La présente étude tente de cerner la place qu'occupe l'emploi dans la vie des femmes judiciarisées. Pour mieux situer celle-ci, nous avons privilégié quatre grands concepts. La première notion, la désaffiliation de Robert Castel, permet de comprendre le processus menant un individu à vivre en marge de la société à la suite d'une série de décrochages tant sur le plan professionnel que relationnel. Les instances gouvernementales dont les services correctionnels, utilisent le deuxième concept, celui de l'employabilité, comme instrument "objectif" pour mesurer les compétences d'un individu. Par ailleurs, puisque la responsabilité individuelle demeure centrale avec ces concepts, il devient alors nécessaire, pour remettre en contexte cette autonomisation de l'individu, d'utiliser une notion troisième notion, celle du travail marginal, pour comprendre l'effet de la restructuration dans l'organisation du travail sur les gens et finalement, la féminisation du travail qui permet de regarder la situation des femmes, collectivement, sur le marche du travail.
Plus spécifiquement, nous avons rencontré, grâce à un échantillonnage par cas multiples, douze femmes dans le cadre de leur sentence d'incarcération provinciale1 aux deux centres de détention québécois pour femmes. Nous avons également cru bon ajouter à notre collecte de données des entretiens exploratoires, de type semi-dirigé, avec cinq intervenants du milieu carcéral spécialisés dans le domaine des femmes et de l'emploi. Nous avons privilégié la méthode de recherche qualitative qui offre la possibilité de rendre compte de la complexité des processus et de la spécificité de chacune des participantes. Cette méthode nous a permis d'analyser notre matériel empirique de façon thématique.
Nos principaux résultats démontrent qu'avant leur détention, les femmes rencontrées tiraient leurs revenus de différentes sources: notamment de l'économie informelle par la criminalité ou le travail du sexe. Leur revenu pouvait également provenir d'un travail salarié. Toutes ont dit avoir déjà occupé un travail légal à un moment ou à un autre de leur vie. Les types d'emploi variaient énormement se situant principalement dans le secteur tertiaire donc le secteur des services. Ce dernier est généralement peu stimulant, mal rémunéré, rarement syndiqué et offre peu ou pas d'avantages sociaux. Souvent considéré secondaire dans leur échelle de priorités, le travail leur servait principalement à combattre l'ennui.
La majorité des participantes travaillaient également pendant leur période de détention. Elles considèrent en grande partie ce travail futile pour leur avenir. Toutefois, celui-ci a permis à quelques-unes, soit les plus démunies sur le plan scolaire et professionnel, de reprendre confiance tout en leur permettant de réaliser un projet et de le rendre à terme.
Une fois libérées, les femmes ont souvent dit percevoir la recherche d'emploi comme une source d'anxiété et d'inquiétude. En effet, elles doivent traverser une série d'obstacles pour se trouver et maintenir un emploi comme certaines lacunes personnelles, des contraintes liées au marche du travail ou du processus de justice pénale. Conséquemment, à la suite de leur détention, les femmes judiciarisées utilisent des stratégies pour tenter de pallier ces effets néfastes et ce, à différentes étapes du processus de recherche d'emploi. De plus, elles ont proposé quelques pistes de solutions pour faciliter leur embauche dont la mise sur pied de centres de main-d'oeuvre spécialisés pour la clientèle féminine judiciarisée, la conscientisation des employeurs qui entretiennent des préjugés défavorables à leur égard et finalement, l'accès à plus d'entreprises d'insertion pour leur permettre une intégration graduelle dans le monde du travail. Doublement marginalisées parce qu'à la fois minoritaires et ex-détenues; pour elles, le marché du travail peut parfois leur sembler une réalité inaccessible.
1Sentence de deux ans moins un jour.
Identifer | oai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/27414 |
Date | January 2006 |
Creators | Renière, Cynthia |
Publisher | University of Ottawa (Canada) |
Source Sets | Université d’Ottawa |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thesis |
Format | 178 p. |
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