La recherche sur le comportement politique a souvent privilégié les données provenant des cultures occidentales, mais cette approche risque d’occulter les subtilités du comportement humain en dehors de ce cadre. Les chercheurs risquent ainsi de tomber dans le piège de généraliser à partir de contextes spécifiques, ce qui peut conduire à des conclusions erronées. Cette thèse aborde cette problématique en examinant les attitudes et les comportements politiques en Asie de l’Est à travers le prisme de la culture confucéenne. Son objectif principal est d’interroger certaines idées établies sur le comportement politique afin d’évaluer leur pertinence au-delà des frontières occidentales. Cette thèse est composée de trois chapitres empiriques distincts. Chacun d’entre eux aborde un domaine spécifique où la culture peut exercer son influence.
Le premier chapitre empirique (chapitre 2) se penche sur le biais de négativité dans les attitudes des citoyens envers l’autorité politique. Il est bien établi que les évaluations politiques des citoyens sont plus fortement influencées par des perceptions négatives que positives des caractéristiques, des événements et des résultats politiques. Dans ce chapitre, j’avance l’idée que la culture joue un rôle crucial mais souvent sous-estimé dans ces biais de négativité. Une analyse multiniveau utilisant la World Values Survey (WVS) met en lumière que le biais de négativité dans la satisfaction à l’égard des gouvernements nationaux diminue à mesure que le niveau de collectivisme dans une société augmente. En outre, j’explore l’impact des valeurs culturelles au niveau individuel en m’appuyant sur les données de l’Asian Barometer Survey (ABS). En accord avec les résultats de la WVS, je constate que le collectivisme atténue l’asymétrie négative-positive lorsque les citoyens évaluent l’autorité politique en fonction des performances gouvernementales. Ces découvertes soulignent l’importance de la prudence lorsqu’il s’agit de généraliser le biais de négativité comme un modèle décrivant uniformément les attitudes des citoyens envers l’autorité politique à travers le monde.
Le deuxième chapitre empirique (chapitre 3) plonge dans le phénomène du biais de négativité dans la construction de la confiance généralisée, soit la confiance que les individus accordent aux membres de la société. Les études antérieures ont démontré que la confiance est relativement facile à ébranler, mais difficile à instaurer. Toutefois, je soutiens dans ce chapitre que la littérature sur le biais de négativité est ancrée dans des hypothèses individualistes et néglige les contextes collectivistes. À travers une expérience en ligne préenregistrée réalisée en Chine, je constate que l’exposition à des informations négatives sur le manque de fiabilité d’autres membres de la société a un impact plus marqué sur la confiance généralisée que l’exposition à des informations positives équivalentes sur la fiabilité de ces individus. Cependant, l’effet asymétrique de l’information sur la confiance est conditionné par les valeurs culturelles auto-attribuées par les participants. Les individus aux valeurs collectivistes élevées montrent moins de biais de négativité dans le processus de formation de la confiance. Ces résultats éclairent le rôle de la culture dans la compréhension de la dynamique de la confiance et appellent à une exploration plus approfondie des influences culturelles sur le biais de négativité.
Le troisième chapitre empirique (chapitre 4) explore l’écart de participation électorale entre hommes et femmes. En Asie de l’Est, la participation politique des femmes n’a pas évolué au même rythme que le développement économique de la région. Cet écart est souvent imputé à l’influence de la culture confucéenne qui met l’accent sur la hiérarchie, l’ordre et l’obéissance. Toutefois, ce chapitre nuance cette perspective en mettant en avant comment certains aspects du Confucianisme, tels que la méritocratie, peuvent en réalité renforcer le rôle des femmes dans la société moderne en Asie de l’Est. Centré sur le contexte chinois, notamment sur l’institution historiquement significative du système d’examen civil (keju) basée sur Confucius, ce chapitre met en lumière l’impact durable des héritages méritocratiques sur les comportements contemporains. À l’aide de données provenant d’archives historiques et de la China General Social Survey, je découvre une corrélation négative entre les performances des ancêtres d’une préfecture aux examens keju et l’écart entre les sexes dans la participation aux élections villageoises contemporaine.
