Si la catastrophe est spontanément associée à des pertes humaines, à des dommages, elle a également une dynamique propre et une dimension sociopolitique, même si nous avons souvent tendance à l'ignorer. La catastrophe est en effet capable d'« ébranler» les systèmes existants, les constructions humaines économiques, sociales et politiques en causant des altérations dans les rapports sociaux ou politiques. L'étude d'une catastrophe peut nous permettre de mieux comprendre la nature de ces systèmes et de ces rapports. Dans ce sens, les tremblements de terre de 1999 en Turquie constituent un objet d'étude intéressant.<br /><br />Deux séismes majeurs, le 17 août et le 12 novembre, ont touché la région de Marmara qui est considérée comme le bassin industriel du pays, causant la mort de près de 18 000 personnes. Les difficultés de l'État à mener des opérations de secours et de sauvetage suite à la catastrophe, à gérer l'aide humanitaire indispensable pour les victimes, ainsi que la mise en évidence du dysfonctionnement des mécanismes de contrôle des constructions, des problèmes posés par la corruption à différents niveaux de responsabilité, ont engendré une vive réaction au sein de la société turque. Le séisme du 17 août a également suscité une forte mobilisation des organisations non-gouvernementales et des volontaires indépendants, à une échelle jamais vue dans l'histoire de la république turque. Dès lors, la catastrophe est devenue une occasion pour critiquer les dysfonctionnements du système et de la classe politique. Tout en prononçant des discours critiques à l'égard de « l'Etat », les médias ont fait état du « réveil de la société civile turque » et annoncé un changement sociopolitique profond dans un futur proche : « rien ne serait plus comme avant ».<br /><br />Cette recherche (qui a nécessité deux études sur terrain et un long travail dans les archives de presse) montre que si les séismes de 1999 constituent un événement singulier, ils s'inscrivent également dans la longue liste des séismes majeurs survenus depuis 1939, à la suite desquels le même jeu discursif apparaît : les différents acteurs mettent en avant leurs propres versions de l'événement en fonction de leurs intérêts. Nous voyons clairement que la catastrophe est une construction sociale sur laquelle le contexte sociopolitique est déterminant. En deuxième lieu, l'étude des séismes de 1999 ainsi que des 14 séismes majeurs précédents nous permettent de réaliser une analyse sociopolitique de la Turquie contemporaine. L'analyse des discours médiatiques post-catastrophes nous aident à décrire la nature des rapports de pouvoir, la disposition des acteurs dans le contexte politique turc, le fonctionnement du système, de même qu'ils offrent une base solide pour réfléchir sur la transformation de la société turque.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00222781 |
Date | 17 December 2007 |
Creators | Akgungor, A. Caglar |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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