La dramaturgie fut la première des ambitions machadiennes. Une oeuvre de poète exalté s’il en est, sobrement contenue pourtant, à la fois discrète en surface et bouillonnante en sourdine. Elle s’impose ainsi harmonieusement classique dans sa facture et dans sa tenue. Sur un plateau réduit à sa plus simple expression et dans une trame débarrassée du superflu, Joaquim Maria Machado de Assis confère à la langue théâtrale de ses comédies, une prose poétique et lyrique, une charge nouvelle, faite de vertige, de nervosité, qui déroute et innove dans le paysage esthétique brésilien des années 1860-1870. Sa démarche de dramaturge ne sera guère comprise, voire méjugée, jusqu’à être réduite au silence par l’ensemble de la critique et de l’historiographie du théâtre brésilien du XIXe siècle. Le XXe siècle, à quelques exceptions près, agira de même. C’est ainsi qu’il incombe aux interprètes de porter ce théâtre à la scène, de l’ancrer physiquement et concrètement, sans phrasé affecté ou trop de lyrisme. À cette seule condition, alors, peut-être, pourront sourdre des tempêtes intérieures. Il y a chez cet écrivain, une volonté farouche et affichée de dégager, dans une démarche consciente et mesurée, une synthèse viable pour asseoir durablement la dramaturgie brésilienne de son époque. Tout à l’écriture de ses pièces, il débuta une carrière de critique théâtrale qui hisse l’exercice à un véritable magistère, tant le genre souffrait, avant son passage dans la presse carioca, d’un discrédit et d’un manque de légitimité. Le journaliste, le chroniqueur, livre un corpus hétérogène qui fait de sa critique une activité plus complexe qu’on n’a bien voulu le dire. Elle devient un lieu de tensions paradoxales pour appréhender et penser le théâtre autrement. Partant, Machado – qui n’a pas encore trente ans – conférera à la discipline une autonomie jamais démentie depuis, et confortera sa place sur la scène intellectuelle brésilienne. Cette réflexivité critique, cet engouement pour le théâtre dans toute son étendue, enfin sa maîtrise de l’art dramatique, irradient, contaminent en profondeur l’écriture de ses contes et de ses romans les plus aboutis. Son immense fortune critique, sans contredit, doit tout à l’art du romancier inclassable et indompté – le plus grand prosateur brésilien – qu’il fut et offusque donc, le dramaturge. Il reste que par le théâtre et à travers lui, l’écrivain carioca livre une matière fictionnelle incandescente, labyrinthique, en lien organique avec la matière sociale et historique, en somme, un matériau artistiquement achevé, vibrant, lucidement classique. / Machado de Assis’first ambition ever was Drama. His is the work of an exalted poet, though sober and contained, apparently discreet and inwardly irrepressible: it sets itself as harmoniously classic in facture. On stage and with effective plots, Machado de Assis provided the theatrical language, which he utterly mastered, with a new function, made of the restlessness and excitability that disturbed and renewed Brazilian theatre in the 1860s and 70s from an aesthetical point of view. His approach as a playwright would cause misunderstanding and unsettle contemporary critics of his time, to date. Interprets have to take his theatre onto the stage, to root it physically and concretely, avoiding too much affectation or lyricism. On that condition only will underlying conflicts become apparent. In Machado, there is a definite, aware restlessness in willing to make a viable sum so as to durably lay the foundations of Brazilian dramaturgy of his time. In parallel, the writer started a career as a theatre critic, hoisting the practice to a high office, as indeed the genre had, before him, been widely despised as lacking legitimacy. Here, the journalist and chronicle writer presents a more heterogeneous body of works showing a complexity still overlooked to date: it became a space of paradoxical tensions to understand and think theatre in a different way. Hence, Machado – a young man of not thirty years of age – would provide the discipline with an autonomy still standing today and comfort his own significance in the theatrical and intellectual milieu of his time. Such critical reflexivity, such passion for drama in general and, finally such mastery of dramatic art, would illuminate the writing of his most accomplished short stories and novels. His immense legacy as a critic undeniably owes everything to his talent as an original and wild, untamed novelist – the greatest Brazilian prose writer of all times. The playwright is overshadowed by the novelist. Nevertheless, through his theatre, Machado de Assis presents a live and labyrinthine matter, intimately linked with the social and historical fabric of his time: an artistically though unaccomplished, and far from consensual, material.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2012PA030148 |
Date | 06 December 2012 |
Creators | Giusti, Jean-Paul |
Contributors | Paris 3, Universidade de São Paulo (Brésil), Penjon, Jacqueline, Pasta, José Antonio |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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