comme outil de conservation chez le mouflon d'Amérique (Ovis canadensis)

La perte d'habitat, les obstacles à la dispersion et les déclins de plusieurs populations animales soulignent le besoin de techniques d’intervention permettant le maintien et le rétablissement des populations en milieu naturel. Au cours du XXe siècle, la translocation, la libération intentionnelle d’animaux dans le but d’établir ou d’augmenter les effectifs d’une population, est devenue une technique importante dans la gestion des populations animales. Toutefois, les coûts qui y sont associés sont élevés et relativement peu d’études en ont examiné les conséquences comportementales, démographiques et génétiques en milieu naturel. Afin de mieux comprendre les déterminants du succès de cet outil et d’en améliorer les résultats, plusieurs experts ont souligné l’importance de réaliser des suivis post-translocations détaillés au niveau populationnel et individuel.

Mon projet visait à contribuer à la conservation et à la gestion du mouflon d’Amérique (Ovis canadensis) et d’espèces similaires par une meilleure compréhension des processus relatifs à la translocation en milieu naturel. Les objectifs spécifiques de mon projet étaient de : i) quantifier les processus d’acclimatation et d’intégration sociale de mouflons d’Amérique déplacés lors de translocations; et de ii) déterminer l’efficacité de la translocation à des fins de rétablissement génétique et démographique d’une population affectée par un problème de consanguinité.

Pour ce faire, j’ai utilisé les données du suivi à long terme de la population de mouflons d’Amérique de Ram Mountain, en Alberta. Cette population isolée a subi un déclin drastique à la fin du XXe siècle et a eu beaucoup de difficultés à récupérer par la suite. L’augmentation de la consanguinité dans la population et l’absence d’évidence suggérant un rétablissement sans intervention justifiaient l’utilisation de translocations. Ainsi, entre 2002 et 2015, 37 mouflons d’Amérique provenant d’une même population source ont été relocalisés à Ram Mountain.
Utilisant une approche intégrée à l’aide de données sociales, comportementales et morphologiques, j’ai quantifié de manière efficace comment les mouflons relocalisés s’intègrent socialement dans leur nouvelle population et s’acclimatent à leur nouvel environnement. Utilisant des données génétiques, démographiques et morphologiques, j’ai analysé le déclin et le rétablissement génétique dans une population suite à un important déclin démographique et à un programme de renforcement. De plus, j’ai testé l’hypothèse selon laquelle les croisements entre individus résidents et relocalisés auraient comme conséquence une augmentation de la valeur adaptative des agneaux dans une population touchée par un problème de consanguinité.

J’ai détecté une assimilation progressive des mouflons relocalisés dans la population locale grâce à une augmentation graduelle de la centralité à l’intérieur des réseaux sociaux et à une diminution de l'évitement des résidents. Les mouflons déplacés ont passé plus de temps en vigilance et ont augmenté leur vigilance lorsqu’ils formaient des groupes avec un plus grand nombre de résidents locaux. Les mouflons déplacés ont accumulé significativement moins de masse que les résidents pendant le premier été suivant leur translocation. Mes résultats suggèrent que les mouflons relocalisés ont besoin d'au moins un an pour s'habituer à leur nouvel environnement et s'intégrer socialement à la population locale. Mes résultats présentent une rare description des processus sociaux et des coûts physiologiques relatifs à la libération d’animaux ainsi qu'une des premières utilisations des réseaux sociaux pour décrire l’intégration sociale d’individus relocalisés lors d’un programme de renforcement de population en nature.

La chute drastique de la taille de la population à la fin du XXe siècle a entraîné une importante perte d'hétérozygotie et de diversité allélique sur deux générations. Après l’ajout de mouflons provenant d'une autre population, les agneaux descendants de mouflons relocalisés étaient significativement plus lourds au sevrage et avaient une survie plus élevée à l’âge d’un an par rapport aux agneaux non-hybrides. L’hétérozygotie et la diversité allélique à l'échelle de la population ont significativement augmenté après deux générations grâce à l'ajout d’allèles provenant d'individus relocalisés. Mes résultats appuient une littérature croissante en faveur de la translocation en tant qu'outil de conservation en milieu naturel.

Dans l’ensemble, mon projet montre que le suivi post-translocation des individus relocalisés et des populations ciblées, autant au niveau comportemental que génétique, peut fournir des indices sur le succès ou l'échec des programmes de renforcement. L’utilisation d’une approche intégrée combinant différentes composantes de la translocation est une avenue prometteuse pour l’étude des translocations en milieu naturel.

Identiferoai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/11775
Date January 2017
CreatorsPoirier, Marc-Antoine
ContributorsFesta-Bianchet, Marco
PublisherUniversité de Sherbrooke
Source SetsUniversité de Sherbrooke
LanguageFrench, English
Detected LanguageFrench
TypeMémoire
Rights© Marc-Antoine Poirier, Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 2.5 Canada, Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 2.5 Canada, http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/ca/

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