« Liberté et libertinage » ce sont là les deux thèmes qui déterminent mon projet. Ces termes apparaissent comme décisifs, significatifs pour aborder la littérature de la fin du XVIIème siècle et du début du XVIIIème siècle, période réputée pour son atmosphère de réflexion philosophique et aussi de relâchement des mœurs et de rupture avec les normes. Le libertinage apparaît alors comme une entreprise de libération et d’autonomie de la pensée et du comportement qui renie la soumission et sur laquelle les libertins ne cessent pas de s’interroger. C’est sur ce fond de remise en question générale que je me propose de placer l’œuvre de Robert Challe. Dès 1710-1712, période de la rédaction des Difficultés sur la religion, jusqu’en 1721, date de la parution sans doute posthume de son Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales, en passant entre-temps par la Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de la Manche (1713), Les Illustres Françaises (1713), les Mémoires (1716) et la Correspondance (1715-1718), Challe prend position, à travers une critique véhémente de la religion, dans le débat de son temps et la mise en question qui le caractérise. Tous ses ouvrages expriment, loin des disciplines et des assurances du classicisme, les doutes et les inquiétudes d’un homme en quête de lui-même et de sa liberté et qui a vécu avec intensité la « crise de conscience » de son temps. Dans l’œuvre de Challe, la recherche de la liberté sert de justification dans les domaines interdits, notamment dans celui de la contrainte morale et religieuse qui écrase les aspirations naturelles de l’homme. Le libertinage lui-même ne constitue-t-il pas l’une des attitudes de rivalité et d’opposition qui anime toute l’œuvre et qui se répand dans toutes les directions ? Challe remet en doute et en question l’ordre établi, et c’est ainsi, peut-être, que la question de la liberté surgit. Robert Challe se fait une doctrine sur mesure et illustre une idée majeure : nous devons nous libérer et jouir de notre liberté par une création littéraire stimulante qui conduit à passionner le lecteur pour la liberté. Tout le mouvement littéraire de son œuvre semble indiquer que le libertinage consiste notamment dans le fait de se soustraire aux autorités abusives, qu’elles soient parentales, sociales et surtout religieuses. L’individu n’est plus sous la puissance de Dieu ou sous une quelconque autorité, au contraire il est le maître de sa vie. Il connaît le bien et le mal et peut se porter à l’un ou à l’autre, selon son libre choix. Il est pernicieux de croire en la doctrine de la grâce et de la prédestination qui considèrent les actions humaines comme inutiles et favorisent ainsi les actions criminelles. Il vaut donc mieux faire confiance aux actions libres des hommes. Challe insiste également sur l’idée que l’homme est libre même devant sa passion amoureuse. L’amour de l’autre est une source d’énergie, le sentiment est jugé plus utile que dangereux. Ainsi Challe prend nettement conscience de la liberté de l’homme. Dès lors, la croyance en la liberté humaine devient une véritable passion non seulement pour Challe philosophe, voyageur ou romancier, mais également pour Challe en tant qu’individu. Il critique tous ceux qui jugent illusoire le sentiment, universellement partagé d’après lui, de la liberté et s’en prend notamment à l’Eglise. Le libertinage s’associe également à l’exaltation du plaisir physique et de l’instinct naturel. Le désir fait partie de la nature humaine et Challe n’en ignore pas l’importance. L’apogée de cette thématique est atteinte dans l’épisode de la veuve qui désacralise le mariage et s’abandonne en secret à Dupuis. / Freedom and “libertinage” are the two themes that shape my project. These terms appear as decisive and meaningful to approach the literature from the late seventeenth century and early eighteenth century, a period known for its atmosphere of philosophical thinking and also loosening of morals and breaking with the standards. “Libertinage” appears as an enterprise of liberation and independence of thought and behaviour that refuse obedience and on which the libertines do not stop questioning. It is against this background of general questioning that I intend to place the literary work of Robert Challe. From 1710-1712, the period of writing the Difficultés sur la religion until 1721, date of the probable posthumous publication of his Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales, going, in the meantime, through the Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de la Manche (1713), Les Illustres Françaises (1713), the Mémoires (1716) and the Correspondance (1715-1718), Challe adopts a definitive position, through a vehement criticism of religion in the debate of his time and the questioning that characterizes it. All his works reflect, away from disciplines and insurance of classicism, the doubts and anxieties of a man in search of himself and of his freedom and who lived with the current “crisis of conscience” of his time. In the literary work of Challe, the quest for freedom serves as justification in the prohibited areas, including that of religious and moral constraint that overrides the natural aspirations of mankind. Isn’t “libertinage” itself one of the rivalry and opposition attitudes that animates the whole work and spreads in all directions? Challe challenges and questions the established order, and this is, perhaps, how the question of freedom arises. Robert Challe creates and adjusted doctrine and illustrates a key idea : we must free ourselves and enjoy our freedom in a stimulating creative writing, which leads the reader toward a fascination freedom. The whole literary movement of his work suggests that such “libertinage” lies in the act of escaping the abusive authority, whether parental, social and especially religious. The individual is no longer under the power of God or under any authority : he is, on the contrary, mastering his own life. He knows good from evil and is it up to him to choose one or the other. It is pernicious to believe in the doctrine of grace and predestination which consider human actions as unnecessary and thus encourage criminal actions. It is better to trust the free actions of men. Challe also emphasizes the idea that man is free even before his amorous passion. The love of others is a source of energy, the feeling is considered more useful than dangerous. Thus Challe is clearly conscious of the freedom of man. Therefore, the belief in human freedom becomes a passion not only for Challe as a philosopher, traveller and novelist but also for Challe as an individual. He criticizes those who regard as illusory the sense of freedom that he considers as a universally shared value and attacks the Church in particular. The libertine is also associated with the exaltation of physical pleasure and natural instinct. The desire is part of human nature and Challe does not ignore its significance. The climax of this issue is reached in the episode of the widow who desecrates marriage and abandons herself secretly to Dupuis.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2009PEST0067 |
Date | 17 December 2009 |
Creators | Cohut, Bronislava |
Contributors | Paris Est, Artigas-Menant, Geneviève |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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