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La Ceinture des Parques ; suivi de Neuf gouttes contre l’incendie : le ressassement textuel dans La petite fille qui aimait trop les allumettes

La Ceinture des Parques engage un dialogue à mort avec la montée des eaux. Centrée sur les épreuves discrètes et pragmatiques du phénomène, cette fiction post-apocalyptique plonge dans la souffrance psychologique ressassée jour après jour par ceux qui vivent derrière les digues dans l’attente et l’impuissance. Deux rescapés de l’engloutissement planétaire incarnent ici l’idée que, face aux invasions de l’océan, le pire n’est pas dans les tempêtes mais dans ce qui les sépare. Le récit vise dès lors à faire du lecteur un guetteur. Ainsi prend-il la page comme une paroi et le texte comme une faille : chaque lettre est une nouvelle entaille dans le barrage, fissure par laquelle une goutte menace de s’infiltrer. A travers ces brèches, la mer remodèle le langage, balaye toute fixité en imposant le rythme de ses vagues, absorbant les frontières de l’écriture pour les calquer sur l’instabilité permanente qui caractérise le trait de côte et les marées. Plus l’énonciation progresse, plus elle se condamne en ouvrant elle-même ses vannes à une liquéfaction totale où les fins du narrateur, de sa langue et de l’environnement s’unissent dans une dilution commune.

L’essai des Neuf gouttes explore le réseau textuel souterrain déployé par le ressassement et la répétition d’une instance narratrice. Roman énigmatique, La petite fille qui aimait trop les allumettes aligne de nombreuses formules récurrentes, variées et réparties sur l’ensemble de ses 200 pages. A travers ces termes fréquents à priori insignifiants, le texte de Gaétan Soucy propose une dynamique textuelle alternative qui diffère selon le degré de coopération pragmatique du lecteur. Le ressassement s’impose dès lors comme moteur du récit, fonctionnant comme un régulateur de vitesse utilisé par la narratrice pour équilibrer deux fins convergentes, l’une matérielle et l’autre psychologique. Entre ces deux menaces qui se resserrent à chaque ligne, Alice Soissons doit résoudre le mystère familial avant que l’écriture soit rendue impossible, tout en évitant de précipiter sa plume dans une surchauffe émotionnelle. Voir comment l’intrigue gère paradoxalement le retour en arrière comme meilleur moyen d’avancer dans sa résolution constitue toute la teneur de cet essai. / La Ceinture des Parques engages in a deadly dialogue with sea level rise. Focusing on the invisible and pragmatic hardships of that natural phenomenon, this post-apocalyptic fiction dives into the daily psychological suffering haunting those who live behind the dikes and wait in helplessness. Two survivors of the global submergence embody the idea that, when facing the oceanic invader, the worst is not in the storms but in what lies between them. The story then aims to turn the reader into a watcher. It thus takes the page as a wall and the text as its flaw: every letter is a gash in the dam, a crack into which a threatening drop might seep. Through these rifts, the sea reshapes the language, erasing any rigidity in the words, imposing the rhythm of its waves that absorb the usual limits of writing to model them on the constant instability that defines coastline and tides. The more the text is developed, the more it condemns itself to be dissolved, letting the water come into the text to achieve a complete blend when the endings of the narrator, of its language and of the environment mix in a common dilution.

Neuf Gouttes is an essay exploring the hidden textual network spread by a narrator’s repetition and rumination. An enigmatic novel, La petite fille qui aimait trop les allumettes accumulates many frequent phrases throughout 200 pages. These similar words are trivial at first glance, but through them Gaétan Soucy’s text offers an alternate textual dynamic that differs according to the reader’s pragmatic cooperation level. The textual rumination stands out as the main force of the story, used by the narrator to adjust her writing speed in order to reach a safe balance between two converging endings: a material one and a psychological one. Between these two threats that get closer at each sentence, Alice Soissons must solve her family’s mystery before the writing becomes impossible, but also avoid rushing and crashing her testimony in an emotional explosion. The main goal of this essay is to analyse this paradox in which the plot uses reverses as the best way to make progress until its solving.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/24203
Date05 1900
CreatorsJeanneau, Nicolas
ContributorsHuglo, Marie-Pascale
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse

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