Le bassin du Merguellil, en Tunisie centrale, fournit un exemple illustratif des processus hydrologiques profondément modifiés par l’action humaine. L’oued Merguellil, le principal cours d’eau du bassin, a vécu une évolution socio-hydrologique extrêmement marquée. En effet, son état actuel est l’héritage d’une longue histoire d’interactions entre l’homme et son milieu. Il est actuellement intermittent sur la majeure partie de son cours, or les dires des riverains et les documents anciens révèlent qu’il n’en était pas ainsi au début du siècle dernier. Le recours aux informations anciennes issues des documents d’archives a montré que l’oued Merguellil était autrefois soutenu principalement par le déversement de la nappe captive de Bouhefna. Durant les années 1974-1975 et afin de transférer les eaux souterraines du bassin du Merguellil vers les régions côtières, une stratégie politique a été mise en place pour rabattre le niveau de la nappe de Bouhefna de manière à pouvoir réduire ‘’les pertes’’ par évaporation dans l’oued Merguellil et minimiser l’écoulement souterrain vers la nappe voisine de Haffouz d’intérêt hydrogéologique moins important. Comme prévu, cela a induit une inversion du gradient hydraulique oued-nappe inférant le tarissement des sources de déversement, la vidange de la nappe d’accompagnement et la disparition du débit de base de l’oued Merguellil à partir de 1976-1978. La modélisation hydrodynamique établie dans cette thèse suggère que le flux souterrain qui transitait vers l’oued par drainance verticale avant l’inversion du gradient hydraulique est de l’ordre de 9 hm3. Désormais c’est les crues de l’oued qui alimentent la nappe alluviale et les nappes superficielles. Le flux moyen infiltré lors de la propagation des crues est estimé à 17 hm3 dans la section de l’oued entre la station de Haffouz et barrage El Haouareb pour l’année 2013-2014.Toutefois, le schéma de gestion de la nappe de Bouhefna a été basé exclusivement sur des considérations hydrodynamiques sans tenir compte de l’évolution des usages. En effet, la disparition de l’étiage de l’oued a contraint les riverains à abandonner les canaux d’irrigation traditionnels et à opter pour l’installation de motopompes et la mise en place des forages profonds. Cette rétroaction face au changement de régime d’écoulement de l’oued a contribué à perturber davantage l’équilibre hydrologique. Cela s’est traduit par une exploitation excessive des eaux souterraines avec une baisse actuelle observée de la piézométrie supérieure à 1m/an et une inversion du gradient entre la nappe de Bouhefna et la nappe de Haffouz. La modélisation hydrodynamique suggère que les flux moyens échangés par drainance verticale sont passés de 8 hm3 en 1970 à 2 hm3 en 2015. Dans le sens inverse, les flux transitant depuis la nappe de Haffouz vers la nappe de Bouhefna sont évolués de 1 hm3 en 1970 à 6 hm3 en 2015, imposant ainsi un risque de salinité à long terme.Le transfert des eaux de Bouhefna vers les régions côtières, même s’il est largement contesté par les populations locales, n’a jamais été mis en avant comme facteur explicatif des évolutions hydrologiques vécues localement, les travaux de cette thèse permettent pourtant de montrer à quel point ce transfert d’eau a influencé le régime hydrologique de l’oued. Toutefois, en n’omettant pas leurs propres responsabilités dans ces dynamiques, les agriculteurs font preuve de lucidité. En effet, le modèle hydrodynamique suggère que la part cumulée des volumes en eau souterraine mobilisés par ces derniers après la disparition de l’étiage de l’oued est comparable à celle destinée à l’eau potable. Les résultats de cette thèse rejoignent les recherches en socio-hydrologie qui appellent à intégrer les aspects sociaux dans les schémas de gestion pour garantir un développement durable des ressources en eaux. / The Merguellil basin in central Tunisia provides an illustrative example of hydrological processes profoundly modified by human action. The Wadi Merguellil, the main river of the basin, has experienced an extremely marked socio-hydrological evolution. Its current state is the legacy of a long history of interactions between man and his environment. Truly, it is currently intermittent over most of its course, but the statements of farmers and archival records reveal that this was not the case at the beginning of the last century. The use of ancient information from archival documents has shown that the Wadi Merguellil was supported mainly by the overflow of the confined aquifer of Bouhefna. During the years 1974-1975 and in order to transfer groundwater resources from the Merguellil basin to the coastal regions, a management plan was put in place. The aim of this plan was to reduce the level of the Bouhefna aquifer so as to reduce '' losses '' by evaporation in the Wadi Merguellil and minimize the groundwater flow towards the nearby Haffouz aquifer. As expected, this strategy led to a reversal of the hydraulic gradient inferring the drying up of the overflow springs, the emptying of the alluvial aquifer and the disappearance of the Wadi Merguellil baseflow during the period 1976-1978. The hydrodynamic model established in this thesis suggests that the averaged groundwater flow that was feeding the Wadi before the hydraulic gradient reversal is around 9 hm3. Currently, it is rather the floods of the Wadi that feed the alluvial aquifer and the shallow aquifers. The average flow infiltrated during the propagation of flood events is estimated at 17 hm3 in the section of the wadi between the Haffouz station and El Haouareb dam for the year 2013-2014.Though, the exploitation management plan of the Bouhefna aquifer was based exclusively on hydrodynamic considerations without taking into account the evolution of hydro-agricultural practices. Indeed, the disappearance of the baseflow of the Wadi Merguellil has forced farmers to abandon traditional irrigation canals and opt for the installation of motor pumps and the establishment of deep wells. This feedback on the change in the Wadi flow regime has further disrupted the hydrological balance. This resulted in an excessive exploitation of the groundwater with an observed current decrease of the piezometry higher than 1m/year and a reversal of the hydraulic gradient between the Bouhefna aquifer and the Haffouz aquifer. The hydrodynamic model suggests that the average flow exchanged by vertical drainage has decreased from 8 hm3 in 1970 to 2 hm3 in 2015. In the opposite direction, the average flow transiting from the Haffouz aquifer to the Bouhefna aquifer has increased from 1 hm3 in 1970 to 6 hm3 in 2015, imposing a risk of salinity in the long term.The transfer of water from Bouhefna to the coastal regions, even though it is widely disputed by the local populations, has never been put forward as a factor explaining the hydrological evolution experienced locally. The work of this thesis allows to show how much this transfer of water has influenced the hydrological regime of the wadi. However, by not omitting their own responsibilities in these dynamics, farmers are lucid. Indeed, the hydrodynamic model suggests that the cumulative part of groundwater volumes mobilized by the latter after the disappearance of the Wadi baseflow is comparable to that for drinking water. The results of this thesis are in line with research in socio-hydrology that calls for integrating social aspects into management plans to ensure sustainable development of water resources.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018MONTG079 |
Date | 28 November 2018 |
Creators | Jerbi, Hamza |
Contributors | Montpellier, Université de Carthage (Tunisie), Leduc, Christian, Tarhouni, Jamila |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | English |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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