Cette thèse contribue à notre compréhension de la relation entre la culture et l’engagement politique des citoyens. En se concentrant spécifiquement sur l’Asie de l’Est, cette étude représente l’une des rares investigations visant à étudier empiriquement l’influence culturelle sur les attitudes et les comportements politiques dans cette région. En plaidant en faveur d’une recherche qui va au-delà des échantillons “WEIRD”, elle ouvre la voie à de futures investigations dans des contextes globaux, ce qui permettra de développer des perspectives plus inclusives et nuancées dans le domaine de la recherche sur le comportement politique. / The political behavior literature has traditionally centered on data from Western cultures, but this tendency risks overlooking the complexities of human behavior outside the Western sphere. Researchers might fall into the trap of the exception fallacy when they propose generalized theory based on specific contexts. This dissertation addresses this issue by examining political attitudes and behaviors in East Asia through the lens of the Confucian culture. Its primary aim is to interrogate established theories of political behavior to determine their applicability beyond Western contexts. This dissertation is composed of three distinct empirical chapters. Each examines a specific domain where culture may exert its influence.
The first empirical chapter (Chapter 2) investigates the negativity biases in citizens’ attitudes toward the political authority. In particular, we know that citizens’ political evaluations tend to be more strongly influenced by negative than positive perceptions of traits, events and policy outcomes. In this chapter, I argue that culture is a significant yet understudied correlate of negativity biases. A multilevel analysis using the World Values Survey (WVS) demonstrates that the negativity bias in national government satisfaction weakens as a society’s level of collectivism is higher. Next, I explore the effect of cultural values at the individual level with data from the Asian Barometer Survey (ABS). In line with the results from the WVS, I find that collectivism reduces the negative-positive asymmetry when citizens evaluate the incumbent authority on the basis of government performance. These results invite more caution when taking negativity biases as a general pattern that describes citizens’ attitudes toward political authority everywhere.
The second empirical chapter (Chapter 3) examines the phenomenon of negativity bias in the formation of generalized trust, the trust that individuals have in the members of society. Previous research demonstrates that generalized trust is relatively easy to destroy but challenging to create. In this chapter, I argue that the negativity bias literature is based on individualist assumptions and overlooks collectivist contexts. Using a preregistered online experiment conducted in China, I find that receiving negative information about the untrustworthiness of other social members has a more profound impact on generalized trust than receiving comparable positive information about their trustworthiness. Nevertheless, the asymmetric effect of information on trust is contingent on participants’ self-rated cultural values. Individuals with higher collectivist values tend to exhibit less negativity bias in trust development. These results shed light on the role of culture in understanding the dynamics of trust formation and call for further exploration of cultural influences on negativity biases.
The third empirical chapter (Chapter 4) explores the gender gap in electoral participation. East Asian women’s political participation has not kept pace with the region’s economic development. This discrepancy is often attributed to the influence of Confucian culture, which emphasizes hierarchy, order, and obedience. This chapter nuances this perspective by highlighting how certain elements of Confucianism, such as meritocracy, may actually empower modern-day East Asian women. This chapter focuses on the Chinese context, particularly the historically significant Confucian-based meritocratic institution known as the civil examination system (keju). I argue that historical meritocratic legacies can have a lasting impact on contemporary behavior, specifically by reducing the gender gap in political participation in local village elections. Using data from historical archives and the China General Social Survey, I find a negative correlation between the performance of a prefecture’s ancestors in the keju exams and the gender gap in village election turnout among present-day respondents.
This dissertation contributes to the understanding of the relationship between culture and political attitudes and behavior. In particular, this study represents one of the few investigations aimed at empirically studying the cultural influence on political attitudes and behaviors in this region. By advocating for research beyond “WEIRD” samples, it sets the stage for future endeavors that embrace global contexts and fosters more inclusive and nuanced perspectives in political behavior research.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/33628 |
Date | 02 1900 |
Creators | Liang, Baowen |
Contributors | Dassonneville, Ruth, Fournier, Patrick |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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