La présente recherche doctorale traite des constructions causatives dans une perspective développementale et contrastive. Elle poursuit un double objectif. D'une part, démontrer que la complexité morphosyntaxique des mécanismes causatifs joue un rôle important dans le processus de leur acquisition par les enfants. D'autre part, prendre en considération plusieurs habiletés langagières (production, compréhension, imitation) pour explorer pleinement les divers niveaux de maitrise des constructions causatives. Les deux langues que nous étudions – le français et le bulgare – n'utilisent pas les mêmes mécanismes pour encoder la notion de causativité. Le français privilégie le prédicat complexe faire + Vinf, mais accepte également quelques causatifs lexicaux (nourrir X). Le bulgare fait appel à trois procédés : lexical (xranja X – nourrir X), morphologique (le préfixe ‘raz-' : razsmivam X – faire rire X) et périphrastique (karam X da V présent – inciter X à ce que V présent). Un total de 113 francophones (71 enfants et 42 adultes) et de 96 bulgarophones (56 enfants et 40 adultes) participent à cette étude contrastive ; tous sont des locuteurs natifs monolingues. Les enfants sont répartis en trois tranches d'âge (3-4 ans, 4-5 ans et 5-6 ans) et ils participent à trois tâches expérimentales (production, compréhension, imitation). Les adultes sont enregistrés uniquement en tâche de production. Notre recherche aboutit à quelques résultats intéressants. Premièrement, entre 3 et 6 ans, la conceptualisation de la causativité ne pose pas de problèmes particuliers aux enfants francophones et bulgarophones ; ils comprennent les mécanismes causatifs de leur langue. Deuxièmement, l'ordre d'acquisition des formes causatives est étroitement lié à leur degré de complexité morphosyntaxique. Dans les deux langues étudiées, les causatifs lexicaux sont complètement maitrisés par les enfants. En revanche, malgré son caractère compact et sa simplicité formelle, le causatif morphologique du bulgare semble apparaitre tardivement. La présence d'erreurs par surgénéralisation chez les enfants âgés de 5 à 6 ans révèle que l'acquisition de ce mécanisme causatif n'est pas achevée. La construction périphrastique karam X da V présent, quant à elle, peut être considérée comme maitrisée, puisqu'entre 4 et 5 ans, les habiletés des enfants bulgares à la produire sont déjà très proches de l'usage adulte. Enfin, le prédicat complexe faire + Vinf est en voie de stabilisation ; les enfants français doivent faire quelques ajustements au niveau de l'intégrité de la séquence faire + Vinf et de l'usage de l'argument causataire (sa fonction syntaxique et sa présence dans les énoncés). Troisièmement, le rappel de la structure des mécanismes causatifs en tâche d'imitation améliore les performances productives des enfants. En conclusion, par la prise en compte de trois habiletés langagières, cette étude apporte un éclairage dans la recherche sur les constructions causatives. Dans l'esprit du Modèle de compétition et des approches basées sur l'usage, notre travail valide également la pertinence de trois principaux facteurs déterminant l'ordre d'acquisition des unités linguistiques : 1/ fréquence dans l'input (ou disponibilité) ; 2/ fiabilité (ou spécialisation dans l'expression d'une fonction communicative) ; 3/ complexité (formelle et conceptuelle). / The present study investigates the causative constructions from a developmental and cross-linguistic perspective. On the one hand, it aims to show the important role of the morphosyntactic complexity of causative mechanisms during language acquisition. On the other hand, it aims to examine different language skills (production, comprehension, imitation) in order to explore various levels of mastery of the causative constructions in two languages, French and Bulgarian. The two languages under investigation, French and Bulgarian, do not use the same mechanisms to express causativity. French uses the faire + Vinf complex predicate and some lexical causatives (nourrir X – feed X). In Bulgarian, the causativity is expressed using three mechanisms: lexical (xranja X – feed X), morphological (prefix ‘raz-': razsmivam X - make X laugh) and periphrastic construction (karam X da V pres – make that X + V pres). A total of 113 L1 French speakers (71 children and 42 adults) and 96 L1 Bulgarian speakers (56 children and 40 adults) took part in this cross-linguistic study. The children were divided into three age groups: 3-4, 4-5 and 5-6 years of age; they all participated in three experimental tasks (production, comprehension and imitation). The adults took part in one experimental task (production). Our cross-linguistic study provided some interesting results. Firstly, the conceptualization of causativity is equally understood in both languages, each child group globally understands the causative mechanisms available in their own language. Secondly, the order of acquisition of the causative mechanisms is tightly linked to its degree of morphosyntactic complexity. In both languages, lexical causatives are already mastered by all the children groups. Surprisingly enough, in Bulgarian, the morphological causative appears to be a late language development, as children as old as 5 to 6 years produce overgeneralizations of this mechanism, that means it is not yet mastered. In the Bulgarian data, we found that the periphrastic construction is acquired between the ages of 4 to 5 years; the children of this age group already show an adult-like ability in producing this analytical causative mechanism. In the French data, we found that the production of the faire + Vinf complex predicate begins to stabilize; however, children have to adjust both the integrity of the faire + Vinf structure and the usage of the causee argument (its syntactic function and its presence in the utterance). Thirdly, in instances when the structure of causative mechanisms is present during the imitation task, the children's production is improved. In conclusion, by including various language skills (production, comprehension and imitation), this study brings a new perspective in investigating the causative constructions. Our research is also consistent with both the Competition model and the usage-based approaches; it validates the relevance of three major factors determining the order of acquisition of the linguistic structures: 1/ input frequency (or ‘cue availability'); 2/ cue reliability; 3/ formal and semantic complexity (or ‘cue cost').
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014GRENL011 |
Date | 30 June 2014 |
Creators | Bezinska, Yanka |
Contributors | Grenoble, Chevrot, Jean-Pierre, Novakova, Iva |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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