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Propriétés géochimiques et isotopiques des sédiments du détroit de Fram, océan Arctique : implications paléocéanographiques et paléoclimatiques

La circulation océanique est un élément important du système climatique, notamment via les courants de surface, les upwellings et la formation d'eaux profondes. Les flux d'eau douce, glace de mer et courants océaniques, de l'Océan Arctique vers les mers nordiques jouent un rôle critique en ce qui a trait, en particulier, à l'Atlantic Meridional Overturning Circulation (AMOC). Les facteurs contrôlant ces flux, à l'échelle géologique, sont encore partiellement méconnus. Un moyen indirect de retracer l'intensité et les schémas de circulation de la glace de mer est de retracer l'origine des sédiments transportés par la glace de mer, et sédimentés au long des grands courants de glace et d'eau douce vers l'Atlantique Nord. Il s'agit donc de tracer un flux particulaire direct, lié à la matrice des particules détritiques. Un second flux, indirect, provient des éléments dissous dans les masses d'eau, marqués par les processus d'adsorption/désorption le long des marges où les flux particulaires terrigènes sont les plus importants. L'extraction de la phase authigène d'un signal dissous par lessivage spécifique, nous a permis de documenter l'évolution des masses d'eau transitant par le détroit de Fram depuis le dernier maximum glaciaire. Dans les deux premiers volets de notre étude, nous avons analysé la composition géochimique et les isotopes de Pb, Nd et Sr d'échantillons de surface prélevés le long d'un transect NE-SO dans le détroit de Fram. Ces analyses ont permis de définir trois domaines sédimentaires distincts : l'extrême est du détroit (i.e. la marge continentale du Svalbard), la partie est du détroit et enfin, la partie ouest du détroit. La marge continentale du Svalbard est sous l'influence des apports sédimentaires proximaux du Svalbard. La partie est du détroit reçoit du matériel sédimentaire des mers nordiques et possiblement des marges russes (e.g. mer de Barents et mer de Kara). Enfin, la partie ouest du détroit est sous l'influence des courants océaniques en provenance de l'océan Arctique. La carotte MC16, située dans le centre du détroit, est sous l'influence principale des masses d'eaux et de la glace de mer arctiques malgré et remonte jusqu'au dernier maximum glaciaire. Des recirculations dans la mer du Groenland peuvent influencer le régime courantologique du détroit de Fram, notamment lorsque ces gyres s'étirent vers le nord en période interglaciaire. Les sédiments de cette carotte (MC16) ont été lessivés afin de récupérer les fractions détritique (résidus) et échangeable (lessivats). La composition élémentaire des sédiments du détroit de Fram a permis de répartir les éléments en trois groupes : terrigènes, biogéniques et authigènes. La matière organique délivrée de manière discontinue aurait, par modifications des conditions d'oxydo-réduction, entraîné la redistribution de certains éléments tels que le manganèse et le molybdène. Le fer quant à lui, présente une mobilité moins importante que celle du manganèse et ne semble pas avoir subi de redistribution majeure. Le plomb et le néodyme incorporés dans les hydroxydes de fer n'auraient été que peu ou pas redistribués, validant ainsi la pertinence des analyses de lessivats le long de la colonne sédimentaire. Les rapports 206Pb/204Pb et 208Pb/206Pb ainsi que les isotopes de Nd et Sr de la fraction détritique définissent deux tendances (A et B) correspondant respectivement aux intervalles pre- et post-Dryas Récent. Une revue de la littérature nous a permis d'identifier la signature isotopique de trois sources majeures d'Ice Rafted Detritus (IRD), les marges continentales russes, canadiennes et groenlandaises. La tendance A (pré-Dryas Récent) reflète l'influence des marges canadiennes et des marges russes occidentales (mers de Barents et de Kara), régions occupées alors par de larges calottes de glace : les calottes Laurentienne et Innuitienne en Amérique du Nord et la calotte Eurasienne de la Scandinavie aux mers de Barents et Kara. Une excursion isotopique est enregistrée à ~19.8 ka BP et présente une composition isotopique vers le pôle russe, suggérant quelques instabilités de la calotte Eurasienne. Les échantillons de l'Holocène présentent des compositions isotopiques moins variables provenant de sources plus diverses : les marges canadiennes, les marges des mers Est Sibérienne et de Chukchi ainsi que des marges groenlandaises. L'intervalle du Dryas Récent (~12.9-11.6 ka BP) est marqué par une excursion isotopique vers le pôle canadien suggérant un drainage via l'océan Arctique du lac proglaciaire Agassiz. La composition isotopique de la fraction lessivable est liée aux processus d'échange de surface (boundary exchange processes), aux sites à flux particulaire élevé. Les masses d'eau acquerraient leur signature isotopique par échange avec les flux particulaires le long des marges continentales canadiennes et russes. Cette étude illustre la complémentarité des informations issues de l'analyse des fractions héritées (résidus) et échangeables (lessivats) dans les sédiments du détroit de Fram. Dans le troisième chapitre, nous nous sommes plus particulièrement intéressés au Dryas Récent, épisode froid de la dernière déglaciation qui s'est produit entre 12.9 et 11.6 ka BP. Cet événement est un des mieux documentés à l'égard de son impact climatique. Un drainage du lac proglaciaire Agassiz dans l'Atlantique Nord, via le Saint-Laurent, est fréquemment évoqué comme cause du Dryas Récent. Cet apport d'eau douce dans l'Atlantique Nord aurait provoqué un ralentissement de l'AMOC et donc un refroidissement aux moyennes et hautes latitudes de l'hémisphère nord. Toutefois, un passage par le nord via la rivière Mackenzie aurait été plus efficace pour ralentir l'AMOC. L'étude de deux carottes prélevées dans le centre du bassin Arctique (Ride de Lomonosov) et dans le détroit de Fram a mis en évidence une forte augmentation de la sédimentation lors du Dryas Récent. Ce matériel sédimentaire présente une signature similaire à celle des marges canadiennes. Nos résultats confirment l'hypothèse d'un événement paléocéanographique dans l'Arctique durant le Dryas Récent et révèlent également de profonds changements de la circulation arctique suite à cet événement. Le changement de source des IRD après le Dryas Récent suggère une modification de la circulation de la glace de mer.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Océan Arctique, Paleocéanographie, Sédiments, Isotopes Radiogéniques

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5071
Date09 1900
CreatorsMaccali, Jenny Marianne
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
Detected LanguageFrench
TypeThèse acceptée, NonPeerReviewed
Formatapplication/pdf
Relationhttp://www.archipel.uqam.ca/5071/

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