Les troubles du spectre autistique (TSA) sont caractérisés par des déficits en matière d'interaction sociale réciproque, de communication verbale et non verbale ainsi que par des intérêts, activités et/ou comportements restreints, répétitifs et/ou stéréotypés (American Psychiatric Association, 2000). Les différentes hypothèses et théories cognitives et comportementales avancées pour décrire le profil des individus présentant un TSA sont exposées en parallèle aux recherches portant sur la description génétique et neurobiologique. Les études présentées permettent de proposer un nouveau regard sur le profil sociocognitif des jeunes présentant un TSA ainsi que sur le développement typique. Les hypothèses et théories actuelles sont évaluées à l'aide de méthodes novatrices dans une modalité peu étudiée chez les TSA, soit la perception musicale. De plus, de nouveaux concepts sont introduits : le fonctionnement audiotemporel et audioconstructif. La première étude s'inscrit dans le courant des écrits documentant un déficit de théorie de l'esprit chez les personnes ayant un TSA (Baron-Cohen, Leslie & Frith, 1985), travaux qui ont motivé des recherches sur différents aspects de l'interaction et la communication sociales dont la reconnaissance des émotions (Hobson, 2005). Il paraît contradictoire que des individus limités dans la reconnaissance des émotions puissent apprécier les qualités émotionnelles transmises par la musique. Afin de mieux comprendre ceci, nous évaluons la reconnaissance des émotions musicales (joie, tristesse, peur et quiétude) chez des enfants et des adolescents présentant un TSA. La reconnaissance de la peur est évaluée en raison du lien postulé entre un dysfonctionnement de l'amygdale et le TSA (Baron-Cohen et al., 2000) et du rôle de l'amygdale dans la perception de la peur (Adolphs, Tranel, Damasio, & Damasio, 1994, 1995). En contrôlant l'effet du quotient intellectuel verbal, les résultats indiquent que des représentations musicales de la peur et de la quiétude peuvent être reconnues par des adolescents présentant un TSA et ne permettent donc pas de soutenir la théorie d'un dysfonctionnement de l'amygdale au plan perceptuel dans la modalité musicale. En outre, les résultats précisent et bonifient ceux de Heaton, Hennelin et Pring (1999) selon lesquels la reconnaissance de la joie et de la tristesse en musique est normale chez les TSA. Une absence de différence de groupe est également rapportée pour les jugements d'intensité des émotions présentées. Les résultats suggèrent que les participants présentant un TSA sont plus confiants de leurs réponses lorsqu'elles sont appropriées (vs erronées). Les jugements d'intensité et de confiance sont novateurs en modalité musicale dans les TSA. Ainsi, cette première étude indique que la reconnaissance des émotions musicales n'est pas atypique dans les TSA. Après avoir abordé les aspects émotionnels reliés à la reconnaissance musicale, nous abordons la sphère cognitive dans notre seconde étude. L'hypothèse d'une supériorité pour le traitement des détails proposée par les théories de fonctionnement perceptuel exacerbé (Mottron, Dawson, Soulières, Hubert, & Burack, 2006) et de la cohérence centrale (Happé & Frith, 2006), s'appuie notamment sur une force pour le traitement visuospatial et visuoconstructif pour les individus présentant un TSA (Happé, 1999). Happé suggère qu'un style cognitif différent décrit les individus présentant un TSA. Dans la modalité auditive, un traitement des détails incluant la perception et la mémoire des fréquences sonores ou des notes musicales serait dans la norme, voire supérieur, pour des individus présentant un TSA (Bonnel et al., 2003, 2010; Heaton, Hermelin, & Pring, 1998). Pour évaluer le traitement musical global, les participants ont complété un casse-tête musical avec et sans modèle. Nous soutenons que la réalisation de cette tâche sollicite à la fois le fonctionnement audiotemporel et audioconstructif, concepts novateurs que nous proposons comme analogues à ceux du fonctionnement visuospatial et visuoconstructif. Nos résultats indiquent que la présence d'un modèle favorise la création de structures musicales cohérentes dans le groupe de participants présentant un TSA ainsi que pour les participants contrôles. Avec et sans modèle, la performance des participants présentant un TSA n'est ni exceptionnelle ni déficitaire, ce qui indique un traitement de la structure musicale globale et un fonctionnement audiotemporel et audioconstructif adéquats dans les TSA. Ces résultats sont en corrélation positive avec la performance à la tâche de perception musicale de la première étude mais, lorsque les groupes sont considérés séparément, cette corrélation est significative pour le groupe contrôle seulement. Ces résultats sont discutés à la lumière de la théorie d'empathie-systématisation (Baron-Cohen, 2009 ; Baron-Cohen et al., 2005) qui englobe les trois critères diagnostiques des TSA en une seule explication. En somme, ces deux études militent en faveur de l'identification et la valorisation des forces relatives au sein du profil des individus présentant un TSA. Nous suggérons que le traitement musical est une de ces forces comparativement à d'autres sphères où ces individus présentent des déficits. Nous discutons des différentes applications des résultats, notamment pour des interventions telles que les thérapies musicales, et des avenues à explorer dans des recherches futures.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Trouble du spectre autistique, reconnaissance des émotions, perception de la musique, production et reproduction de structures musicales.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.4127 |
Date | 04 1900 |
Creators | Quintin, Ève-Marie |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/4127/ |
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