Ce travail s’ancre dans une démarche compréhensive des expériences individuelles du quotidien carcéral. De nombreux entretiens semi-directifs réalisés auprès de différents acteurs des prisons (personnes détenues, personnels de surveillance, CPIP, membres de la direction) constituent les principales références et sources de cette recherche ; c’est en cela qu’ils sont présentés et donnés à lire au même titre que le développement qu’ils nourrissent. Cette enquête tend à comprendre et à montrer que, si la prison a des conséquences désocialisantes et désaffliantes pour les personnes détenues, le drame social de la prison se joue avant tout dans les nouvelles formes de sociabilité qu’elle induit. Le concept de « théâtre carcéral », fil rouge de ce travail, permet notamment de saisir et de questionner les logiques de « représentation » et de « rôles » (Cf. Erving Goffman) qui sont au cœur des interactions entre les différents acteurs sociaux des prisons ; ces « rôles » sont entendus comme les attentes, les fonctions et les comportements qui sont induits par le statut interne de chaque acteur (qu’il soit CPIP, surveillant ou «détenu»). Malgré des micro « sorties de rôles » et l’existence de nombreuses pratiques d’entraide et de convivialité en détention, les logiques interactionnelles du « théâtre carcéral » restreignent les formes de « présentation de soi » de chaque acteur aux yeux des autres, et dévoilent une appréhension généralisée de la relation à l’autre comme un risque. Ce travail pose l’art, dans le cadre d’expériences artistiques collectives, comme possibilité de sortir du « théâtre carcéral » pour les personnes détenues, et de (re)créer du « commun » à l’intérieur de la détention, mais aussi entre l’intérieur des prisons et l’extérieur. Cette proposition est illustrée par l’expérience-exposition « Des traces et des Hommes. Imaginaires du château de Selles », réalisée au CD de Bapaume à l’initiative du musée des beaux-arts de Cambrai en 2016. Il s’agit de montrer que les expériences artistiques se distinguent d’autres activités proposées en détention, dans la mesure où elles permettent aux personnes de construire un interstice dans lequel explorer des possibilités de vie (ensemble), et de se (re)connaître dans l’expression créative de leurs individualités ; l’engagement individuel au sein d’un collectif peut en cela changer la donne en termes de rapport à l’autre, en détention d’abord puis dans la perspective de la sortie de prison. / This investigation is based on a comprehensive approach to individual experiences of prison. The methodology includes many semi-structured interviews with various social actors in prison (inmates and prison administration staff). These testimonies are presented as part of the analysis. The purpose of this investigation is to demonstrate that the experience of prison involves generating new forms of sociability, in addition to having “de-socialising” and “disaffiliating” consequences for detained people. The concept of “prison theatre” is an interesting guideline for understanding the logics of “representation” and “roles” that are at the centre of social interactions in prison (Cf. Erving Goffman’s dramaturgical analysis approach). The potency of the established and expected “roles” in prison (as “inmate” or as “prison guard” for example) reduces the forms of “presentation of Self” and of socialization among the different social actors in prison. This work proposes collective arts experiences as a way out of the “prison theatre” for detained people and as an opportunity to create a common living world inside the prison and between “inside” and “outside”. Such a proposition is illustrated by the experience-exhibition “Traces and Humans: imaginations of the castle of Selles” initiated in 2016 by the Museum of Cambrai in the prison of Bapaume. This experience raises the power of art as a universal language which allows the possibility for inmates to express themselves inside the prison, to have contact with the “outside world” and to feel like they are still taking part in the society.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2019LIL3H011 |
Date | 04 April 2019 |
Creators | Stathopoulos, Alexia |
Contributors | Lille 3, Lassus, Marie-Pierre |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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