Les zones orogéniques sont le résultats d'interactions entre processus profonds et de surface. Notre capacité à distinguer les différents forçages sur la formation des chaînes de montagnes est fortement dépendante d'une connaissance précise du calendrier de la déformation, de l'exhumation et de la sédi- mentation, combinées à des contraintes précises sur la géométrie pour quantifier les flux de matières. Les Pyrénées sont en ce sens exemplaires. Les Pyrénées sont une chaîne de collision intraplaque du système Alpes-Himalaya formée par le rac- courcissement de marges continentales préalablement amincies, lors de la convergence entre la plaque Ibérique et la plaque Eurasiatique du Crétacé supérieur au Miocène. Il s'agit d'un prisme orogénique à double vergence déversé vers le Sud. L'évolution géodynamique de la plaque Ibérique a entraîné la ferme- ture de toutes les connexions océaniques du Bassin de l'Ebre du Priabonien au Miocène, ce qui a permis la préservation exceptionnelle des séries syn-orogéniques. Du fait de son histoire tectono-sédimentaire et sa longue durée de construction, contemporaine des changements climatiques du Cénozoïque, cette chaîne est donc la cible idéale pour l'étude des couplages et rétroactions entre climat et tectonique. La première partie de ce travail présente une étude des données de puits disponibles dans les bassins d'avant-pays. Ces puits sont utilisés pour discuter l'évolution pré-convergence des bassins flexuraux et le remplissage syn-orogénique. La subsidence du bassin du Trias au Miocène est calculée à partir de ces données, qui servent également à estimer le flux sédimentaire sortant du système orogénique à travers des cartes d'isopaques. Le flux de sédiments augmente à la fin du Crétacé, soit au début de la colli- sion et montre une évolution qui est corrélable aux vitesses de convergence de l'Ibérie vers l'Eurasie au début de la croissance de la chaîne. A partir de l'Eocène supérieur, le flux sédimentaire augmente rapidement alors que la convergence diminue et que la chaîne ne s'élargit pas, ce qui cause le com- blement total du Bassin de l'Ebre. Une étude sédimentologique et biostratigraphique a été menée à la limite Lutétien-Bartonien montre que la disparition des plateformes carbonatées est le résultat d'un cocktail fatal refroidissement/flux lors du passage à un régime climatique instable couplé à la tectonique pyrénéenne. Dans un deuxième temps, des nouvelles contraintes thermochronologiques sont apportées sur les premiers stades de croissance de la chaîne à partir de la double datation (U/Pb et (U-Th)/He) sur zircons détritiques, couplée au comptage de traces de fission sur apatites détritiques a permis de caractériser à la fois le type de source à l'affleurement ainsi que leur refroidissement. Une différence est identifiée entre le versant Nord où les granitoïdes Cadomiens sont dominants et le versant Sud où les granites Varisques sont fortement majoritaires, ce qui est en accord avec les roches qui constituent les bassins versants actuels. En plus de l'exhumation syn-orogénique, des phases plus anciennes sont reconnues au Trias et à l'Albien. Le fait que ces phases soient préservées dans les sédiments anciens montre que l'enfouissement pré-orogénique des séries a été limité à 2-3 km au Mésozoïque et permet de comparer les âges obtenus avec ceux disponibles dans la littérature. L'exhumation au Trias est interprétée comme la dénudation post-Varisque et l'exhumation albienne correspond au stade post-rift dans les Pyrénées. Des taux d'exhumation de 0,15 à 0,35 km/Ma sont calculés au début de l'orogenèse à partir des différentes populations reconnues dans les échantillons. La dernière partie de ce travail est une reconstitution de la géométrie des Pyrénées centrales à partir d'une nouvelle coupe crustale équilibrée et restaurée à quatre étapes clés de la croissance orogénique qui tiennent compte des contraintes sur l'exhumation ainsi que de l'amincissement des marges Ibérique et Européenne lors de leur amincissement extrême. La restauration montre un raccourcissement minimal de 103 km à partir d'un état initial où le manteau lithosphérique est exhumé le long d'un détachement crustal. La comparaison du raccourcissement et de la cinématique obtenus avec l'histoire de la convergence de l'Ibérie permet de préciser la largeur du domaine aminci à une quarantaine de kilomètres. Les coupes restaurées sont également utilisées pour estimer des flux de matière au travers du prisme orogénique. Celles-ci mettent en évidence une phase importante d'érosion et de rétrécissement du prisme à l'Oligocène, contemporaine du refroidissement global illustré par de l'établissement des premières calottes polaires, et liée au début du remplissage rapide du bassin de l'Ebre. Cette étude suggère qu'il est possible via des méthodes couplées, adaptées aux orogènes très bien contraints comme les Pyrénées, de discuter des mécanismes de croissance et de forçage contemporains de l'inversion de marges continentales.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00642171 |
Date | 29 April 2011 |
Creators | Filleaudeau, Pierre-Yves |
Publisher | Université Pierre et Marie Curie - Paris VI |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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