La gustation est un sens essentiel à tous les animaux, leur permettant de détecter aussi bien des substances à valeur alimentaire (sucres, sels, lipides, acides aminés) que des substances potentiellement toxiques dissoutes en solution aqueuse ou adsorbées sur des surfaces (feuille, cuticule). Contrairement à l'olfaction qui détecte des substances volatiles diffusées dans l'air ambiant, la gustation est étroitement liée à une localisation spatiale des stimuli, impliquant un positionnement très précis de l'organe sensitif. Ces contraintes fonctionnelles impliquent une structuration complètement différente des centres nerveux traitant les informations issues de ces récepteurs chimiques. Dans le cas de l'olfaction, les projections des récepteurs olfactifs sont clairement chimiotopiques, les afférences olfactives se regroupant sur des zones de convergence en fonction des récepteurs membranaires exprimés dans les neurones olfactifs. Dans le cas de la gustation, les projections des récepteurs gustatifs seraient étroitement associées aux projections des mécanorécepteurs, selon une organisation somatotopique. Par rapport au système olfactif, les connaissances sur le fonctionnement du système nerveux gustatif chez les insectes sont restées en retrait, essentiellement à cause des difficultés inhérentes à la caractérisation des projections et à la difficulté de déterminer si à la somatotopie se superpose une chimiotopie. Nous avons étudie le système gustatif associé aux antennes de lépidoptères, en prenant pour modèle la noctuelle du coton Spodoptera littoralis. Les récepteurs gustatifs des antennes sont impliqués dans différents comportements, comme l'ont montré notamment des protocoles d'apprentissage associatif. Cet organe est remarquable chez les lépidoptères car il est dépourvu de muscles (à l'exception de la base) et caractérisé par la duplication de segments homologues (les segments antennaires) portant une distribution d'organes olfactifs et gustatifs identique de segment à segment, avec néanmoins des différences progressives en allant de la base vers l'extrémité. Nous avons abordé d'abord l'aspect fonctionnel des neurones en caractérisant par des techniques électrophysiologiques le spectre de réponse de ces neurones gustatifs à l'aide de stimuli simples (sucres, sels, acides aminés, composés amers). Dans une deuxième phase du travail, la structuration du système antennaire a été abordée par des marquages cellulaires à la neurobiotine de sensilles gustatives individuelles. Ce travail a été précédé par une cartographie précise de la localisation des sensilles gustatives à la surface de l'antenne, par microscopie électronique à balayage. La caractérisation des projections a nécessité l'utilisation d'outils de reconstruction 3D de manière à pouvoir estimer la constance des projections issues de récepteurs homologues entre différents insectes et à estimer la distribution spatiale des projections issues de neurones différents chez le même insecte. L'antenne de l'espèce S. littoralis est constituée de 3 parties : le scape, le pédicelle et le flagelle. Seul le flagelle, qui est constitué d'environ 70 segments, porte des sensilles gustatives. Chaque segment a une partie ventrale et une partie dorsale. Au niveau de la partie ventrale on trouve 4 sensilles gustatives: 2 latérales et 2 médiales. Les premiers segments situés à la base de l'antenne sont dépourvus de sensilles médiales. On commence à les observer à partir des 6ème-7ème segments à la base de l'antenne. Au niveau du dernier segment situé à l'extrémité, on observe une couronne de sensilles gustatives (6 ou 7). La partie dorsale de l'antenne est couverte d'écailles, mais on peut observer 2 sensilles gustatives médiales au niveau de chaque segment sauf pour les segments situés à la base de l'antenne. Chaque sensille contient 4 neurones gustatifs et un mécanorécepteur. Les males et les femelles présentent des neurones gustatifs qui sont stimulés par les sucres et le sel. Il n'y a pas de différences de sensibilité au long de l'antenne. Chez les femelles, les sensilles gustatives présentes sur la partie dorsale de l'antenne répondent de façon plus faible aux stimuli que celles présentes sur la partie ventrale. Les réponses sont généralement plus faibles chez les mâles que chez les femelles. Les marquages neuronaux nous ont permis d'identifier 4 zones de projection. Deux zones sont dans le deutocérébron: le centre moteur et mécanosensoriel de l'antenne (CMMA) et une zone située postérieurement par rapport aux lobes antennaires. Les deux autres zones sont dans le complexe tritocérébron/ganglion sous-oesophagien. La zone de projection deutocérébrale postérieure aux lobes antennaires n'a jamais été décrite auparavant. Etant donné qu'une sensille gustative contient plusieurs neurones, dont un mécanorécepteur, et que chacun de ces neurones répond à des substances différentes, on présume que les zones de projection décrites présentent des différences fonctionnelles. Les méthodes d'analyse utilisées ne nous ont pas permis de déceler de projections somatotopiques des neurones provenant des sensilles gustatives situées a des endroits différents sur l'antenne. Cependant, on ne peut pas exclure qu'une analyse plus fine de ces projections pourrait révéler une forme de somatotopie. L'antennation est un comportement fréquent avant l'accouplement ou la ponte ; le rôle des récepteurs gustatifs dans ce type de comportement reste cependant mal connu. Pour une meilleure interprétation de nos résultats sur le codage neuronal et les projections au niveau du système nerveux central des sensilles gustatives situées au niveau des antennes, il faudra étudier plus précisément le rôle des antennes dans l'accouplement, la détection de la plante hôte et la ponte.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:pastel.archives-ouvertes.fr:pastel-00004445 |
Date | 02 December 2008 |
Creators | Popescu, Alexandra Luminita |
Publisher | AgroParisTech |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
Page generated in 0.0028 seconds